François Reloujac publie, chaque mois, dans Politique Magazine, une chronique économique, particulièrement pertinente et documentée.
Il émane de ses analyses une vraie réflexion d’ensemble, de laquelle, implicitement, car François Reloujac traite strictement de la situation économique, se dégage ce que pourrait être une politique française, non seulement à l’égard de l’Europe, notamment de l’Euro, mais aussi à l’égard des deux principaux acteurs actuels mondiaux que sont les États-Unis et la Chine.
Dans un domaine où nous n’excellons pas toujours, François Reloujac et Politique Magazine apportent, ainsi, une utile contribution à l’ensemble des royalistes français.
Nous consacrons d’ailleurs l’une de nos Pages à La suite économqiue de François Reloujac : vous pouvez y retrouver tous ses articles de l’année en cours et, en PDF, ceux de l’année 2010 et de l’année 2011.
Archives :
* 2011 LA SUITE ECONOMIQUE DE FRANCOIS RELOUJAC.pdf
* 2010 LA SUITE ECONOMIQUE DE FRANCOIS RELOUJAC.pdf
(Chronique parue dans le numéro 112, novembre 2012, de Politique magazine)
Trente ans d’errements
Au moment où le débat sur le niveau de l’effort qui sera demandé aux Français s’installe au Parlement, il est bon de s’intéresser aux fondements de la fiscalité nationale, pour examiner à quoi elle sert et la façon dont elle évolue.
Officiellement, dans la France de ce début du xxie siècle, l’impôt a trois raisons d’être : assurer le financement de l’état et des administrations publiques, redistribuer la richesse dans un but de justice sociale et aussi piloter l’économie afin de la rendre performante (sic). Comme dans tous les pays démocratiques, et compte tenu de l’importance de cette fiscalité sur la vie des « habitants » du pays, ce sont les citoyens qui consentent à l’impôt par l’intermédiaire de leurs représentants, c’est-à-dire les membres du Parlement. Si donc la croissance n’est pas au rendez-vous, si le niveau de chômage est élevé et si les inégalités sont flagrantes, c’est que le système fiscal ne répond pas aux attentes que l’on met en lui.
Un impôt qui ruine la souveraineté nationale
Le but premier de l’impôt est de financer l’état. Mais, tous les gouvernements qui se sont succédés depuis la seconde guerre mondiale n’ont eu de cesse de faire croître comme un cancer les services d’un état qualifié de « providence ». Aujourd’hui, la dépense publique représente plus de 56 % du Produit intérieur brut. Où est-il donc le temps où un président de la République expliquait que lorsque cette dépense publique franchirait la barre des 40 % du PIB, le pays aurait sombré dans le communisme ? Hélas, dans un système où l’on ne peut pas être élu sans faire des promesses plus grandes que celles de ses adversaires, les besoins publics ne peuvent que croître rapidement. Tous les prétextes sont bons ; depuis les obligations de l’état omniprésent jusqu’aux avantages catégoriels consentis aux groupes de pression sur lesquels s’appuient chaque candidat.
Cette surenchère dans les interventions de l’état conduit à un budget qui, depuis plus de quarante ans, est voté chaque année en déséquilibre. Les dépenses de l’état ne peuvent plus être uniquement couvertes par l’impôt – pourtant déjà très élevé – et le Gouvernement doit continuellement faire appel à l’emprunt. Ceci a deux conséquences majeures : la première est que l’état devient de plus en plus dépendant des « investisseurs » internationaux (en 2012, la moitié de ces « investisseurs » venaient d’Asie et du Moyen-Orient) et des taux d’intérêt qu’ils imposent en s’appuyant sur l’éclairage des agences de notation ; la seconde est que le montant total des intérêts que la France doit rembourser chaque année est devenu le deuxième poste de dépenses publiques par rang d’importance (notons que cette charge d’intérêt est une composante du PIB que l’on cherche à faire croître car ce PIB est la somme des valeurs ajoutées par les entreprises et des « coûts de production » des administrations). Politiquement, cette surenchère électoraliste est ainsi en partie responsable de la perte de souveraineté actuelle de la France.
