(Comme tous les textes publiés dans cette catégorie, celui-ci, aussitôt paru, est incorporé à notre album Maîtres et témoins…(II) : Jacques Bainville. – 132 photos)
Du Journal, Tome III (1927/1935); Note du 18 janvier 1928, pages 34/35/36)
On ne peut manquer d’être frappé de l’assurance avec laquelle le président Coolidge s’est exprimé dans son discours d’ouverture du congrès panaméricain. Cette assurance paisible est celle que donnent la puissance et la richesse. De loin, une vue superficielle des choses laissait croire que les États-Unis, à l’assemblée de La Havane, seraient jugés par les Républiques latines, qu’ils auraient des comptes à rendre ou des excuses à fournir pour leur politique d’intervention au Nicaragua, en Haïti et ailleurs. La grande République de l’Amérique du Nord a tout de suite paré le coup. Tout au moins, en présence du président Coolidge, la question ne sera pas posée.
La grande République des États-Unis a la majesté de la république romaine. M. Coolidge s’est rendu à La Havane avec un déploiement de force, un appareil de luxe qui font penser au voyage d’un proconsul. Il a derrière lui le Sénat de Washington, qui rappelle le Sénat romain. Et il parle aussi de paix, comme en parlait Rome, qui a, en effet, pendant plusieurs siècles, donné la paix au monde d’alors, mais en intervenant partout où cette « paix romaine » était troublée.
(Illustration : John Calvin COOLIDGE (1872-1933), 30ème Président des États-Unis).
Virgile avait donné la formule d’une doctrine de Monroe lorsqu’il conseillait aux Romains de se souvenir qu’ils étaient destinés à gouverner les peuples. Cet orgueil tranquille est l’accompagnement de la grandeur. A quoi sert de se dissimuler que les États-Unis sont très grands, qu’ils ont en hommes et en ressources des disponibilités immenses et qu’ils n’ont à subir le contrôle de personne ? On ne peut, en somme, que rendre justice à leur modération. C’est celle d’Auguste disant a Cinna : « Je suis maître de moi comme de l’univers. »
Le respect – le Code dit très bien « la crainte révérentielle » – que les États-Unis inspirent, se traduit, à chaque instant, par des soumissions imprévues. On croyait que le Mexique, très avancé et un peu bolchévisant du président Calles, tenait tête à la République voisine. Il est devenu doux comme un agneau. Il y a un parti yankee au Nicaragua, et ce n’est peut-être pas le moins influent. Ne dites pas aux citoyens de la République de Panama qu’ils sont sous influence étrangère; ils se fâchent. Ne dites pas aux citoyens de la République de Colombie que la politique du dollar, aidée par la politique du gros bâton, a séparé d’eux les citoyens de Panama; vous les offenseriez. Le récent manifeste de M. Romain Rolland et de quelques autres défenseurs de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes court grand risque de n’être pas entendu.
Mais on s’explique aussi que les Etats-Unis, habitués à trouver autour d’eux si peu de résistance, n’acceptent pas de discussion avec la vieille Europe, qu’ils se tiennent dédaigneusement à l’écart de la Société des Nations, que, pour les dettes, dites de guerre, ils proposent des chiffres qui sont à prendre ou à laisser, qu’ils construisent autant de navires de guerre qu’il leur plaît dès que l’Angleterre n’admet pas leur formule de limitation des armements navals, qu’ils aient leur conception du « bannissement de la guerre » et qu’ils l’imposent, bref qu’on ne gagne jamais à vouloir ruser ou finasser avec eux.
On a trop encensé autrefois la liberté américaine. On la comprenait comme la liberté civique, l’idéal de la démocratie etc… Mais, être libre c’est être fort. Parce qu’ils sont forts, les États-Unis possèdent une liberté souveraine qui en arrive à ne pas se distinguer beaucoup de l’impérialisme, sinon par le fait que le président Coolidge, à la différence du président Hindenburg, ne porte pas d’épaulettes, d’éperons ni de sabre.
Cette note, si remarquable, du journal de Jacques Bainville, n’a pas suscité de commentaire, pour l’instant, peut-être parce qu’elle se situe dans un contexte qui, déjà, paraît fort ancien.
