Les manifestations, si justifiées, si imposantes soient-elles, les cris, les slogans, l’exaltation des participants, celle des militants, où se mêlent, parfois, le bon grain et l’ivraie, les initiatives heureuses et les erreurs ou bavures de tous ordres, les plateaux de télé, les discours et les débats, des « meneurs » sans-doute contestables, les possibles tentatives de « récupération » tout cela finit par passer, par s’oublier. Dans ce monde de l’éphémère et de l’artifice, une actualité, très vite, chasse l’autre.
C’est pourquoi, dans cette affaire, qui met en cause la cellule de base même de notre société, comme de toute société humaine, une réflexion de fond, nous a, dès le début, semblé nécessaire. Cela reste; cela ne s’oublie pas; cela peut servir, demain ou après demain.
C’est la raison pour laquelle nous avons regroupé ces douze contributions – mises en ligne de janvier à avril de cette année – sur cet unique document où elles pourront toujours être consultées. Elles sont classées par date, de la plus récente à la plus ancienne.
Les commentaires, nombreux, souvent fort intéressants, pourront être consultés en cliquant sur les liens du sommaire qui renvoient au jour de parution.
Lafautearousseau
Sommaire
I. 14.01.2013 – Jean-François Mattéi article du Figaro : « Mariage pour tous et homoparentalité« .
II. 22.01.2013 – Chantal Delsol, entretien avec Jean Sévillia (Figaro Magazine).
III. 29.01.2013 – Thibaud Collin, article dans Le Monde du 15 janvier.
IV. 05.02.2013 – Hilaire de Crémiers, note parue sur le site de Politique Magazine, le 15 janvier.
V. 12.02.2013 – Sylviane Agacinski, conférence dans le cadre des Semaines sociales. (VIDEO) et entretien sur Europe 1 (VIDEO).
VI. 19.02.2013 – Bruno Nestor Azérot, député de la deuxième circonscription de la Martinique (GDR), discours prononcé le mercredi 30 janvier à l’Assemblée Nationale. (VIDEO).
VII. 26.02.2013 – Daniel Godard, professeur de Lettres Classiques, une réflexion d’un point de vue linguistique : « la voix de la langue française« .
VIII. 06.03.2013 – Bertrand Vergely, le point de vue du philosophe et théologien, la question du mariage gay appelle dix remarques.
IX. 12.03.2013 – Danièle Masson, agrégée de l’Université, « Paradoxe et mensonges du mariage pour tous«
X. 20.03. 2013 – Réflxion de Fabrice de Chanceuil du point de vue de l’écologie humaine.
XI. 28.03. 2013 – Michel Maffesoli et Hélène Strohl : « Normaliser le mariage ?«
XII. 04.04. 2013 – Eric Zemmour : « Une analyse hautement politique«
jeudi, 04 avril 2013
XII. ERIC ZEMMOUR CONCLUT NOTRE SERIE PAR UNE ANALYSE HAUTEMENT POLITIQUE
Il revient à Eric Zemmour de clôturer ce dossier de douze documents, désormais à la disposition de nos lecteurs : « POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE MARIAGE POUR TOUS ».
De toutes les contributions mises en ligne jusqu’ici, celle-ci est, en effet, la plus politique. Donc la plus proche de l’objet même de notre blog.
Les précédentes ont été rédigées ou prononcées par des philosophes (plusieurs), des journalistes, un théologien, un linguiste, des moralistes, un partisan d’une écologie humaine et, même, par un parlementaire Front de Gauche, député de la Martinique, hostile, lui aussi, à la loi Taubira, pour des raisons, d’ailleurs, parfaitement traditionnelles.
Eric Zemmour, dans sa discussion avec Nicolas Domenach, fait une analyse politique de la question. Il ne se place – bien entendu sans les rejeter – ni du point de vue de la religion, ni du point de vue de la morale, ni même d’un point de vue philosophique. Son analyse ne se limite pas à la seule question du mariage homosexuel – qui concerne, concrètement fort peu de monde. Elle pointe les causes premières, beaucoup plus larges, de ce qu’il considère comme une décadence; son analyse se place du point de vue de la stabilité, de l’ordre, et, en définitive, de la survie de la société française. Ces causes premières, de beaucoup plus importantes que la seule question du mariage homosexuel, c’est le divorce de masse et l’abandon de la famille patriarcale. Zemmour s’exprime, ici, sur le fond, avec son talent, sa fougue, et, en même temps, avec sa rigueur intellectuelle habituelle.
(Mariage Pour Tous : Divorce Social – ça se dispute – I-Télé – 2 février 2013).
jeudi, 28 mars 2013
XI. Michel Maffesoli et Hélène Strohl : » Normaliser le mariage ? «
Nous mettons en ligne, aujourd’hui, une réflexion de Michel Maffesoli et Hélène Strohl* sous le titre : « Normaliser le mariage ? ».
Une dernière contribution suivra encore. Notre dossier, désormais à la disposition de tous, comportera donc, en fin de compte, un total de douze documents constituant notre dossier : « POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE « MARIAGE POUR TOUS ».
Normaliser le mariage ?
Il ne se passe pas un jour sans qu’on en parle. Qu’on somme les personnalités d’avouer leurs aventures, les hétérosexuels à confesser leur peu d’attirance physique pour les personnes de leur sexe, les citoyens à avouer tous les fantasmes qui traversent leur esprit, les délicieuses montées de désir avec lesquelles ils agrémentent l’ennui des réunions comme les regards un peu appuyés avec lesquels ils rompent la monotonie du trajet quotidien en métro.
La sexualité est devenue et Foucault l’avait bien montré, la chose la moins cachée du monde. On peut même dire en tordant à peine l’ancien adage « passion avouée est totalement pardonnée ». Il est ainsi plus dans l’air du temps de divorcer et de se remarier à l’envi plutôt que de vivre ensemble les cahots de la vie, les escapades solitaires et les retrouvailles passionnées d’un vieux couple. Et quand l’on éprouve le désir d’expérimenter des pratiques autres que celles de la classique hétérosexualité monogame, il est de bon ton d’en faire une identité.
Deux types de comportement sont désignés comme anomiques : ceux des minorités diverses, qui ne peuvent pas satisfaire à des règles juridiques qui leur sont inadaptées (les homosexuels par exemple) et ceux qui ne se conforment pas aux règles imposées par l’institution, celle du mariage en particulier.
Dès lors l’entreprise de normalisation va poursuivre deux buts, qui ne sont qu’apparemment contradictoires : faire entrer dans le moule institutionnel les comportements marginaux bien répertoriés, le couple homosexuel qui va pouvoir se marier ; pourchasser, notamment chez les grands de ce monde, tous les écarts faits à la morale conjugale, l’infidélité en particulier.
Dans les deux démarches, le débat est déplacé, ce qui serait en jeu est toujours un intérêt supérieur : les enfants dans le cas du couple homosexuel, le droit à l’information politique dans l’inflation journalistique de faits divers concernant la sexualité des hommes politiques.
La discussion sur la sexualité homosexuelle devrait se concentrer sur la question de savoir si une relation d’amour peut durer sans une institutionnalisation, sans une reconnaissance sociale, une contrainte (une responsabilité) commune (des enfants), un projet commun et reconnu (un patrimoine) et dès lors traduire les interrogations qui touchent tous les membres de la société. Mais ce débat s’est figé sur la question des enfants : les homosexuels seront-ils de bon parents ?[1]
Le lien du mariage qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel n’infère pas magiquement la qualité de bon parent ; en revanche on peut se demander si la volonté d’étendre le mariage aux homosexuels ne resortit pas plutôt d’une volonté totalitaire de faire entrer toutes les relations sexuelles et amoureuses dans le modèle du couple monogame.
