…intéressante, en tant que nouvelle illustration du processus de dé-révolution dans les esprits; on sera frappé, à la lecture de ce texte, par les renvois qu’il suggère irrésistiblement vers ces deux documents qui sont à disposition permanente sur lafautearousseau :
1. Le premier est un de nos 33 Grands Textes (le XXXIIème), écrit par Yvan Blot : La démocratie est-elle la fille de la Révolution française ?
2. Le second se rapporte à quelqu’un de bien différent, Edgar Morin, et se trouve dans notre Catégorie Vidéos. Ce document se subdivise, en réalité, en deux vidéos, accompagnées de nos rapides commentaires, dans lesquelles Edgar Morin (comme Yvan Blot) dit des choses qui rejoignent exactement celles que souligne ici Christian Vanneste : La très remarquable évolution d’Edgar Morin
Dé-mythifier, dé-mystifier, oui, évidemment. On ne peut qu’apprécier le pas important fait par Christian Vanneste en ce sens…
La contradiction qu’on lui apportera ne sera donc pas sur cette idée-là, mais bien plutôt sur son refus de la phrase de Clemenceau (« La Révolution est un bloc ») et sur sa dernière phrase : « se libérer du mythe révolutionnaire pour acquérir la sagesse des réformes conservatrices« .
« Se libérer du mythe révolutionnaire », oui, bien sûr, mais celui-ci étant une religion, une idéologie, ne peut être amendé. C’est bel et bien un « bloc », cohérent dans sa malfaisance, mais dont aucune pièce ne peut être retirée, par aucune « sagesse des réformes conservatrices », sous peine de voir s’écrouler l’ensemble, idéologique donc abstrait. Léon Daudet a déjà répondu à Christain Vanneste: « …étant réellement d’opposition, c’est-à-dire prêchant ouvertement la subversion du Système »…
Voici le texte (intégral) de la tribune libre de Christian Vanneste :
En ce lendemain de 21 janvier qui fut en 1793 le jour de l’exécution de Louis XVI, celui où, selon Ernest Renan, en coupant la tête de son roi, la France commit un suicide, il peut être instructif de se pencher sur le rapport qu’entretient l’idéologie dominante dans notre pays avec ce concept de Révolution. La prise de la Bastille symbolise la chute de l’Ancien Régime et la mort du roi est le point culminant de ce qui a été présenté comme une rupture avec le passé, et comme la naissance de la nation française. La gauche, en particulier, a tendance à voir dans la Révolution le début de notre histoire. La domination de l’idéologie socialiste, et souvent marxiste, dans l’enseignement, de l’histoire notamment, a eu un triple effet : d’abord, elle a presque toujours suscité une sympathie assez scandaleuse et dépourvue de discernement pour les révolutionnaires et leurs régimes liberticides, comme encore pour la dictature castriste de Cuba. Elle a, ensuite, fait naître une conception erronée et dangereuse du progrès fondée sur des confrontations dures, voire violentes entre le parti éclairé et les résistances obscures de l’ordre établi, plutôt que sur des réformes lentement élaborées dans le souci du Bien Commun. Enfin, elle a entraîné cette arrogance ridicule du modèle français, universellement envié, parce que la France aurait tracé avec sa Révolution la voie pour les autres pays vers le paradis des Droits de l’Homme.
Dans la situation qui est la sienne, la France ne doit pas se livrer à d’absurdes repentances mais seulement à une cure de lucidité et de modestie. L’Angleterre, qui est toujours une monarchie a créé une démocratie exemplaire, régulièrement réformée, dans un régime stabilisé après deux révolutions dont la dernière a eu lieu un siècle avant la nôtre. Si la France a su donner à sa déclaration des Droits de l’Homme une portée universelle, les idées en étaient présentes auparavant dans les Constitutions des États Américains, dont la vieille monarchie française a assuré l’indépendance. Dès le début de la Révolution, c’est un britannique, Burke, qui attira l’attention de ses compatriotes et des contemporains sur les risques pour la liberté de ce qui se passait en France. L’enthousiasme soulevé chez de nombreux Européens sera vite déçu par la dérive terroriste d’abord puis par la succession au pouvoir de la corruption politique et de la dictature militaire. C’est pourquoi, comme l’avait fait François Furet, il faut « penser la Révolution », déconstruire le mythe et s’en approprier la réalité.