Ceux qui pensent que nous vivons des temps nouveaux, qu’aujourd’hui les choses sont très différentes, qu’il faut vivre avec son temps, que, de nos jours, il n’est plus possible de …, ceci ou cela, rangeront, sans autre forme de procès, cette note dans la catégories Histoire. Auront-ils raison ?
Mais ceux, dont je suis, qui croient que, finalement, dans l’histoire des peuples et des nations, les permanences l’emportent sur les nouveautés, ou plutôt, ce que l’on croit être des nouveautés, ceux-là considèreront, au contraire, les réflexions de Bainville, sur la puissance américaine, comme parfaitement actuelles et comme aisément transposables. Et à ce petit exercice de la mémoire et de l’esprit, ils trouveront, sans aucun doute, un certain plaisir.
Ceci me parait assez pertinent toutefois l’hégémonie américaine n’est plus si absolue et la Pax Romana était sans doute parfois écrasante!!
Effectivement,consulter les réflexions du passé sont impératives pour pouvoir penser le présent.
Ceci étant,bien des choses ont changé depuis 50 ans (1962-2012)
Nous l’avons vu lors des présidentielles américaines de 2012.
Les personnes de conviction des 2 cotés de l’Atlantique sont confrontées aux memes types d’agressions, de menaces ,de manipulations ,de propagande de censure etc.
Il y a un problème général des élites qui se cooptent aux plus hauts niveaux de la pyramide politique et médiatique.
L’émergence des nouveaux moyens numériques (tels que ce blog) sont en train de changer la donne.
Les gens de qualité et de bonne volonté ont bien compris qu’il fallait échapper aux grands médias qui ne sont plus consultés que comme un complément inversé (comment le système veut que nous pensions).
L’union européenne est une farce tragique et son rictus hideux commence a devenir visible aux gens naifs.
Quand Madame Merkel se déplace en Grèce ou au Portugal,
qui ne voit le casque a pointe qui flotte au dessus de sa permanente ???
Nous savons également que l’UMP est condamnée à se scinder en deux partis.
Alors que faire???
Le salut viendra d’une part d’une remise en question de chacun d’entre nous a titre individuel en rétablissant le lien avec notre « antécédance » immémoriale.D’ou la Royauté omniprésente.
D’autre part,d’un processus de meme type en Amérique,chez les perdants de 2012 .Il faudra échanger et partager au dessus de l’atlantique pour constituer des outils de resistance commune.
Nous ne pourrions rien entreprendre sans les EUA
et les EUA ne pourront rien entreprendre sans nous.
Etrange répétition de la guerre d’indépendance qui n’a pu exister que par l’arrivée des Français au service du Roi de France en 1781.
La tare originelle de l’Amérique, dont l’histoire se confond avec celle de la modernité, est de s’être construite pour l’essentiel à partir de la pensée et de la philosophie des Lumières.
Cette idéocratie messianique qui tend à regarder les Etats-Unis comme une nouvelle Terre promise et le reste du monde comme un espace imparfait qui doit se convertir au mode de vie américain pour devenir à la fois compréhensible et conforme au Bien. Cet objectif de réaliser une société idéale, qui serait un modèle pour l’humanité et dont l’adoption par tous les peuples mettrait fin à l’histoire.
Depuis toujours, les Américains ont considéré leurs institutions politiques comme l’incarnation même de certains idéaux et aspirations universels destinés à s’étendre un jour au reste du monde.
En 1863, dans La vie sans principe, Thoreau écrivait : » Les moyens de gagner de l’argent vous entraînent presque sans exception vers le bas ». On voit le chemin parcouru.
La dernière citation de Thoreau illustre bien le niveau auquel sont parvenus les Etats-Unis et les nations qui les imitent volontairement ou non. L’arrogance des Etats-Unis est trop apparente pour l’ignorer : ils la montrent par les moyens de guerre, la plus importante armée du monde se permettant d’intervenir partout de façon honteuse et avec les plus mensongers prétextes. Le système financier est à leur service pour vivre sur le dos des autres… Ils utilisent les droits de l’homme pour juger les autres mais agissent comme des bandits.C’est une nation perfide, parasite…