Cette entreprise de normalisation peut aussi se lire dans la tendance toujours croissante des média à traquer tous les écarts à la sexualité monogame quand elle est le fait d’hommes ou de femmes politiquement en vue. Certes cette idéologie de la transparence, traduit simplement la stratégie commerciale de journalistes, qui sont bien plus malins que les paparazzi, en présentant ces croustillantes histoires d’alcoves sous les couleurs de l’investigation politique.
Mais dans les deux cas, celui de l’extension du mariage comme celui de la volonté de faire savoir ce qui se passe dans le secret des couples, on se trouve face à une tentative d’encadrer, de domestiquer cette « anormalité » qui toujours resurgit, ce mal que l’on voudrait tant cacher et, finalement, n’est ce pas une ultime tentative de cacher l’animalité de notre nature humaine, de notre sexualité ?
Pense-t-on que lorsque les couples homosexuels seront mariés, ils se conformeront à la stricte fidélité exigée par le Code civil ? La fidélité conjugale est-elle le prix que doivent payer ceux dont Roland Barthes disait que leur privilège était ce droit au papillonnage, aux aventures toujours renouvelées ?
D’une certaine manière, et contrairement à ce que pense le camp dit conservateur, étendre le mariage, c’est le conforter, de la même façon que traquer tout manquement à ses principes. Ce moralisme monogame se manifeste également dans la furie de certaines et certains à vouloir éradiquer les rapports sexuels tarifés, paradigme immémorial de la relation sexuelle hors mariage. Madame Boutin rejoint ainsi les militantes féministes les plus hystériques. “Au nom de la pureté, du mariage, de la femme, de l’amour” et contre le sexe bestial.
Prenons garde que le « mariage pour tous » ne devienne pas un mariage imposé par la puissance publique, un mariage d’Etat. Et qu’il ne faille pour pouvoir exercer une quelconque responsabilité sociale montrer patte blanche et fidélité sans faille. Ou « divorce propre », divorce expliqué aux enfants, divorce bien organisé.
En bref, pendant le mariage rien n’est permis, mais avant et après le mariage, rien n’est interdit. Y compris de présenter aux enfants plusieurs images d’adultes parentaux contradictoires : un “couple parental” qui ne se témoigne plus ni amour, ni même estime réciproque ; un beau-père et une belle-mère qui ne doivent pas être considérés comme des figures parentales.
Il se construit ainsi une figure du mariage et de la famille totalement déconnectée de la vraie vie. Celle du quotidien, de l’autorité parentale de tous les jours, de la protection et de l’affection. Celle du couple confronté aux aléas de la vie, des rencontres, des hauts et des bas, des rythmes sexuels et émotionnels parfois divergents. Le mariage pour tous se réduirait ainsi à n’être que “le plus beau jour de ma vie” comme disent les midinettes des publicités.
Une société qui construirait ses relations sociales sur des valeurs aussi abstraites, des figures aussi peu incarnées, un mariage soluble et réitérable à volonté, un masculin et une féminité assignés à un seul genre, la normalisation et l’assignation à identité de toute pratique sexuelle hors couple, la volonté de tout savoir et l’incapacité à préserver ou comprendre l’intimité, cette société ne pourrait que créer une inflation de comportements pervers, parfois violents.
Car vouloir forcer chacun à dire, à proclamer, avec qui et dans quelle position il couche, quels sont ses préférences et ses habitudes, voire ses fantasmes, c’est s’exposer à détruire la fragile barrière entre l’imaginaire et la réalité, entre le fantasme et le passage à l’acte, entre le fait d’éprouver un désir et le fait d’y céder.
C’est aussi appauvrir le champ des possibles des relations humaines charnelles et émotionnelles que de vouloir les contenir dans une forme prédéterminée, fût-elle la plus libérale possible.
Car la normalisation est créatrice d’anormalité, normer c’est désigner la frontière entre le normal et le pathologique, et c’est donc aussi créer l’anormal et le pathologique.
Peut être conviendrait-il plus modestement de s’accommoder de notre faiblesse face aux forces du désir et de la passion, d’accepter l’aspect noir et aventureux du vivre ensemble et d’en limiter les règles.
Préférer dès lors à un ordre externe imposé par le pouvoir de la loi et de l’Etat un ordre interne plus chaotique, impur sans doute, mais concret et congruent.
(1) : Alors qu’on s’interdit de poser cette question de la capacité parentale face à nombre d’enfants, dont on constate qu’ils sont maltraités ou en tout cas “non éduqués” par des parents en très grande difficulté, parce que le lien du sang prédisposerait “naturellement” à être bon parent.
* Michel Maffesoli, membre de l’Institut universitaire de France,
Hélène Strohl, Inspectrice Générale des Affaires sanitaires et Sociales (IGASS).
mercredi, 20 mars 2013
X. Fabrice de CHANCEUIL, » ECOLOGIE HUMAINE : DE LA SCIENCE A LA POLITIQUE «
Nous mettons en ligne, aujourd’hui, le texte d’une réflxion de Fabrice de Chanceuil* conduite du point de vue de l’écologie humaine.
Deux autres contributions suivront encore. Notre dossier, désormais à la disposition de tous, comportera donc, en fin de compte, un total de douze documents : « POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE « MARIAGE POUR TOUS » .
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Environnement
L’écologie humaine, comme l’écologie proprement dite, est une discipline scientifique que le biologiste et philosophe allemand Ernst Haeckel (1834-1919) définit comme étant la partie de l’écologie qui étudie l’espèce humaine, son activité organisée, sociale et individuelle, et sa place dans la biosphère. Il existe même, en France, une Société d’Écologie Humaine, créée en 1987 à l’initiative de chercheurs et d’enseignants en sciences sociales et biologiques, convaincus des bienfaits de la pluridisciplinarité et ayant la volonté d’instaurer un lieu d’échange et une fonction de dialogue pour tous ceux qui s’intéressent à l’étude des relations des hommes et de leur milieu de vie.
Comme l’écologie, l’écologie humaine est entrée progressivement dans le champ politique. Alors que certains théoriciens ont conduit l’écologie à se penser en dehors de l’homme voire contre l’homme, l’écologie humaine, de par sa dénomination même, place l’homme au cœur de la réflexion. Toutefois, c’est sous la dénomination d’écologie humaniste que ce courant s’est d’abord manifesté, à partir des années 1970, en s’appuyant sur la philosophie de l’évolution et en prolongeant la tradition naturaliste des philosophes grecs antiques. Elle invite l’homme à une responsabilité éthique en interaction constructive avec son environnement évolutif afin d’optimiser la société humaine dans sa relation avec son biotope en vue de parvenir à un équilibre planétaire. Cette nécessité de solidarité de l’ensemble de l’espèce humaine, pour préserver son environnement et son meilleur développement, a inspiré une expression politique particulière d’écologie humaniste représentée notamment, dans les grandes assemblées des Nations-Unies, par le Président Jacques Chirac ou le Roi Mohammed VI.