« La France a maintenant une ardente obligation de se libérer de son mythe révolutionnaire pour acquérir la sagesse des réformes conservatrices. »
D’abord, il faut se délivrer des deux erreurs suivant lesquelles la Révolution serait une naissance nationale et aurait été « un bloc », selon le mot de Clemenceau. Marc Bloch, comme Renan, après 1870, pense la France avec lucidité, après 1940. Il écrit, cet historien de gauche : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims; ceux qui lisent sans émotion le récit de la Fête de la Fédération. » Notre pays s’est construit en 1 000 ans de monarchie, et celle-ci aurait pu se transformer dans un consensus national, si la Révolution, qui avait atteint ses objectifs essentiels, s’était arrêtée le 14 Juillet 1790, avant ce dérapage dont les Jacobins seront la force motrice. Sont présents à ce moment les mauvais génies qui vont inspirer les idées fausses qui pèsent encore sur notre pensée actuelle, par exemple l’idée qu’un parti, une minorité agissante, est le dépositaire éclairé de l’intérêt du peuple, le moyen d’expression légitime de la volonté générale. Regardons le mépris avec lequel le pouvoir socialiste traite les opposants au « mariage »homosexuel, en faisant semblant d’ignorer la possibilité d’un référendum, pourtant introduite par la réforme constitutionnelle de 2008. C’est le même qui animait la haine revancharde des radicaux contre l’Église et qui les faisait s’opposer, sans doute au nom du progrès (?), au vote des femmes. Cette idée fausse a atteint son paroxysme chez ceux qui ont vu dans la Révolution française, bourgeoise, la préfiguration de la vraie, la prolétarienne de 1917. Aujourd’hui que celle-ci a dévoilé la réalité de ses goulags, de son désastre économique, de ses pouvoirs confisqués par une caste, et que son Empire a éclaté, les « intellectuels » communistes et leurs compagnons de route jouissent trop souvent dans notre pays d’une considération pour le moins déplacée. Politiquement, Sartre était un crétin dangereux, par exemple. D’autres crétins, encore, ont magnifié l’entrée des Khmers rouges à Phnom-Penh.
Ensuite, parmi les erreurs funestes léguées par la période révolutionnaire, il y à le « sinistrisme », cette idée que le sens de l’histoire ne peut s’écrire et se déchiffrer que de droite à gauche, par une égalité toujours plus nivelante, la conquête de nouveaux droits et l’effacement de valeurs jugées archaïques. Après un siècle de hoquets révolutionnaires, la France de 1914 n’était pas parvenue, pourtant, à un système social plus généreux que celui de l’Allemagne laquelle n’avait subi aucune révolution victorieuse. Aujourd’hui encore, imbibée profondément par la pensée de gauche même lorsque la « droite » est apparemment au pouvoir, la France s’entête à imposer ses marottes à la réalité. La diminution du temps de travail, traduction légale du « droit à la paresse » de Paul Lafargue, le gendre de Marx, dans la semaine, l’année, la vie se heurte aux murs de la démographie, de la compétitivité et de la diversité des tâches. La lutte contre les discriminations, la reconnaissance du droit à la différence, la revendication de l’égalité réelle, la discrimination positive, c’est-à-dire compensatoire soulèvent des contradictions insolubles et engagent l’action politique dans des impasses. Ce sera le communautarisme, la limitation de la liberté d’expression, l’affaiblissement de la nation et de la citoyenneté, du mariage et de la famille, la disparition dans notre pays de la volonté de se distinguer par l’effort, le courage et le mérite. Paradoxalement, les « avancées » revendiquées ont donc un point commun : elles détruisent les acquis positifs de la Révolution ! Notre vieux pays n’est pas né en 1789. Il a connu de grands moments où l’ordre restauré, et non la Révolution, lui a permis de véritables progrès, de Richelieu à de Gaulle. Il a maintenant une ardente obligation de se libérer de son mythe révolutionnaire pour acquérir la sagesse des réformes conservatrices.
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“Après plusieurs essais demeurés vains, je tente une dernière fois de m’inscrire à votre lettre.”