« Il n’y a pas plus lieu de sacraliser que de diaboliser cette fédération de marchands enivrée de sa grandeur et résolue à nous imposer ses standards, ses coutumes, son idéologie, ses produits en tous genres, bref ses canons dans les deux sens du mot.
… par la guerre ou dans la paix, les Etats Unis ne supportent plus et brisent tout ce qui leur résiste, qu’ils usent ou qu’ils abusent des droits que leur donne la force et que cette force même les conduit à prétendre dire le droit… »
Dominique JAMET (America über alles)
« … il n’est de justice entre les hommes que lorsqu’ils traitent à force égale, tandis que les plus puissants exécutent tout ce qu’ils peuvent se permettre et les faibles s’y soumettent ». Les Méliens continuant à repousser ce raisonnement et les propositions des Athéniens sont massacrés ou dispersés…
Thucydide (dans « La guerre du Péloponnèse » 400 avant J.C.)
Il n’est venu à l’esprit de personne de célébrer cet anniversaire. Mais quelques parlementaires américains ont rappelé le désastre et la honte de leur pays car ce jour-là Georges Walker Bush et sa camarilla déposait au Congrès (les deux chambres) une résolution pour partir en guerre contre l’Irak. Vote obtenu le 10 Octobre.
Lien : http://uspolitics.about.com/od/wariniraq/a/jt_resolution.htm
Aux États Unis même il n’y a eu aucun élan particulier pour soutenir cette équipée. Les résultats des votes furent les suivants :
Chambre des représentants : 133 voix contre, pour 435 élus.
Sénat : 23 voix contre, pour 100 élus.
D’ailleurs à l’époque sur 435 membres de la Chambre basse, 260 n’avaient pas de passeport car ils n’étaient jamais sortis de leur pays. Très loin d’avoir regardé un jour une mappemonde …
Ces chiffres à dire vrai modestes en faveur de la guerre, montrent que les élus ne voyaient aucun péril immédiat, et que le déluge de propagande pour emporter la décision, n’eut qu’un effet limité.
Pour ne citer que deux exemples de l’ambiance de l’époque :
« …Je pense que l’on ne peut mettre en doute les faits qui nous ont conduit à ce vote fatal. Saddam Hussein est un tyran qui a torturé et tué son peuple … les rapports des services de renseignement prouvent que Saddam Hussein a reconstruit son stock d’armes chimiques et biologiques, ainsi que sa capacité de lancement de missiles, et son programme nucléaire. Il a aussi offert aide, protection et refuge aux terroristes et à ceux d’al Qaida… » (Sénateur Hillary Rodham Clinton, 10 Oct. 2002)
Si l’on se souvient que cette politicienne briguait l’investiture démocrate au printemps 2008, personne ne lui a tenu rigueur d’avoir raconté n’importe quelle sornette six ans auparavant.
On pouvait lire aussi le New York Times :
« Inutile de débattre pour établir que Saddam Hussein est un dictateur qui continue à développer des armes non conventionnelles qui menacent la paix au Moyen Orient, et au-delà en violation des interdictions des Nations Unies. » (The New York Times, Edito du 3 Oct. 2002) l’un des plus prestigieux journaux américains (très proche de la communauté juive mais pas nécessairement d’Israël).
On trouvera une chronologie détaillée de la montée à la guerre sur le lien suivant :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Chronologie_de_la_guerre_d’Irak
dans cette phase précédant l’agression.
Elle permet de retrouver les dates importantes de la manipulation américaine, assez peu secrète, qui signe très bien comment s’impose le Droit du plus fort, son cynisme, et la lâcheté d’un certain nombre de pays suiveurs, dont certains d’Europe centrale, anciens du glacis soviétique. Attitude courageusement dénoncée par Jacques Chirac.
Celles que je retiens :
Vendredi 7 février 2003 : le gouvernement britannique est contraint de reconnaître que le dossier décrivant en détail « les activités de dissimulation irakienne », fourni par ses soins au gouvernement américain et mentionné, par Colin Powell, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, a été constitué à partir de travaux universitaires dont les informations remontent à 1991.
14 février : discours de De Villepin à l’ONU ; visite de Tarek Aziz au Vatican.
17 mars 2003 : face à une menace de veto de la Russie et de la France, les États Unis renoncent à déposer une seconde résolution au Conseil de Sécurité.