En fait, il semble bien que ce soit le Pape Benoît XVI qui, le premier, ait cité l’écologie humaine dans sa perspective globale. S’exprimant en juin 2011 devant les nouveaux ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège, il déclarait: « L’homme, à qui Dieu a confié la bonne gestion de la nature, ne peut pas être dominé par la technique et devenir son sujet. L’écologie humaine est une nécessité impérative. Adopter en tout une manière de vivre respectueuse de l’environnement et soutenir la recherche et l’exploitation d’énergies propres qui sauvegardent le patrimoine de la création et sont sans danger pour l’homme, doivent être des priorités politiques et économiques ». Toutefois, dans l’esprit du Pape, l’écologie humaine n’entend pas simplement introduire une pensée humaniste dans les questions écologiques. Comme l’a écrit Joël Sprung, en février 2012, elle est bien plus que cela. Elle est une écologie intégrale qui absorbe dans un même élan de communion la personne humaine avec tout son environnement naturel et social. Fondée théologiquement sur l’universalité du salut qui embrasse tous les êtres vivants de la Terre, l’écologie humaine est un appel adressé à chacun pour qu’il reprenne conscience de ses responsabilités à l’égard du monde qui l’entoure. Elle est un décentrement, une redécouverte de la liberté intérieure et de ses responsabilités comme citoyen, qui doit conduire chaque homme à un témoignage de pauvreté évangélique, à une sobriété choisie et vécue dans le partage, à une solidarité universelle en actes et en définitive à un amour inconditionnel de la vie, singulièrement celle des plus faibles. « Il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi » avait déclaré Benoit XVI devant le Bundestag en septembre 2011 sous les applaudissements des députés allemands.
C’est manifestement dans cette dimension que se situe Tugdual Derville, l’un des porte parole des opposants au mariage pour tous quand il déclare au journal la Croix le 16 janvier dernier: « Un mouvement d’écologie humaine est en train de se lever. Je vois des similitudes entre ce mouvement et la naissance de l’écologie politique il y a quelques décennies (…) Il est stupéfiant que ceux qui, actuellement, prétendent incarner l’écologie, aient oublié ce qui fait l’essence de l’humanité ».
L’écologie humaine est-elle ou non une idée neuve? En tout cas, elle paraît bien partie pour durer.
Société
UN MARIAGE QUI EBRANLE LES INSTITUTIONS
Le gouvernement français, sur la base d’un des points du programme du candidat socialiste devenu Président de la République, a décidé de soumettre au vote du Parlement une loi autorisant le mariage de deux personnes du même sexe leur donnant, par la même, la possibilité de devenir parents par l’adoption voire même par la procréation médicalement assistée ou la gestation pour autrui..
Ce que certains pensaient pouvoir être adopté comme une simple formalité, soulève une opposition grandissante. Pour une fois, toutes les grandes religions monothéistes sont d’accord pour dénoncer une loi qui remet en cause l’assise anthropologique de notre pays. Même l’Église catholique, d’ordinaire assez prudente face aux phénomènes de société sur lesquels elle est souvent mal à l’aise alors même qu’ils contestent le plus souvent son message, est sortie de sa réserve pour dénoncer ce que Monseigneur André Vingt-Trois, le Cardinal Archevêque de Paris, a qualifié de « supercherie ».
Les partisans du « mariage pou tous » défendent celui-ci au nom de l’égalité, brandie comme une valeur républicaine, l’appel aux grands principes fondateurs de la République étant censé, par un curieux renversement de la sacralité, faire taire toute opposition. Le cardinal n’est certes pas fermée à cette rhétorique lui qui, il y a peu, disait, parlant de la laïcité, qu’elle était au cœur du pacte républicain. Le Pape Jean-Paul II lui même, lorsqu’il était venu en France en 1980, n’avait-il pas dit que la devise républicaine « Liberté Égalité Fraternité » était dans le fond profondément chrétienne ? Mais depuis, dans une société secouée par la crise et en perte de repères, le glissement des valeurs s’est accéléré, la liberté se transformant progressivement en licence, l’égalité en confusion et la fraternité en connivence.
La violence ainsi faite à la nation, en portant atteinte, au nom des valeurs républicaines, aux fondements civilisationnels de notre société, pourrait donc être de nature à remettre en cause le fameux pacte républicain et, au-delà, le ralliement des catholiques à la République. Il ne faut pas en effet oublier que celui-ci, voulu par le Pape Léon XIII il n’y a guère plus d’un siècle, n’a jamais été une demande d’adhésion des catholiques aux valeurs du régime mais l’acceptation de son système institutionnel afin justement de permettre aux catholiques de faire entendre leur voix dans le débat public. Il aura fallu attendre la Première Guerre mondiale et la fraternité des tranchées, entre croyants et incroyants, pour souder l’unité nationale autour du nouveau régime. En sapant aujourd’hui encore un peu plus le substrat moral de notre pays, le risque d’une crise de régime n’est donc pas à écarter.
On objectera que plusieurs pays catholiques, par ailleurs monarchiques, comme l’Espagne, la Belgique ou le Luxembourg, ont déjà étendu le mariage aux personnes homosexuelles. Sans minimiser l’ancrage spirituel de ces nations, dont on a peut-être cependant trop mesuré l’impact de la religion à ses manifestations extérieures, il est indéniable que la France ne tient pas son titre de Fille aînée de l’Église du hasard: si la foi y est plus discrète, elle y est aussi plus exigeante, y compris dans ses prolongements sociétaux. Elle est également la Patrie des Droits de l’Homme, ce qui, non seulement, n’est pas contradictoire mais est complémentaire: là aussi, plus exigeants que ceux qui s’en réclament volontiers, les chrétiens, plutôt que de défendre un individualisme compulsif et mortifère, estiment que le vrai droit humain réside d’abord dans l’épanouissement de la personne et en l’occurrence de la personne de l’enfant.
Au moment où quelques-uns, mal inspirés, renient leur pays pour protéger leur argent, la République devrait comprendre qu’elle ne peut guère s’offrir le luxe d’une sécession.
* Fabrice de CHANCEUIL : Le blogue de Fabrice de Chanceuil Quand la nature prend la parole.
mardi, 12 mars 2013
IX. Danièle Masson : « Paradoxe et mensonges du mariage pour tous »
Nous mettons en ligne, aujourd’hui, le texte de l’intervention de Danièle Masson* lors du meeting contre « le dit mariage pour tous » qui a eu lieu à Marseille, le samedi 2 février.
Trois autres contributions suivront encore. Notre dossier, désormais à la disposition de tous, comportera donc, en fin de compte, un total de douze documents : « POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE « MARIAGE POUR TOUS ».
Le mariage était, nous disait-on, dépassé, démodé, ringard. Pourquoi est-il devenu un droit si passionnémentrecherché ?
Caroline Mecary, chef de file du groupuscule LGBT (lesbiennes, Gays, bis, trans, pour les noninitiés), en fait l’aveu. Je la cite : «il faut achever la sécularisation du mariage, en supprimantl’obligation de fidélité et la présomption de paternité». Et Clémentine Autain, en 2004, dans Libé : «l’ouverture aux Gays et aux Lesbiennes serait un pied de nez à la conception traditionnelle du mariage, le brouillage des identités».
Quel aveu !
Le brouillage des identités, nous y sommes.
Pour Caroline et Clémentine, ce qui compte ce n’est pas le sexe réel mais l’orientation sexuelle, à chacun de choisir son sexe, au point que chacun peut se construire, se déconstruire, se reconstruire. Là est la véritable homophobie : réduire l’être à ses pulsions, et lui refuser la liberté de devenir ce qu’il est. C’est le moment de relire Aldous Huxley et son Meilleur des mondes : « à mesure que diminue la liberté économique et politique, la liberté sexuelle a tendance à s’accroître par compensation […]. Le dictateur fera bien d’encourager cette liberté-là […], elle contribuera à réconcilier ses sujets avec la servitude qui sera leur sort. ».
Le paradoxe est que les écologistes, pourfendeurs des OGM et autres pollutions réelles ou supposées, au nom du respect de la nature, soient favorables à toutes les manipulations, à tous les bricolages, quand il s’agit de la nature humaine.
Eh bien, nous, nous croyons à l’écologie humaine, et qu’il faut respecter, aussi, la nature humaine.