Une redistribution qui ne reconnaît pas la citoyenneté
La redistribution a officiellement un but égalitaire. Dès lors, elle cherche à confisquer toujours plus les biens de ceux qui réussissent pour donner aux malchanceux. Cela a trois effets complémentaires : d’abord, cela décourage ceux qui seraient les plus aptes à entraîner les autres et à créer de véritables richesses (pas simplement une richesse apparente, purement financière, qui n’est que le faux-nez d’une inflation qui finira bien par éclater) ; ensuite, cela les empêche d’utiliser leur argent pour des dépenses de luxe, grosses pourvoyeuses d’emplois ou pour de simples dons ; enfin, cela pousse les classes les moins aisées à gaspiller et, comme si cela ne suffisait pas, on les encourage à s’endetter. Tout le monde est ainsi encouragé à adopter un même mode de consommation, ce qui conduit à faire passer la qualité après le prix de vente des produits aux consommateurs. Or, les produits peu coûteux viennent souvent de pays où la protection sociale est inexistante et où les normes de production sont peu exigeantes ; dès lors, ces mauvais produits qui chassent les bons, nuisent à la production nationale.
De plus, cette redistribution – non-discrimination oblige – est essentiellement tournée vers les populations les plus défavorisées, y compris les étrangers en situation irrégulière, ce qui ne favorise pas l’intégration et va même jusqu’à porter atteinte à la notion de citoyenneté.
Trop d’impôt tue l’emploi
En vertu des accords de libre-échange négociés dans le cadre de l’OMC ou imposés par l’Union européenne, le pays n’est plus maître du niveau de la pression fiscale sur ceux qui sont assez puissants (les entreprises multinationales) ou assez riches (notamment les vedettes du spectacle) pour se délocaliser. Les normes comp-tables internationales favorisent d’ailleurs cet état de fait. Le gouvernement ne peut donc plus agir que sur la pression fiscale qui est imposée à ceux qui ne peuvent pas partir.
Pour fixer cette pression fiscale, les Pouvoirs publics ne s’appuient plus sur un véritable projet économique, mais uniquement sur des statistiques et des chiffres comptables. Cela peut conduire à des aberrations dont l’une des dernières en date est la décision de l’actuel gouvernement de défaire la meilleure idée mise en pratique par le précédent : le statut d’auto-entrepreneur. Sous prétexte que le manque à gagner pour l’état atteindrait aujourd’hui quelques centaines de millions, on veut aligner le régime des auto-entrepreneurs sur les autres, c’est-à-dire leur imposer de payer impôts et autres charges sociales avant même de commencer à gagner de l’argent. Résultat : on les décourage de travailler. Comme aucune mesure fiscale n’est jamais neutre et qu’aucune décision ne débouche sur un résultat qui serait « toutes choses égales par ailleurs », le prétendu manque à gagner actuel ne rentrera pas dans les caisses publiques, mais le nombre de chômeurs qui auront recours aux aides étatiques va augmenter. Et le manque à gagner va se transformer en dépenses supplémentaires. L’impôt ne tue pas seulement l’impôt, il tue aussi le travail et l’emploi.
En réalité, la fiscalité française est désormais une fiscalité à deux vitesses : douce pour les apatrides (grosses entreprises, fonds de pension et spéculateurs financiers), au nom du libéralisme financier ; lourde, voire confiscatoire, pour les particuliers et les PME, au nom d’une conception socialisante et étatisée de la solidarité.
Des Parlementaires stipendiés
Les parlementaires sont censés consentir à l’impôt au nom du peuple qu’ils représentent. Mais les parlementaires actuels ne sont pas de vrais représentants du peuple. Ce sont de simples professionnels du discours, choisis par les partis, et qui ne se sont jamais heurtés aux difficultés du peuple qu’ils sont censés représenter. La politique est devenue pour eux un métier. Comme ils sont choisis dans une caste essentiellement issue de la fonction publique, leur origine sociologique n’est en rien à l’image du pays. Ils décident de choses qu’ils ne connaissent pas et n’ont pas à supporter les conséquences de leurs décisions. Il ne faut donc pas s’étonner si leur consentement n’est pas convenablement éclairé.
Il faut ajouter que, pour être élus, ils doivent avoir le soutien d’un parti dit « de gouvernement », dont le vainqueur a aussi le droit de désigner le chef de l’exécutif. Ainsi, ceux qui sont censés consentir à l’impôt au nom du peuple ne connaissent pas ledit peuple mais sont les obligés du Gouvernement qui sollicite leur consentement. Autant dire qu’à part quelques modifications de façade, ils ne s’opposeront jamais aux décisions de l’exécutif. Il est loin le temps où les Parlements de Bretagne ou de Provence pouvaient décider de refuser de voter les subsides demandés par un roi au pouvoir absolu !
J’ajouterai que la BCE est la seule banque centrale au monde qui ne finance pas les déficits, ce qui oblige les états membres à recourir aux banques privées avec tous les désagréments que l’on connait.
C’est peut-être parce que la BCE est aussi la seule banque « centrale » au monde qui ne soit pas celle d’un Etat, mais de plusieurs (17).