20 mars 2003 : ouverture du feu par les Américains, premiers bombardements de Bagdad. Sans aucun mandat international ; les pays satellites de la bannière étoilée, Royaume Unis en tête, l’espagnol Jose Maria Aznar (ami personnel de G.W. Bush, il paiera cet engagement au prix fort avec l’attentat sanglant de la gare de Madrid le 11 Mars 2004 ; 180 morts et 1.400 blessés).
Et j’en ajoute deux qui n’ont pas été retenues :
le 8 Décembre 2002 : ce jour là, entre 23 h et minuit, les États Unis volent dans les bureaux de l’ONU, le rapport de 12.000 pages remis par les Irakiens quelques heures auparavant à l’organisation internationale, pour être étudié par les inspecteurs sous les ordres de Hans Blix. C’était sans compter sur la panique que ce document aurait pu déclencher s’il avait contenu plusieurs informations sur la collaboration des Irakiens pendant plusieurs années avec des entreprises américaines, allemandes, britanniques ou françaises. Washington a donc décidé de le visionner avant que les autres membres et les inspecteurs y aient accès, afin de retirer les listes de fabricants d’armes, et des officiels gouvernementaux qui avaient négocié avec les Irakiens. Le procédé relevait d’un comportement de voyous.
le 17 Juillet 2003 : ce jeudi le docteur David Christopher Kelly est retrouvé mort près de son domicile ; la police parle sans tarder d’un suicide, veines du poignet gauche tailladées ; le docteur Kelly était un employé du ministère de la défense britannique et un expert en guerre biologique. Il était inspecteur de l’ONU en Irak, où il était allé 37 fois. Il fut découvert après sa mort qu’il savait parfaitement comment Tony Blair avait artificiellement amplifié le risque irakien.
La principale caractéristique, sinistre, de cette décision d’intervenir, est qu’elle fut totalement fondée sur une liste de mensonges. C’est en vain que la France et les Russes ont agité leur droit de veto. Dans les faits les États Unis ont réalisé leur invasion sans aucun mandat, déclinant à la face du monde, dans un absolu cynisme le droit du plus fort.
Il est souvent fait grand cas des nombreuses manifestations populaires contre la guerre à travers le monde. À cela près qu’elles ne mirent jamais en cause le prétexte fallacieux de cette intervention (présence d’armes de destruction massive), et que les protestations ne portaient que sur le simple rejet de la guerre.
Ce que fit la France ?
Le gouvernement français adopta une ligne claire sans s’en écarter, ayant la certitude que rien ne justifiait la guerre. Le refus de s’aligner sur l’administration Bush fut assumé malgré la lourde machinerie de propagande mise en œuvre par tous les moyens, même les plus vils, les plus sordides et les plus épais. Qui ne se souvient de tous les media Murdoch mettant notre pays en accusation sous les photos des croix du cimetière de Colleville – Omaha Beach. Un soutien à la guerre existait en France sous forme de relais inféodés à la bannière étoilée, tels des Mariton ou des Goasguen, heureusement peu nombreux mais combien bruyants, et toujours bardés des certitudes de ce qui est connu dans les Services Spéciaux comme « le mystère qui cache du vide ». Au final le discours de De Villepin le 14 Février 2003 à l’ONU fut un bel exercice mais il a été admis ultérieurement qu’il ne pouvait changer le cours des évènements. De plus il ne faut pas particulièrement honorer ce qui fut surtout une posture politique destinée aux media intérieurs français comme la suite l’a prouvé. Le même jour au Vatican, le pape recevait le vice-premier ministre irakien Tarek Aziz (chrétien chaldéen de Mossoul). Et son destin tragique incite qu’on s’y attarde.