L’imposture, le mensonge atteignent des sommets quand il s’agit des enfants. Séparer le mariage de l’adoption? Mais le mariage par lui-même donne droit à l’adoption. Christiane Taubira, dès le premier jour du débat, mardi 29 janvier, a dit, je la cite : « les couples homosexuels auront le droit d’adopter dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels».
Mensonge encore, parce que ne pouvant adopter, ils auront recours, pour les femmes, à la PMA, pour les hommes, à la GPA… (Procréation Médicalement Assistée, Gestation Pour Autrui)… c’est-à-dire l’instauration d’une relation clients-fournisseurs, et la marchandisation des corps. On est proche du Meilleur des mondes d’Huxley, des bricolages génétiques, et pourquoi pas, prochaine étape, du clonage reproductif.
C’est au nom du droit des enfants – droits élémentaires d’avoir un père et une mère – que nous souhaitons le retrait pur et simple du projet de loi. Caroline Fourest vient de nous dire ceci : «prétendre qu’un enfant nait d’un père et d’une mère, c’est arrogant » ! Eh bien, Caroline, c’est au nom du réel que nous revendiquons cette arrogance, pour que des enfants ne deviennent pas des enfants de seconde zone, parce que l’on leur aura menti en leur faisant croire qu’ils ont deux papas ou deux mamans.
On ne ment pas aux enfants. Et le paradoxe est que l’on revendique l’égalité des droits pour les individus et que l’on propose un projet de loi discriminatoire et injuste pour les enfants. Faut-il rappeler les paroles de Lionel Jospin le 16 mai 2004: « l’enfant n’est pas un bien que peut se procurer un couple hétérosexuel ou homosexuel, il est une personne née de l’union d’un homme et d’une femme ».
Mais, dans le grand marché aux puces des droits, on exige le droit à l’enfant en ignorant les droits de l’enfant. Eh bien, rappelons que le mariage n’est pas un droit mais une institution, et qu’il n’appartient pas au Parlement d’en redéfinir les contours.
Le mariage homosexuel, ce serait un monde indifférencié où l’altérité des sexes disparaîtrait au profit de la parentalité. Taubira avait affirmé que les termes père et mère ne disparaîtraient pas du Code civil. Mais sur Canal+, le 11 janvier, elle rectifiait : « chaque fois que cela a été nécessaire, nous avons effectivement remplacé les mots père et mère, parce que nous ne faisons pas semblant de faire des réformes».
Déjà, sur les nouvelles demandes de cartes SNCF de famille nombreuse, les termes père et mère ont été remplacés par parent 1 et parent 2. Déjà, des professeurs des écoles renoncent à évoquer la Fête des Mères, pour ne pas heurter ceux qui n’ont que deux papas.
Alors que faire ?
Demander un référendum ? Mais nos banderoles affirmaient: « tous nés d’un homme et d’une femme », et «un père, une mère, c’est élémentaire», c’est le bon sens, c’est l’évidence, c’est la loi naturelle, et l’on ne met pas aux voix la loi naturelle. Mais si stratégiquement c’est l’argument de la dernière chance alors oui demandons que soit donnée la parole au peuple.
François Hollande avait promis de consulter les Français sur les questions sociales. Le mariage homosexuel ne serait-il pas une question sociale? Non, nous répondent-ils doctement, c’est une question sociétale… et donc un référendum serait anticonstitutionnel. L’ennui est que Dominique Bertinotti, ministre délégué chargé de la famille – des familles préfère-elle dire – est sous tutelle du ministre des Affaires sociales ! Et d’ailleurs le mot “sociétal“ n’existait pas en 1958, au moment de l’écriture de la Constitution.
En vérité ce gouvernement pense ce qu’avait prédit Bertold Brecht : «Quand un peuple n’est pas d’accord, il faut changer de peuple». Si tout moyen de nous faire entendre nous est refusé, les urnes de l’alternance nous offriront une solide possibilité d’appel, car on ne combat pas durablement les lois politiques par une posture d’apolitisme de principe.
On pouvait lire sur une banderole de contre-manifestants, à Marseille, le 17 novembre: «notre modèle social est mort…bienvenue à Sodome et Gomorrhe ! »…Seulement, Sodome et Gomorrhe, ça finit mal…
Une société peut survivre à une crise économique, elle ne peut pas survivre à une crise qui remet en cause ses structures et ses fondements.
Nous avons la responsabilité historique de préserver notre État-civil, notre société, notre humanité…assumons-la :
Non à la culture de Sodome et Gomorrhe, oui à la civilisation de la vie !
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* Danièle Masson : agrégée de l’Université.
mercredi, 06 mars 2013
VIII. LE POINT DE VUE DE BERTRAND VERGELY*
Nous mettons en ligne, aujourd’hui, une réflexion de Bertrand Vergely*, philosophe et théologien
D’autres contributions suivront et constitueront notre dossier, désormais à la disposition de tous : « POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE « MARIAGE POUR TOUS » .
La question du mariage gay appelle dix remarques.
I) Il importe d’abord de distinguer la question de l’homosexualité de celle du mariage gay. L’homosexualité appartient à la sphère privée et renvoie à une histoire singulière. C’est ainsi, il y a des personnes dans la société dont la manière d’aimer consiste à aimer une personne du même sexe. Pourquoi en est-il ainsi ? Nous n’en savons rien et nous ne le saurons sans doute jamais, tant il y a de raisons possibles à cela. Toujours est-il qu’il s’agit là d’une réalité que la société se doit de respecter en offrant aux couples homosexuels une protection de leur vie privée au même titre que celle dont peut jouir chaque citoyen.
II) Le mariage gay relève en revanche d’une question qui regarde tout le monde, celui-ci étant appelé à bouleverser de manière irréversible la norme en vigueur en établissant une nouvelle norme en matière de famille, de filiation et de transmission, s’il vient à être adopté.
III) À l’origine, le mariage est une donnée naturelle. C’est ainsi, pour faire naître la vie un homme et une femme s’unissent et procréent un enfant. En établissant le mariage comme institution, la société a donné un cadre juridique à cette donnée naturelle afin de la protéger.
IV) Il s’avère qu’aujourd’hui le mariage, la filiation et la transmission ont changé de sens. La procréation n’est plus l’unique sens du mariage, le mariage-sentiment ayant tendance à l’emporter sur le mariage-procréation. De même, l’enfant n’a plus pour unique sens d’être le fruit de l’union d’un couple, le désir d’enfant introduisant des demandes d’enfants de la part de personnes seules ou des demandes d’adoption ou de procréation assistée de la part de couples stériles.
V) La question qui se pose dès lors et qui concerne tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, est celle de savoir si le sentiment doit devenir l’unique sens du mariage et si le désir d’enfant d’où qu’il vienne doit devenir la raison d’être de ce dernier. Elle est également le fait de savoir si ce qui se fait doit devenir la norme de ce qui est.
Si tel est le cas, il faut savoir que rien ne va pouvoir s’opposer formellement à ce qu’on lève désormais l’interdit de l’inceste au nom du droit de s’aimer pour tous. Le sentiment en dehors de toute donnée naturelle devenant la norme, au nom de l’amour un père pourra réclamer d’épouser sa fille voire son fils, une mère son fils voire sa fille, une soeur son frère ou sa soeur, un frère sa soeur ou son frère.
Si tel est le cas, tout étant noyé dans l’amour érigé en droit au-dessus de toute réalité, plus personne ne sachant qui est qui, il y aura fatalement une crise d’identité et avec elle un problème psychique majeur. Les tendances psychotiques générées par l’individualisme hédoniste pour qui le réel n’existe pas et ne doit pas exister vont se renforcer.
