Des milliers de pages ont été écrites sur ce sujet depuis que la supercherie a été éventée, mais c’est le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz qui a certainement été le plus synthétique, le plus documenté et le moins complaisant.
La plupart de ses papiers sont traduits en français et publiés dans les Échos.
Quelques liens :
http://archives.lesechos.fr/archives/2011/LesEchos/21014-76-ECH.htm?texte=stiglitz
http://archives.lesechos.fr/archives/2011/LesEchos/21013-31-ECH.htm?texte=stiglitz
http://archives.lesechos.fr/archives/2008/LesEchos/20161-68-ECH.htm?texte=stiglitz
http://archives.lesechos.fr/archives/2008/lesechos.fr/03/11/300248711.htm?texte=stiglitz
Conséquences matérielles
On inclut généralement dans ce chapitre les pertes humaines, outre les destructions matérielles. Dès 2006, soit trois ans après le début de l’invasion, une étude très précise, conduite avec une méthode contrôlée et incontestable, concluait à 655.000 tués. La recherche fut conduite par une équipe conjointe d’épidémiologistes américains (université John Hopkins) et irakiens. L’armée de Saddam Hussein avait disparu, le décompte ne couvrait donc que les atteintes à la population civile. Publié dans le Washington Post le 11 Octobre 2006, lien :
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2006/10/10/AR2006101001442.html
Le chiffre de 1 million de morts avancé par Kucinich en 2012, depuis le début de l’invasion est donc vraisemblable. Ce qu’ont coûté les attentats interconfessionnels est à inclure dans le décompte. Les attentats aveugles continuent sans qu’ils ne fassent plus la une des media à l’Ouest (dernier d’envergure, le 30 Septembre dernier).
La guerre civile a entrainé des mouvements de population à une échelle catastrophique pour le pays, et la région. Les chiffres de plusieurs ONG s’accordent sur 2 millions de personnes déplacées et réfugiées.
Le bilan humain est un véritable saccage qui ne fait l’objet d’aucune réprobation internationale, du moins à la hauteur du désastre.
Conséquences financières
Outre le coût intrinsèque de la guerre, autour de 12 milliards mensuels, il faut ajouter 600.000 pensions d’invalidité (donc sur les années à venir), que Stiglitz chiffre à un minimum de 600 milliards.
Sans faiblesse il accuse l’administration Bush d’avoir financé cette opération par un crédit malsain, la bulle immobilière et sa crise des subprimes, qui a déstabilisé pour longtemps le système financier international. Il n’est pas courant de lier ainsi cette guerre insensée à la crise économique mondiale. Stiglitz est un des rares à le faire. Dans différents cénacles où l’on aurait dû réfléchir au sujet, j’ai souvent posé la question tant du financement de cette guerre en particulier, que d’un budget de la défense absolument délirant puisqu’il est égal à la totalité des budgets de défense de tous les autres pays. Je n’ai jamais eu de réponses très claires. Comme s’il était interdit de dénoncer la folie d’un pays qui a perdu ses repères. Stiglitz use d’accusations très dures pour dénoncer une comptabilité trompeuse, incomplète et des failles dissimulées.
« …Même si Bush pouvait être pardonné d’avoir enrôlé l’Amérique et la plupart du reste du monde dans une guerre sous de faux prétextes et d’avoir sous-estimé le coût de l’entreprise, il n’a en revanche aucune excuse pour la façon dont il a choisi de la financer. Sa guerre a été la première guerre de l’histoire entièrement payée à crédit… »
On se souvient on que le baril de pétrole était à 25 dollars à la veille de cette guerre, contre 88 dollars aujourd’hui.
Et bien entendu la corruption engendrée par la gabegie qui accompagne toutes les guerres, se chiffre là aussi en milliards de dollars : information du 22 Février 2011, 40 milliard de dollars ont disparu du Fonds de développement pour l’Irak…
Conséquences morales
Vue comme une armée d’invasion, les anglo-américains ont été assez vite confrontés à la réaction classique d’une résistance locale, avec tous les ingrédients bien connus des courants multiples. La déstabilisation du système en place, exacerba en premier lieu le conflit chiite – sunnite. Pour leur part les chrétiens d’Irak furent rejetés presqu’immédiatement, n’ayant ouvertement le choix qu’entre la valise ou le cercueil.