Proche de Saddam Hussein dont il fut le ministre des affaires étrangères, Tarik Aziz était, entre autre, un grand ami de la France où il comptait (et compte toujours) de nombreuses relations fidèles, où il était respecté, aimé et soutenu. Personnage particulièrement cultivé, collectionneur de beaux livres, de tableaux et d’objets historiques, merveilleux connaisseur de sa région, et de son histoire, il a pensé jusqu’au bout que la raison l’emporterait dans les pays de l’Occident. Très introduit dans tous les pays arabo-musulmans où il était respecté de la même manière, il était une source précieuse pour la diplomatie française. Autorisé à recevoir dans son lieu de détention un journaliste britannique, il exposa le 5 août 2010 dans le Guardian, comment il avait été témoin de la manipulation anglo-américaine pour détruire les structures gouvernementales de son pays, et l’envahir. Dans les quelques semaines précédant l’agression, il pouvait difficilement aller dans des pays de l’Ouest ; il s’en remit donc à Amin Gemayel pour faire passer des messages à la France. Les mêmes qui avaient joué les flamboyants à l’ONU, ne furent pas pressés de renvoyer des signaux, et ne firent aucune intervention. Et le courage de l’Élysée, n’alla pas jusqu’au accuser publiquement Washington de mensonges … La réponse américaine à cette insolence de certains hauts fonctionnaires français fut ultérieurement des accusations dans le dossier pétrole contre nourriture, par une instruction totalement contrôlée par les Américains, conduites en France par le très « indépendant » Courroye, sous l’œil de son ami Sarkozy.
Ce fut à mon sens la dernière action diplomatique d’une France indépendante
Comme Eric Zemmour l’a très bien montré, ce fut aussi l’opportunité pour beaucoup d’intellectuels, maoïstes soixante huitard, et de leurs soutiens, de faire le pèlerinage à Washington. Les BHL, les Glucksmann, Arno Klarfeld etc…, tombèrent le masque, et dévoilèrent leur véritable engagement. Les atlantistes de métier, fidèles relais des néoconservateurs américains, ne nous étonnèrent pas avec à leur tête le trio Heisbourg, Tertrais, et feu Thérèse Delpech. Chacun envahissant les plateaux de télé, toujours avec « le mystère qui cache du vide ». Ici tout ce beau monde avait des preuves voire des certitudes sur le fameux armement interdit, mais ils ne pouvaient pas en dire plus … !
Que nous affirme aujourd’hui le député américain Dennis Kucinich (Ohio, démocrate assez à gauche) ? « …La guerre en Irak a été vendue aux Américains grâce à des mensonges facilement démontrables… Il était prouvé à cette époque déjà que l’Irak ne possédait pas d’armes de destruction massive, qu’il n’y avait aucun lien avec le 11 Sep.et qu’il n’était pas non plus une menace pour les États Unis… alors que la plupart de nos soldats sont rentrés, les Etats Unis maintiennent une présence importante au travers du Département d’Etat, et des milliers de compagnies de sécurité privées… »
Le texte complet en anglais chez Huffingtonpost, lien :
Et Kucinich développe que l’opération a couté un million de vies irakiennes, et plusieurs milliards de milliards de dollars.
Les observateurs critiques des évènements survenus depuis ce jour sombre à marquer d’une pierre noire (ce devrait être chacun de nous) tentent un bilan avec les moyens les plus objectifs possible dont ils disposent.
Les conséquences sont de trois ordres : matérielles, financières, morales… (à suivre…)
Au cours des vingt dernières années, les Etats-Unis ont successivement bombardé la Grenade, la Libye, le Salvador, le Nicaragua, le Panama, l’Irak, le Soudan, la Serbie et l’Afghanistan. Dans aucun de ces pays, les bombes n’ont réellement fait éclore de façon durable la démocratie.
L’Amérique, est à la recherche d’un mode d’emploi pour le gouvernement du monde. Il ne fait pas de doute en effet qu’au-delà de leurs objectifs immédiats (faire s’effondrer le régime de
Saddam Hussein et prendre le contrôle de ses ressources énergétiques), les Etats- Unis ont fait de la guerre contre l’Irak le point de départ d’une « grande politique » à portée planétaire. Ils ont, en d’autres termes, posé en Irak la première pierre d’un édifice géopolitique qui pourrait s’imposer ensuite dans le reste du monde.
Cette grande politique, dont le but final est de rendre irréversible l’hégémonie mondiale de Washington, vise dans un premier temps à « remodeler » le Proche-Orient dans un sens plus conforme aux intérêts américains, en prenant ouvertement le risque de provoquer une déstabilisation générale de la région. L’Irak n’est que la « première étape » d’une vaste « guerre régionale » qui est appelée à viser d’abord la Syrie, l’Iran et l’Arabie séoudite, puis le Liban et l’Autorité palestinienne.