Un père étant aussi un amant et une mère une amante, il va devenir impossible de parler de père et de mère et donc de savoir qui a autorité pour élever des enfants. En ce sens, la famille va littéralement exploser.
Enfin, l’interdit de l’inceste étant levé, c’est le sens même du devenir de l’être humain qui va être atteint, le sens de cet interdit étant de rappeler aux êtres humains qu’ils sont faits pour devenir, en épousant, non seulement un autre hors de sa famille mais aussi de son sexe et non pour demeurer dans la même famille et le même sexe.
En ce sens, le législateur qui va devoir se prononcer sur le mariage homosexuel a de lourdes responsabilités. S’il décide de faire du mariage une affaire de droit et de sentiment en dehors de toute donnée naturelle, il introduira dans la cité la ruine possible de l’identité psychique, de la famille ainsi que du devenir symbolique de l’être humain.
VI) Au-delà de cette question qui concerne tout le monde, les hétérosexuels comme les homosexuels, la question du mariage gay pose un certain nombre de questions qu’il importe d’examiner avec attention, la principale d’entre elle étant celle du même. Au nom de l’égalité et du refus d’établir des discriminations, est-il possible d’établir une équivalence entre tous les couples ?
Trois éléments s’y opposent :
VII) En premier lieu, pour une simple question de réalité et de donnée objective, on ne peut pas mettre sur le même plan hétérosexualité et homosexualité, un homme et une femme n’étant pas la même chose que deux hommes et deux femmes. Les couples hétérosexuels ne sont pas des couples homosexuels ni les couples homosexuels des couples hétérosexuels. Établir une équivalence entre les deux revient à nier la réalité en opérant une grave confusion entre genre et pratique.
Avant d’être une pratique, l’hétérosexualité est un genre et pas une pratique, alors que l’homosexualité est une pratique et non un genre. La preuve : pour être homosexuel, il faut d’abord être homme ou femme. Si demain, au nom de l’égalité, tout est mis sur le même plan, la pratique particulière dictant ses lois au genre, un processus dangereux va s’engager à savoir celui de la disparition à plus ou moins long terme de la différence sexuée. On va alors assister à un effet dictatorial. Pour que les homosexuels puissent exercer leur droit à l’égalité, l’humanité va être interdite de faire une différence entre homme et femme, voir dans l’hétérosexualité un fondement et non une pratique étant considéré comme une pratique discriminatoire. Une nouvelle humanité va voir alors le jour. Nous vivions jusqu’à présent dans un monde marqué par la différence. Nous allons connaître un monde nouveau fondé sur l’indifférenciation. Quand on sait que la différence est le propre du vivant et l’indifférencié le propre de la mort, un principe de mort va désormais servir de principe pour guider l’humanité.
VIII) La difficulté soulevée par l’équivalence décrétée entre tous les couples se retrouve au niveau des enfants. Comme il semble qu’on l’ait oublié, il importe de rappeler qu’un couple homosexuel ne peut pas avoir d’enfants. On peut le déplorer, mais c’est ainsi, deux hommes et deux femmes ne peuvent pas procréer. Ceci veut dire que, pour qu’il y ait procréation l’homme a besoin de la femme et la femme de l’homme.
Les homosexuels réclament de pouvoir avoir un enfant. Ils se fondent pour cela sur le droit qui est accordé aux couples hétérosexuels d’adopter ou de procéder à une procréation médicalement assistée. Ils oublient ou font semblant d’oublier que ce n’est pas le droit qui les empêche d’avoir un enfant mais la Nature.
Certes, un couple hétérosexuel peut adopter ou passer par la procréation assistée afin d’avoir un enfant. Il importe de souligner toutefois qu’un enfant adopté par un couple hétérosexuel n’a pas et n’aura jamais le même sens qu’un enfant adopté par un couple homosexuel. Lorsqu’un couple hétérosexuel adopte un enfant, il le fait pour pallier un problème de stérilité. Lorsqu’un couple homosexuel veut adopter un enfant, il le fait pour contourner une impossibilité. Le registre symbolique n’est pas le même, vouloir contourner une impossibilité à l’aide d’une loi nous situant dans le domaine de la fiction prométhéenne et non plus dans celui de la réalité humaine.
Jusqu’à présent, la rationalité de la société repose sur la notion de limite et avec elle sur l’idée que tout n’est pas possible. Tout ne se décrète pas. Tout ne se fabrique pas. Limite positive autant que protectrice, l’idée que tout ne se décrète pas nous préservant de la dictature du Droit et l’idée que tout ne se fabrique pas nous préservant de la dictature de la Science. Avec le mariage gay et l’ouverture à la possibilité pour couples gays de recourir à l’adoption ainsi qu’à la procréation médicalement assistée, il va en être autrement. L’idée que rien n’est impossible va voir le jour en enterrant la notion de limite. Voyant le jour, plus rien ne va nous protéger de la dictature du Droit et de l’idée que tout peut se décréter. Plus rien ne va nous protéger de la dictature de la Science et de l’idée que tout peut se fabriquer. On obéissait la Nature qui, comme le dit Montaigne, est « un doux guide ». Nous allons désormais obéir à la Science et au Droit. La Nature évitait que l’Homme n’obéisse à l’Homme. Désormais, l’Homme va obéir à l’Homme sans que l’Homme n’obéisse à quoi que ce soit. Dostoïevski au 19e siècle comme Léo Strauss au 20e siècle voyaient dans le « Tout est possible » l’essence du nihilisme. Ils redoutaient comme Nietzsche que celui-ci n’envahisse l’Europe en ne se faisant aucune illusion cependant à ce sujet. Avec le mariage gay, l’adoption et la procréation assistée pour couples gays, le « Tout est possible » va devenir une réalité et, avec lui, le nihilisme sous la forme du triomphe sans partage de la Science, du Droit et de l’Homme.
IX) Dans le même ordre d’idées, il importe de distinguer un enfant que l’on fait d’un enfant que l’on fait faire. Quand un couple fait un enfant, l’enfant est une personne. Le fait de faire un enfant se passant entre des personnes qui s’aiment et pour qui l’enfant n’est pas une marchandise ni l’objet d’un trafic. Quand on fait faire un enfant par un tiers, l’enfant n’est plus une personne, mais un objet voire une marchandise dans un trafic. Témoin le fait de louer le ventre d’une mère porteuse ou les services d’un géniteur.
Lionel Jospin faisait remarquer qu’il n’y a pas un droit à l’enfant, mais un droit de l’enfant. Si le mariage gay avec procréation assistée est adopté, le droit de l’enfant va être sacrifié au profit du droit à l’enfant. Sous prétexte de donner un droit à l’enfant aux homosexuels, l’enfant considéré comme objet n’aura plus droit symboliquement au statut de personne. Alors que le monde des droits de l’homme s’efforce de lutter contre la réification de ce dernier, au nom du droit à l’enfant, on va réifier ce dernier.
Il va y avoir en outre des questions pratiques à gérer. D’abord le coût. Pour qu’un couple d’hommes puisse avoir un enfant, il va falloir louer le ventre d’une mère porteuse. Ce qui n’est pas donné, le prix moyen se situant entre 80.000 et 100.000 euros. Comme les couples gays vont réclamer que la facture soit réglée par la Sécurité Sociale au nom du droit à l’enfant pour tous et de l’égalité, comment celle-ci va-t-elle faire pour faire face à cet afflux de dépenses au moment où son déficit se creuse ? Qui va payer et comment ?
