Une sinistre affaire de mœurs secoue le Royaume Uni : un personnage médiatique de premier plan est l’objet de nombreuses plaintes pour pédophilie. Sir Jimmy Savile, présentateur d’émissions de télévision pour enfants, anobli par la Reine, décoré par le Vatican et l’Ordre de Malte en raison de ses actes de bienfaisance, est accusé d’avoir violé plusieurs centaines de mineurs pendant des dizaines d’années, y compris dans les institutions pour enfants en difficulté qu’il patronnait, et qui lui servaient de vivier. Ce qui est particulièrement répugnant dans cette affaire est qu’il a fallu attendre un an après sa mort, à l’âge de 84 ans pour que ces faits, bien connus de toute l’élite britannique (il s’en était même vanté à la télévision !) fassent l’objet d’une enquête publique. Cet évènement sordide devrait amener à réfléchir sur les motifs qui ont amené les victimes, les autorités et les médias à se taire obstinément durant tant d’années. Un des pensionnats pour enfants démunis a même mis à l’isolement une fillette de 12 ans qui avait osé se plaindre des traitements que Savile lui avait infligés !
Même au temps de Dickens et des « workhouses » une telle affaire aurait été sanctionnée, arrivée à un tel niveau d’extension. La mort du présentateur n’a d’ailleurs pas suffi pour délier les langues : une émission présentée à la BBC, et qui dévoilait quelques-uns de ses crimes, fut récemment déprogrammée, et remplacée par un reportage commémoratif à sa louange. On reste confondu devant une pareille Omerta. Les démocraties occidentales prétendent garantir une société transparente et libre, où les droits des faibles pourraient triompher même contre les puissants, où la parole de ceux qui en ont reçu la mission sacrée (les journalistes) ne saurait être étouffée lorsqu’elle s’exprime pour une cause juste. Une affaire comme celle-là montre à l’évidence que cette image n’est qu’un masque dérisoire, pire qu’une tyrannie avouée, parce qu’elle plaque le discours moralisant sur le crime. La pression exercée sur les victimes était telle que personne n’osa jamais faire face à ce vieux malfaiteur. C’est ainsi qu’il n’hésita pas à répondre cyniquement à des parents furieux du viol leur fille de 12 ans, après l’émission « top on the pops » : « personne ne vous croira ! J’ai avec moi dix millions de personnes qui témoigneront en ma faveur et vous serez écrasés en un instant. »
Gilles de Rais
Il est vrai que cet histrion était assuré de la protection que donne le quatrième pouvoir (en fait le seul pouvoir véritable) : celui des médias, qui ne connaît ni contrepoids ni limite. Rappelons que Gilles de Rais, bien que maréchal de France et compagnon de la guerre de libération, fut brûlé en plein XV° siècle, et que le Comte de Charolais, petit-fils du Grand Condé, fut informé par le Régent que la grâce serait accordée d’avance à celui qui l’assassinerait Quoique placés aux sommets du pouvoir, les auteurs des crimes sexuels étaient punis en ces temps-là.
« Il vaudrait mieux pour lui qu’on lui attache une meule au cou et qu’on le précipite dans la mer ! »