Les images, les photographies, les comptes-rendus, les commentaires sur l’immense manifestation nationale d’hier, à Paris, ont envahi les ondes, la presse, la toile. Il est clair qu’il s’est agi là d’une réponse forte d’une grande partie de la France réelle au projet idéologique du gouvernement, un projet qui divise et trouble la société française, qui n’en avait nul besoin. Déjà largement déconstruite, elle est prise de vertige à la perspective de poursuivre dans cette voie, de descendre un échelon de plus …
Sur cette grande manifestation, tout a été montré, tout a été dit, tout sera dit, encore, dans les jours qui viennent. Nous n’y reviendrons pas, en cet instant.
Reste la question de fond. Elle dépasse largement la seule affaire du mal nommé mariage pour tous. Nous aurions tort de nous y enfermer. Car, très en amont, c’est la famille dite traditionnelle elle-même, qui est, depuis bien longtemps déjà, en crise (cf. l’inexorable montée des divorces : aujourd’hui plus de 50% des ménages sont concernés !). C’est donc une réflexion de fond sur la famille, minée par l’individualisme, par l’égoïsme contemporains et, en un sens, c’est une contre-idéologie qu’il faut opposer à l’idéologie radicalisée qui sous-tend le projet de loi gouvernemental. C’est ce qu’il faut lancer, ce qu’il faut être capable d’entreprendre maintenant. Car c’est à cette condition que la grande campagne en cours trouvera un prolongement, durera, s’amplifiera et aura, en définitive, été efficace.
C’est ce qu’a commencé de faire Jean-François Mattéi *, dans un important article du Figaro. Vous pourrez le lire, en lisant la suite …
Le philosophe – membre de l’Institut universitaire de France – met l’accent sur les paradoxes qui se dégagent du projet de loi.
Camus disait que « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » (1). Le « mariage pour tous » et l’ « homoparentalité » contribuent à leur tour à ce malheur sémantique, ces deux expressions étant de pauvres oxymores. Elles entraînent une cascade de paradoxes que l’on masque prudemment sous les discours édifiants des bonnes consciences. Mais le paradoxe a beau devenir une nouvelle doxa, et donc un préjugé, il n’en reste pas moins un défi au bon sens.
Paradoxe du sexe. La « théorie du genre » (gender theory) prétend que la primauté accordée à l’hétérosexualité culpabilise les pratiques homosexuelles, bisexuelles et plurisexuelles. Dans la mesure où le sexe biologique ne déterminerait pas le genre sexué, les sexualités LGBTQI (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels, queer et intersexe) seraient égales aux pratiques hétérosexuelles: Le sociologue Eric Fassin ne s’en cache pas : « Ce qui est en cause, c’est l’hétérosexualité en tant que norme. Il nous faut essayer de penser un monde où l’hétérosexualité ne serait pas normale. » Le trait final de la conférence de Monique Wittig sur La Pensée straight, en 1978, anticipait déjà cette croyance dans l’indifférence des sexes : « Les lesbiennes ne sont pas des femmes. » Elles ne sont pas non plus des mères parce que toutes les femmes sont nées d’une mère sexuée, et non d’un genre grammatical.
Paradoxe du mariage. Au lieu d’aimer leur compagnon ou leur compagne de façon autonome, certains homosexuels veulent convoler en justes noces. Les homosexuels mariés vivront ainsi aux dépens des hétérosexuels mariés en leur empruntant la cérémonie civile, le sacrement religieux et la symbolique maritale, dont la robe blanche de l’un des conjoints. S’il est vrai qu’un parasite est une personne qui vit aux dépens d’autrui, les homosexuels mariés auront un double comportement parasitaire. Le premièr à l’égard des hétérosexuels dont ils imiteront l’alliance juridique. Le second à l’égard de la famille hétérosexuelle dont ils parodieront la filiation biologique. Dans les deux cas, le mariage et la filiation seront virtuels, mais non actuels, puisque la dualité sexuelle et l’engendrement d’un enfant par un homme et une femme seront vécus comme des simulations.
Paradoxe de l’imitation. Ce prétendu droit au mariage et ce supposé droit à l’enfant, créances tirées sur une société qui n’en retire aucun bénéfice, proviennent de ce que René Girard a qualifié de « crise mimétique » . Le désir triangulaire met cette fois en scène le couple homosexuel, le couple hétérosexuel et l’enfant désiré. Mais comme ce dernier ne peut être conçu que par l’union d’hétérosexuels dont la différence est féconde, les homosexuels dont l’identité est stérile compenseront leur impuissance en imitant les précédents. Les moyens détournés pour élever des enfants feront appel à la procréation médicalement assistée (PMA), à la gestation pour autrui (GPA) qui nécessite l’usage du sperme d’un donneur et la location du ventre d’une mère porteuse, ou à l’adoption d’un enfant déjà né d’un homme et d’une femme. Dans tous les cas, le modèle homosexuel restera sous la dépendance du modèle hétérosexuel.