Par ailleurs, l’État prenant en charge les mères porteuses, il va falloir aller chercher celles-ci ou bien créer un service spécial. L’État se refuse à devenir un État proxénète en autorisant et en organisant le trafic du sexe de la femme. Pour que la procréation médicalement assistée puisse exister, il va falloir qu’il devienne quelque peu trafiquant et qu’il organise le trafic des ventres. Ce qui ne va pas être une mince affaire. Quand un couple ne sera pas content du bébé d’une mère porteuse et qu’il décidera de le rendre, que va-t-on faire ? Obliger le couple à garder l’enfant ? En faire un orphelin ? Payer la mère porteuse pour qu’elle le garde ? Et qui payera le psychiatre qui devra soigner l’enfant ainsi ballotté et quelque peu perturbé ?
X) Ce problème rencontré dans le fait de faire faire un enfant va se retrouver avec celui de l’éduquer. Une chose est d’avoir un père et une mère, une autre d’avoir deux pères et deux mères.
Obliger un enfant à naître et à grandir dans un couple homosexuel va se confondre avec le fait d’interdire à un enfant de savoir ce qu’est le fait d’avoir un père et une mère. A-t-on le droit d’enlever ce droit à un enfant ? Si tel est le cas, cela voudra dire que pour que les homosexuels aient droit à l’égalité les enfants des couples homosexuels seront condamnés à ne pas être des enfants comme les autres.
Certes, les orphelins n’ont pas leur père ou leur mère. Mais, il s’agit là d’un accident et non d’une décision. Avec le droit pour couples gays d’avoir un enfant, les orphelins ne seront pas le produit d’un accident de la vie mais d’une institutionnalisation délibérée. Ils seront obligés par la société de n’avoir soit pas de père, soit pas de mère.
À cette situation qui ne manquera pas de produire à un moment ou à un autre des mouvements de révolte s’adjoindra une autre difficulté. L’enfant de couples gays n’aura pas droit à une origine réelle, mais à une origine absente. À la case père ou mère il y aura un blanc. Ce qui n’est pas simple à porter. Qu’on le veuille ou non, l’enfant ne pourra pas ne pas se sentir coupable, la propension naturelle des enfants étant de se culpabiliser quand l’équilibre familial n’est plus respecté.
En conclusion, les partisans du mariage gay, de l’adoption et de la procréation médicalement assistée pour couples gays rêvent quand ils voient dans ce projet un progrès démocratique sans précédent. Ils croient que tout va bien se passer. Cela ne va pas bien se passer. Cela ne peut pas bien se passer pour la bonne raison que tout a un prix.
Ne croyons pas que l’on va remettre la différence sexuée en voyant en elle une pratique parmi d’autres sans que cela ait des conséquences. N’imaginons pas que des enfants fabriqués, à qui l’on aura volé leur origine, seront sans réactions. Ne pensons pas que la disparition des notions de père et de mère au profit de termes comme parent I ou parent II permettront l’existence d’une humanité plus équilibrée et mieux dans sa peau.
On prétend résoudre des problèmes par ce projet de loi. On ne va pas en résoudre. On va en créer. Le 20e siècle a connu la tragédie du totalitarisme et notamment du projet insensé de créer un homme nouveau à travers une race ou une classe. Ne cédons pas à la tentation de fabriquer un homme nouveau grâce à la Science et au Droit. Tout ne se décrète pas. Tout ne s’invente pas.
Il existe des données naturelles de la famille. N’y touchons pas. Ne jouons pas avec le feu. Ne jouons pas à être des apprentis sorciers. Le Tao voit dans la complémentarité entre le féminin et le masculin une loi d’équilibre dynamique fondamentale de l’univers. Ne touchons pas à cette loi d’équilibre.
Nous avons tous des amis homosexuels que nous respectons, que nous estimons et que nous aimons. Qu’ils soient d’une profonde moralité, nous n’en doutons pas. Qu’ils soient capables d’élever un enfant, nous n’en doutons pas non plus. Qu’un enfant puisse être plus heureux dans un couple homosexuel que dans certains couples hétérosexuels, nous n’en doutons pas une fois encore. Que cela soit une raison pour légaliser le mariage gay et permettre l’adoption ou la procréation médicalement assistée pour couples gays, c’est là une erreur.
Une chose est une loi, une autre est un cas particulier. On ne fait pas une loi avec des cas particuliers, mais à partir d’une règle tenant compte de tout ce qu’il y a derrière. S’agissant du mariage gay avec adoption et procréation médicalement assistée, il y a derrière une telle règle trop de choses dangereuses et graves pour que celle-ci puisse devenir une loi allant dans le sens des intérêts fondamentaux de l’être humain.
La Gauche a le pouvoir à l’assemblée et peut décider de passer en force grâce au nombre de ses voix et ce afin de paraître de gauche. Elle peut choisir de préférer la Gauche à l’être humain.
Elle s’honorera de choisir l’être humain plutôt que la Gauche, sachant qu’en servant l’être humain elle est sûre de servir ses propres intérêts alors que l’inverse n’est pas sûr. Tant il est vrai que l’on n’a jamais intérêt à scandaliser l’honnête homme en l’obligeant à devoir se soumettre par la contrainte à ce que sa raison répugne à accepter par respect pour la raison.
Le mariage gay qui nous propose une grande noyade collective dans l’amour n’est pas raisonnable. La mise en question de la distinction entre homme femme ravalée au rang de pratique sexuelle n’est pas raisonnable. Vouloir avoir un enfant à tout prix en recourant soit à l’adoption, soit à un père donateur, soit à une mère porteuse n’est pas raisonnable. Ne plus parler de père et de mère mais de deux pères ou de deux mères n’est pas raisonnable. En un mot, bidouiller une famille grâce à un montage juridico-médical et appeler cela famille n’est pas raisonnable. Les mots ont du sens quand ils renvoient à une réalité. Quand ils ne sont plus que ce que l’on décide qu’ils doivent être, on n’est plus dans le domaine du sens, mais de la confusion. Le règne de la confusion, sa dictature et avec elle la confusion des esprits et des comportements, n’est-ce pas ce dont nous souffrons déjà et qui risque de nous engloutir ? Est-il besoin d’en rajouter ?
* Bertrand Vergely, philosophe et théologien, ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Il a enseigné à Sciences Po Paris et enseigne toujours à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge et au Lycée Pothier en classe préparatoire aux grandes écoles en Khâgne Classique (Ulm) et en Hypokhâgne B/L. Il est expert auprès de l’Association progrès du management.
mardi, 26 février 2013
VII. LE POINT DE VUE DE DANIEL GODARD*: « Une supercherie linguistique doublée d’un mensonge »
Nous mettons en ligne, aujourd’hui, une réflexion de Daniel Godard* dont l’originalité est de se placer d’un point de vue linguistique : il fait entendre, dans ce débat sur le « mariage pour tous », « la voix de la langue française ».
D’autres contributions suivront et constitueront notre dossier, désormais à la disposition de tous : « POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE « MARIAGE POUR TOUS » .
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Dans le concert des arguments développés par les « pour » et les « anti » mariage gay, il est une voix qu’on n’a jamais entendue : celle de la langue française.
Au cours de mes 40 années d’enseignement (collège et lycée) en qualité de professeur de Lettres Classiques, j’ai toujours attaché une grande importance à la valeur des mots. Choisir le mot exact, le « polir sans cesse » comme disait Boileau, c’est à la fois s’assurer qu’il exprime parfaitement ce que l’on veut dire mais c’est aussi s’assurer que l’on sera bien compris de son auditoire.
La polémique que suscite le projet de loi sur le mariage gay offre un bel exemple de cette dilution de la pensée dans le brouillard d’une terminologie approximative. A force de triturer les mots dans tous les sens, les mots n’ont plus de sens et l’opinion déboussolée y perd son latin. Les slogans réducteurs répercutés par les médias ne font qu’entretenir la confusion au point qu’on a parfois l’impression d’avoir perdu le sens commun.