L’aveuglement que nourrit un messianisme totalitaire, conduit l’Amérique à installer un âge de terreur sous couvert de décider du Bien et du Mal. Ou à cautionner des parodies de procès.
La règle internationale de ce qui définit le crime de guerre ne s’applique pas aux États Unis d’Amérique. Un peu comme il y a des génocides impardonnables, et d’autres sans intérêt. Et Stiglitz rappelle que « …la force réelle de l’Amérique, plus que sa puissance militaire et économique, est son « soft power », son autorité morale. Et cela, aussi a été affaibli : les États-Unis violaient les droits humains fondamentaux tels que l’habeas corpus et le droit de ne pas être torturé. Son engagement de longue date pour le droit international a été remis en question… »
Sur le lien entre la morale et la politique vu par les États Unis on lira avec profit l’article suivant dans dedefensa , lien :
La dérive cynique avait commencé bien avant l’invasion, avec les embargos mis en place sans grand rapport avec des actions militaires. La sortie de mme Albright interviewée dans une émission, avait fait le tour des pays arabes, et aurait dû inciter certains hauts responsables à plus de prudence avant d’aller déjeuner avec elle (je pense en particulier à Hubert Védrine qui parle de sa chère Madeleine avec des trémolos dans la voix …). Malgré toute l’énergie dépensée pour faire disparaître les archives, voici ce que l’on retient :
En 1996, lors d’une émission de 60 Minutes (« Punishing Saddam », 12 Mai,1996) sur CBS, Lesley Stahl a posé la question suivante à la Secrétaire d’État des États Unis, Madeleine Albright:
« Nous avons entendu qu’un demi million d’enfants étaient morts (en Irak). Je veux dire, c’est plus d’enfants décédés qu’à Hiroshima. Et vous savez, est-ce que le prix en vaut vraiment la peine? »
Albright a répondu,
« Je crois que c’est un choix très difficile, mais le prix… nous croyons que le prix en vaut la peine. » (Elle était ambassadrice américaine à l’ONU à l’époque).
Et l’UNICEF publia en Août 1999 le premier rapport documenté corroborant ce chiffre de 500.000 enfants de moins de 5 ans, disparus faute de médicaments.
Dans un tel contexte il était mortel pour l’indépendance de la France de s’intégrer de plus en plus dans le commandant centralisé de l’OTAN, plombant ainsi notre diplomatie et détruisant des décennies de politique arabe crédible. Accrocher notre politique étrangère aux outrances américaines était indigne de ce que nous connaissons du monde arabo-musulman. Même si les arabes gardent quelques souvenirs de notre indépendance, nous sous-estimons la haine qui habite la population arabe et perse contre la bannière étoilée. Il est irresponsable de rejoindre ainsi « La Force Brute ».
Le troupeau d’hallucinés, G. W. Bush en tête, qui conduisait les États Unis, avaient inspiré aux commentateurs un parallèle pertinent (à cette époque, on craignait beaucoup une pandémie de grippe aviaire) : les trois fléaux du Moyen Age étaient la guerre, les épidémies, et l’obscurantisme…
En guise de conclusion, tout est dit en quelques lignes dans les mémoires de Greenspan :
Pendant dix-huit ans, Alan Greenspan fut le directeur général de la FED. Donc regardé comme l’homme le plus puissant du monde. Ce qu’il dit (Le temps des turbulences, JC Lattès, sept. 2007) : « …l’attention du monde développé pour les affaires politiques du Moyen Orient a toujours été liée de façon critique à la sécurité du pétrole … Je déplore qu’il soit politiquement déplacé de reconnaître ce que tout le monde sait : l’un des grands enjeux de la guerre d’Irak était le pétrole de la région… »
On peut le croire !
Pierre Builly sur Mathieu Bock-Côté : « Devant le…
“Le « traité de Versailles, écrasant le vaincu », dites-vous ? Comment ça ? Il aurait fallu démembrer…”