Paradoxe de la parenté. Avec cette nouvelle norme maritale, imposée par des minorités, la famille homoparentale sera privée d’aspect procréatif. Les adultes homosexuels seront à tort nommés « parents », le terme latin parens étant issu du verbe pario, « accoucher, enfanter », alors qu’ils ne peuvent engendrer sans l’intervention sexuée, et non gendrée, d’un tiers, homme ou femme, ce qui fait trois personnes, ou d’un autre couple dont la femme portera l’enfant, ce qui fait maintenant quatre personnes. La neutralisation des différences sexuelles entraînera la neutralisation de tous les statuts généalogiques et la privation de tous les repères de filiation : la parentalité l’emportera sur la parenté.
Paradoxe de l’enfant. Quant à l’intérêt supérieur de l’enfant, dont on se préoccupe peu tant le désir de l’adulte est devenu despotique, il ne concerne plus qu’un produit médicalement et socialement déterminé. L’identité d’une fille ou d’un garçon, est une construction complexe qui implique, avec une double détermination généalogique, celle de son père et de sa mère, des apports familiaux d’ordre affectif, intellectuel et social. Mais cette construction culturelle ne saurait faire l’économie de cette section primitive qu’implique le mot latin sexus, à partir de laquelle, non seulement la masculinité et la féminité voient le jour, mais également la paternité et la maternité.
Avec la dissociation de la sexualité et de la procréation, nous entrons dans un Monde de stérilité dans lequel l’enfant, devenu une denrée rare, sera pris dans le cycle économique de la marchandise. Le malheur se déclinera demain sous des formes juridiques plus subtiles qu’auparavant. Mais il concernera toujours l’être humain conçu comme un moyen, et non comme une fin, c’est-à-dire, selon les cas, comme un objet bien ou mal nommé.
(1) Camus, « Sur une philosophie de l’expression » , Poésie 44, 1944.
On notera que, dans les travaux sur le genre, le terme de « sexe » revient comme un retour du refoulé pour indiquer le rapport charnel qui implique l’usage de l’appareil reproducteur de l’homme et de la femme.
V. Margron et E. Fassin, Homme, femme, quelle différence ? Paris, Salvator, 2011, p. 25.
* Jean-François Mattéi, est professeur de philosophie grecque et de philosophie politique. Il est professeur à l’université de Nice Sophia Antipolis, et membre de l’Institut universitaire de France.
Habituelle, et oiseuse, querelle des chiffres : 850.000 (organisateurs), 340.000 (police); la bonne vieille méthode des « anciens » des Renseignements généraux est certainemenent la plus fiable : on additionne les deux chiffres et on divise par deux, ce qui nous donne 600.000 participants, en arrondi. C’est donc un succès, et c’est tant mieux.
Mais, s’il est excellent de manifester, l’essentiel est de combattre les idées fausses par les idées vraies : merci à JF Mattéi pour ce beau texte, qui remet les idées à l’endroit et qui donne des arguments forts….
Il y a ceux qui attendent la fin de la partie pour savoir qui soutenir. C’est toujours d’une grande noblesse …
Cas de Gattegno dans le Point Internet ce matin. Media des plus fuctuant sur le sujet depuis plusieurs semaines.
Mais Gattegno avance surtout un argument odieux, largement utilisé par la poignée de gaucho-bobos parisiens promoteurs de cette ignominie : un débat très large aurait eu lieu depuis plusieurs mois. De qui se moque-t-il ?
Effectivement, si importantes que soient les manifestations, si forte et déterminée que soit la mobilisation, sans un substrat « idéologique » puissant, le mouvement finirait par s’essouffler, et la réforme, en définitive, s’intégrerait, sans trop de difficulté, à notre existence sociale ordinaire. La cause serait entendue et, peu à peu, oubliée. C’est ce qu’escomptent, n’en doutons pas, les divers inspirateurs du projet.
Il n’est pas sûr qu’il en soit ainsi parce que, d’ores et déjà, malgré la volonté du pouvoir, un débat officieux a, de fait, bien eu lieu dans l’opinion et les adversaires de la réforme ont avancé, y compris dans la foule des manifestants, y compris dans les médias, un certain nombre d’arguments forts, dont il n’est déjà plus possible de ne tenir aucun compte.