Prenons quelques exemples :
Premier exemple : La notion de « couple » homosexuel est-elle adaptée ? La réponse est non.
Si l’on se réfère à la terminologie du « Bon Usage », l’assemblage de deux éléments de même nature ne constitue pas un « couple » mais une « paire ». Ainsi, on dira une paire de ciseaux, une paire de lunettes et non un couple de ciseaux ou un couple de lunettes. Il en est de même pour les êtres vivants. Deux boeufs assemblés sous le même joug forment une paire de boeufs et non un couple de boeufs. Deux jumeaux de même sexe constituent une paire de jumeaux et non un couple de jumeaux. On pourrait multiplier les exemples.
La langue française nous indique clairement que la notion de « couple » repose sur un principe de différenciation et d’altérité. Le couple, c’est « un homme et une femme unis par des relations affectives, physiques » (Robert 2012). La prise en compte de la fin de la définition ne doit pas faire oublier le début. La distorsion sémantique à laquelle on s’adonne chaque fois qu’on évoque un « couple » homosexuel crée une confusion dommageable que rien ne peut justifier, pas même une évolution des moeurs. Il s’agit bien ici d’appeler un chat « un chat »
2ème exemple : qu’est-ce qu’un parent ?
La reconnaissance officielle du « couple » homosexuel entraîne nécessairement – tout le monde le sait – une modification du Code Civil. La disparition des mots « père » et « mère » au profit de la notion de « parent 1 » et « parent 2 » n’est en fait qu’une supercherie linguistique doublée d’un mensonge puisque le mot désigne étymologiquement les deux personnes (père et mère) qui conjointement sont à l’origine de toute naissance. En latin, le verbe parere veut dire « engendrer » pour le père, et « enfanter » pour la mère. Comment peut-on expliquer à un enfant que ce mot de « parent » (quel que soit son numéro) s’applique à une personne qui est totalement étrangère à sa naissance, un clandestin en quelque sorte ? La loi peut-elle cautionner ce mensonge ?
Ces deux exemples suffisent à démontrer que la terminologie avancée par les partisans de la loi n’est qu’un écran de fumée destiné à masquer une stratégie plus sournoise que les récentes manifestations viennent d’ailleurs de confirmer. Il semble en effet que les partisans du « mariage pour tous » se soient déjà engouffrés dans une brèche : l’incohérence du projet de loi :
Une incohérence interne à la loi : un « couple » homosexuel est par définition stérile. Il est donc logique que les homosexuels aient recours à des artifices s’ils veulent avoir des enfants. C’est le sens de leur revendication première : le droit à l’adoption, baptisé outrageusement « droit à l’enfant ». Le projet de loi prévoit cette disposition mais interdit la PMA (procréation médicalement assistée pour les femmes) et la GPA (gestation pour autrui pour les hommes c’est-à-dire le recours possible à une mère porteuse). Comment justifier cette contradiction alors que la loi du « mariage pour tous » est présentée comme une extension des droits ? Les récentes manifestations des partisans du mariage ont clairement démontré que les homosexuels entendaient s’appuyer sur cette contradiction pour pousser plus loin leurs exigences. Sur cette question, on note les premiers signes d’un fléchissement de la part des promoteurs de la loi. Le recours à la PMA, exclue dans un premier temps, pourrait faire l’objet d’un amendement présenté par les députés de la majorité. Cette concession, logique en elle-même, met à nu la vraie nature du débat. Le « mariage pour tous », présenté au départ comme
l’objectif essentiel, apparaît de plus en plus clairement comme un simple point de passage, une étape transitoire pour obtenir « in fine » une égalité de droit pleine et entière avec les couples hétérosexuels stériles.
Comme le droit à l’adoption ne changera pas grand-chose à la situation des homosexuels, vu les réticences de la plupart des états à confier des enfants à des homosexuels, c’est bien sur la PMA et la GPA que se concentre toute la pression. Une fois acquis le droit à la PMA pour les femmes homosexuelles, comment interdire aux hommes, au nom de ce même principe d’égalité, d’avoir recours à la GPA ? Si c’était le cas, il y aurait là une discrimination incompréhensible, voire une injustice, tout à fait contraire à l’esprit même du projet de loi.
Le piège des slogans
Il est une autre supercherie linguistique qu’il convient de dénoncer et qui tient au discours même des homosexuels. Pendant longtemps, leur combat a été placé sous le signe du « droit à la différence », droit qui leur a été reconnu par l’ensemble de la communauté nationale avec la création du PACS. Aujourd’hui, le thème du « droit à la différence » a totalement disparu du glossaire homosexuel. Bizarre ! Ce virage à 180 degrés a quelque chose de surprenant et pourtant personne ne s’en étonne. Il est vrai que le slogan « le mariage pour tous » est plus rassurant et plus rassembleur que « le droit à la différence » jugé sans doute trop « clivant » pour employer un terme à la mode, un concept dépassé en tout cas que l’on range sans complexe au rayon des accessoires. Au contraire, « le mariage pour tous » sonne comme un appel à la fête, à la fusion universelle de toute l’humanité, un remake d’ « Embrassons-nous, Folleville », en somme une préfiguration du « paradis pour tous ». Qui peut résister à un tel programme ?
Malheureusement, cette vision édénique du mariage est en décalage complet avec la réalité des faits. Il est d’abord étrange que le PACS ait eu si peu de succès auprès de la communauté homosexuelle alors que cet aménagement de la législation était notamment prévu pour elle. Et si le mariage présente tant d’attraits, comment expliquer que tant d’hommes et de femmes, de la base jusqu’au sommet de l’Etat, choisissent l’union libre c’est-à-dire le non-mariage ?
Il est notable également que nombre d’homosexuels vivent leur vie le plus naturellement du monde sans réclamer nécessairement le passage devant Monsieur le Maire. Certains même s’étonnent de ce déchaînement médiatique sur une question qui leur est totalement étrangère.
Alors, au bout du compte, que penser de tout ce tapage, de tout ce galimatias ?
Pas grand chose, sinon que derrière ces acrobaties sémantiques ou stylistiques, il y a la volonté de nier une évidence.
La négation d’une évidence :
Quel que soit le mode de procréation choisi, la naissance d’un enfant est nécessairement le résultat de la rencontre de deux cellules, masculine et féminine. La différenciation sexuelle est constitutive de l’être humain, même si les choix de vie peuvent ensuite amener certains individus à la vivre différemment. De ce fait, on ne peut admettre qu’une simple évolution des moeurs soit un argument suffisant pour modifier le statut du couple et celui de la famille, tels qu’ils nous ont été transmis depuis les origines de notre civilisation. Les Romains eux-mêmes, qui pratiquaient librement et indifféremment les deux formes de sexualité, n’ont jamais songé à remettre en question ce mode d’organisation de la famille pour une raison très simple mais essentielle : cette structure de la cellule familiale est la seule à garantir la filiation. Grands législateurs (ne pas oublier au passage que notre Code Civil découle directement du Droit Romain), ils ont toujours tenu à préserver ce socle de l’organisation sociale. Quant à l’adoption, très courante à Rome, elle a toujours été soigneusement encadrée par tout un arsenal juridique de manière à préserver l’intégrité des liens du sang. De ce fait, l’adoption n’était juridiquement admise que dans le cadre d’une famille déjà constituée et sur le modèle du couple hétérosexuel.