Parmi ces trois pays, le plus gros morceau est évidemment l’Iran, que les Américains craignent de voir accéder à l’arme nucléaire, et dont la position géopolitique et géostratégique est la plus
importante de la région.
Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller du président Jimmy Carter pour les affaires de sécurité, déclarait en 2004: « Si la politique des néoconservateurs devait être menée à son terme logique, elle aboutirait à un monde où l’Amérique deviendrait comme Israël, complètement isolée, un objet d’hostilité et un Etat-garnison ». Il reste une forte possibilité qu’après avoir gagné la guerre, les Etats-Unis perdent la paix.
Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau sale du bain.
Il est bien évident que les gens de pouvoir qui ont
entamé la guerre contre Saddam Hussein étaient des gens
aussi malades et manipulateurs que Saddam lui meme.
Pour ce qui est de l’attaque sur la Grenade que je me souviens avoir suivi en continu avec des amis américains.
Ceci se passait en 1983,quelques mois après l’entrée en fonction de Reagan,il était temps de tourner la page angélique de Jimmy Carter,éleveur de cacahuètes ,manipulé par des groupes invisibles.
Merci Reagan,le président qui a cassé la dynamique soviétique.
Les présidentielles américaines resteront toujours l’enjeu de gigantesques confrontations entre des groupes invisibles,
ayant choisi leur candidat (Carter,Clinton,Bush 1 &2,Obama)
et des américains ,véritables indépendants (Reagan,Romney).
Quand on observe l’état de déliquescence de l’union soviétique européiste(USE/UERSS),nous n’avons de leçon a donner à personne.
Les Européistes sont incapables de prendre quelque initiative positive que ce soit sur leur propre zone d’influence naturelle.
J’ajoute que les américains cultivés en particulier ceux
du nord est (Boston),ont un très grand respect pour
la Royauté Française.
Pour cette simple raison qu’ils savent très bien
que leur liberté de 1783 est due au dernier Roi de la continuité royale.
Sans la décision en 1776 de Louis XVI de venir les aider,
ils n’avaient strictement aucune chance de vaincre la formidable machinerie anglaise contre les populations civiles.
La guerre d’Amérique fut la plus belle épopée
des armées du Roi de France depuis Clovis….
Si nous devons rester lucides et critiques face aux dérives de groupuscules de pouvoir,,nous ne devons pas dénoncer ceux des gens de bonne foi qui nous libérés en 1918 et 1944.
@ Machin
Tout le discours de Washington consiste aujourd’hui à instrumentaliser la « lutte contre le terrorisme » comme l’était autrefois la « défense du monde libre » : pour créer un « nous » composé d’alliés transformés en vassaux et en supplétifs asservis.
Ben Laden a servi objectivement cette stratégie, en offrant à la « croisade » américaine contre les réfractaires à la démocratie de marché, le modèle symétrique inverse de la « guerre sainte » contre les infidèles.
Dans les relations entre les Etats-Unis et l’Europe continentale, un changement se profile, porteur de conflits, et que ce changement est le fruit d’une dynamique historique qui dépasse les gouvernements ». L’une des sources de l’antagonisme, réside dans la dérégulation de l’économie globale, qui fait apparaître entre l’Europe et les Etats-Unis des intérêts économiques et industriels inconciliables.
Toute hégémonie suscite par définition des résistances. On en a un exemple dans la façon dont une vaste majorité d’Européens (71 % des Allemands, 76 % des Français, 83 % des Italiens) ont condamné le projet d’agression militaire américain contre l’Irak.
La « vieille Europe » s’oppose ainsi à la nouvelle barbarie.
@machin
Les États Unis ont su très tôt faire connaître leur intérêt et le protéger. La doctrine Monroe remonte à 1823. Les présidentielles américaines aujourd’hui incitent à scruter à la loupe des supposées différences de politique étrangère. Alors qu’il n’y en a pas, et que l’on est devant une inflexible continuité, quelque soit l’administration en place. Le seul paramètre nouveau depuis 20 ans est la disparition d’un contrepoids avec la fin de la guerre froide. Mais pour en rester sur le sujet de leur intervention dans le monde arabo musulman et perse, il est impardonnable de partir dans une guerre décidée par une oligarchie.