Mais une réflexion de fond, comme celle que lance, ici, Jean-François Mattéi, me semble être, en effet, une condition sine qua non de l’efficacité de notre opposition au projet du président de la République. Souhaitons que Jean-François Mattéi en soit, seulement, en quelque sorte, le précurseur.
« Ce qui est en cause,c’est l’hétérosexualité en tant que norme, il nous faut essayer de penser un monde où l’hétérosexualité ne serait pas normale » Cette citation du sociologue Fassin éclaire l’élection d’un « Président normal ».
Les décisions du « Président normal » vont décider de ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. Puisque le Président normal décide que le mariage homosexuel, incestueux et polygamique est normal, quiconque s’y opposera sera déclaré Sanormal et atteint d’une phobie à déterminer, à soigner, à réprimer efficacement.
Dans cette réflexion, devrait se trouver au coeur, la primauté
des droits de l’enfant et de sa condition humaine, donc ni
matérielle, ni matérialiste. L’enfant représentant l’avenir de la
société, c’est là que tout se joue. Tous les autres arguments
même pertinents semblent accessoires et sujets à faire
diversion dans le débat.
Le travail des Norvégiens sur l’imposture du gender
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-theorie-du-genre-vole-en-eclat-125590
On part sur des discours opposés. Il faudrait voir la faiblesse de l’ennemi. Le défaut de sa cuirasse.
c’est l’amour.
Le droit actuel est un droit romain qui ne se base pas sur les sentiments d’amour. Mais sur les devoirs et obligations. en l’occurrence du mariage ; qui sont ceux connus par tous. Mais il n’est pas question d’amour là dedans.
Cette vague internationale(et non française) pour le « gender » et la mariage homo, donne sa motivation: l’amour. Qui signifie pour eux: pas de devoirs, pas de responsabilités, pas d’engagements. Que du plaisir, de l’envoyage en l’air, avec une volonté de se faire reconnaître comme une valeur, un exemple, à l’égal de ceux qui sont hétéros; donc: qui doivent bénéficier de la même reconnaissance sociale; donc: qui peuvent se marier, adopter pareillement.
Donc, la question est de savoir si la loi existe pour l’amour ou pour les conséquences naturelles et inévitables d’une liaison hétérosexuelle.
Si c’est l’amour qui compte, comme « droit humanitaire », pourquoi la loi s’en occupe-t-elle? Est-ce le domaine de la loi que de mesurer l’amour? Et donner des privilèges à ceux qui s’aiment? Pourquoi, alors, ne pas penser que c’est Caligula, l’empereur romain tristement connu, qui donne le cap d’une telle déviation? Ne s’est-il pas marié avec son cheval?
Donc l’amour est la base de cette loi. et donc la loi ne peut en être une. Car l’amour n’a pas de loi, l’amour ne veut pas connaître la loi. Et si en France, on fait de l’amour une loi (de députés), alors un jour, le viol sera permis….et toutes les dépravations faites au nom de l’amour…… comme Caligula et son cheval.
Bref, cette loi est une loi contre l’amour. Tout simplement
Tout à fait d’accord avec votre analyse.
Bravo pour Caligula et l’évocation de notre décadence ( hélas )!
Pour essayer de lutter contre cette décadence qui atteint notre langue et le sens des mots, je propose de nommer ce type d’amour, » concupiscence ».
On lui ôterait ainsi ses droits abusifs, et on ne le confondrait pas avec ce qu’il prétend être et qu’il n’est pas.
« Concupiscence » est désuet.
Prenons un mot plus à la mode du jour.
Pourquoi pas » Envie » dont le double sens joue à plein?
Contrairement à ce que l’on pourrait supposer toute cette agitation n’est que l’aboutissement d’un lent processus de dégradation du droit de la famille, qui a profondément évolué depuis le milieu du 20ème siècle.
La puissance maritale et paternelle (patria potestas) héritée du droit romain,a été supprimée en …..1938. En 1970 le régime juridique de la puissance paternelle a été remplacé par l’autorité parentale, qui pourrait a son tour être remplacée prochaînement par la notion de « responsabilité parentale ».
Depuis 1972, le critère de filiation présumée par le père n’a plus de caractère légal. En 2002, l’adjectif « légitime » pour caractériser l’enfant né d’un couple marié a disparu du langage juridique. En 2004, la transmission automatique du nom du père à ses enfants a été abolie, tandis que la notion de patronyme était remplacée par cellede « nom de famille ».
Cette évolution a largement contribué à réduire l’influence des hommes dans la vie familiale. Avec comme conséquence cette société d’individus narcissiques, immatures, qui n’ont jamais pus résoudre leur complexe d’Oedipe, consommateurs compulsifs en parfaite adéquation avec la société libérale.