Jamais deux sans trois :
Mais il y a plus grave : la stérilité naturelle du « couple homosexuel » induit nécessairement l’intervention d’un tiers de l’autre sexe pour le rendre fécond. Dès lors, l’accès à la PMA ou à la GPA (quelle que soit la procédure adoptée, c’est-à-dire avec ou sans rapport sexuel) conduit à s’interroger sur la nature de ce prétendu « couple » qui ne peut assurer à lui seul son désir d’enfant. Ce qui revient à dire que le contrat de mariage que signeraient deux personnes de même sexe inclut nécessairement l’intervention prévisible d’une troisième personne. Il ne s’agit donc plus d’un « couple » mais d’une « triade », une forme d’adultère biologique accepté et reconnu par la loi. Sans parler des inévitables dérives financières qu’entraînera nécessairement la recherche effrénée de donneurs et de mères porteuses. Dans certains pays, on assiste déjà à des combinaisons multiples où les homosexuels s’adjoignent – pour un temps ou pour longtemps et moyennant finances –
le concours d’une ou plusieurs personnes pour mener à bien leur projet. Nous sommes là devant le risque majeur d’une marchandisation de l’enfant et par extension de la vie humaine. L’embryon devient un objet de convoitise assimilable à n’importe quel produit de consommation. Dans un proche avenir, on peut même imaginer l’achat en pharmacie de paillettes de sperme ou d’ovules congelées qu’on pourrait se procurer aussi facilement que la pilule contraceptive ou le Viagra, le tout remboursé par la Sécurité Sociale, au nom de ce « droit à l’enfant » brandi comme un dogme par les partisans de la loi.
Au terme de cet argumentaire, une conclusion s’impose :
Le « mariage » pour quelques-uns est en fait une menace « pour tous » :
A l’évidence, l’adoption de ce projet de loi fait courir à notre société un danger d’autant plus grand qu’il est paré de toutes les vertus aux yeux du plus grand nombre. Pour employer le langage des internautes, c’est un dangereux « cheval de Troie » qu’on introduit dans la législation française. « Malheureux citoyens, quelle folie est la vôtre ! » s’écriait Laocon en voyant les Troyens disposés à introduire ce cheval maudit dans les murs de leur ville (Enéide, II, 42).
Abandonné sur la plage, ce cheval imaginé par Homère avait tous les attraits d’un cadeau des dieux. Les Troyens sont restés sourds à l’avertissement de Laocoon. Ils ont fait mieux. Pour faciliter l’entrée du cheval dans la ville, ils n’ont pas hésité à abattre une partie de leurs murailles.
On connaît la suite ! …
Il est vain d’imaginer qu’on puisse contenir toutes les dérives inhérentes au projet de loi tel qu’il est présenté aujourd’hui. C’est bien sur la notion même de « mariage pour tous » qu’il faut se battre et résister. Si cette digue saute, le risque de submersion est hors de tout contrôle.
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Dans le cortège des partisans de la loi « le mariage pour tous », il y avait un slogan intéressant :
« UNE PAIRE DE MERES VAUT MIEUX QU’UN PERE DE MERDE »
Si l’on accepte de faire l’impasse sur le caractère outrancier et injurieux du propos, ce slogan est une aubaine !
Pour la première fois, l’union de deux femmes est reconnue comme une « paire » et non comme « un couple »
J’y vois la confirmation (involontaire) de mon analyse du mot « couple »
Les arguments en faveur du mariage homo s’effondrent d’un coup devant cette évidence.
Merci à celui ou à celle qui est à l’origine de ce slogan lumineux et providentiel !
* Professeur de Lettres Classiques
mardi, 19 février 2013
VI . DISCOURS CHOC DU DEPUTE DE GAUCHE BRUNO NESTOR AZEROT, A L’ASSEMBLEE
Nous mettons en ligne, aujourd’hui, le discours de Bruno Nestor Azérot*, député de la deuxième circonscription de la Martinique (divers gauche – GDR), prononcé le mercredi 30 janvier dernier à l’Assemblée Nationale. (VIDEO).
D’autres contributions suivront et constitueront notre dossier, désormais à la disposition de tous : « POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE « MARIAGE POUR TOUS » .
De gauche et contre le projet : Bruno-Nestor Azerot, s’est opposé au projet de loi Taubira. Face à la ministre, il a prononcé à l’Assemblée nationale un discours remarqué et symboliquement très fort – en vidéo ci-dessous. Le projet de loi est loin de faire l’unanimité, pas même à gauche !
* Bruno Nestor Azérot, né le 22 juillet 1961 à La Trinité en Martinique; maire de Sainte-Marie depuis 2008 et député de la deuxième circonscription de la Martinique depuis le 16 juin 2012. Elu divers gauche (GDR) : » Le groupe GDR à l’Assemblée nationale compte quinze député-e-s « , L’Humanité, 25 juin 2012
jeudi, 14 février 2013
V. Sylviane Agacinski : » Métamorphoses de la différence «
Nous mettons en ligne, aujourd’hui, une conférence tout à fait remarquable de Sylviane Agacinski*, « Métamorphoses de la différence« , conférence donnée dans le cadre des Semaines sociales. (VIDEO I). Sylviane Agacinski confirme, d’ailleurs, et résume son analyse au cours d’un entretien récent sur Europe 1 que nous mettons également en ligne. (VIDEO II).
D’autres contributions suivront et constitueront notre dossier, désormais à la disposition de tous : « POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE « MARIAGE POUR TOUS ».
S. Agacinski_Métamorphoses de la différence… par Les_Semaines_sociales
Mariage gay : « le gouvernement s’est fourvoyé » par Europe1fr
* Sylviane Agacinski, philosophe, professeur agrégée de philosophie. Epouse de Lionel Jospin. Elle a publié de nombreux articles et une dizaine de livres, dont les derniers sont consacrés à la question des rapports entre les sexes.
mardi, 05 février 2013
IV. Hilaire de Crémiers : « Manif pour tous ! Et maintenant ? »
Nous mettons en ligne, aujourd’hui, une réflexion d’Hilaire de Crémiers*, parue sur le site de Politique Magazine, le 15 janvier.
D’autres contributions suivront et constitueront notre dossier, désormais à la disposition de tous : « POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE « MARIAGE POUR TOUS ».
Plus d’un million de Français défilent dans les rues de Paris. N’est-ce qu’un début ?
Nous étions plus du million de manifestants dimanche 13 janvier, voire beaucoup plus. Les services de gendarmerie et de police le savent pertinemment. Les vrais journalistes d’information également. Il suffisait de parcourir les cortèges – ce que j’ai fait personnellement – pour en avoir une juste estimation. Les organisateurs, qu’il faut féliciter, ont annoncé, le soir, vers 17 heures, 800.000 personnes par souci de véracité qui les honore. Ils étaient, en fait, loin du compte. Ce qui ne se voyait pas, c’est que les gens, étant tenus par leurs horaires et ayant fini de manifester, repartaient et qu’au fur et à mesure que le Champ de Mars se remplissait, il se désemplissait, restant ainsi toujours comble de 15 heures à 19 heures. A 19 heures les fins de cortège non comptabilisées n’étaient pas encore arrivées ; des groupes entiers, en particulier Civitas, se sont arrêtés ou ont été arrêtés bien avant d’aboutir au rendez-vous.
Manipulation des chiffres
C’est dire si les chiffres officiels sont faux, archi-faux. Délibérément faux. Il y a, à l’évidence, du côté du gouvernement comme du côté des médias, en particulier ceux qui relèvent de l’Etat, payés donc par les Français, une mauvaise foi dictée par la malveillance idéologique. Ces gens-là ne veulent pas voir ; plus exactement ils voient mais dans leur fureur ils nient la réalité. Ils sont bloqués dans leur position. François Hollande ne recevra pas le collectif de « la manif pour tous ». Il a fait semblant, comme toujours dans pareil cas, de recevoir tout le monde, se gardant bien de recevoir ceux qu’il aurait le devoir, ne serait-ce que comme arbitre, d’écouter. Ce refus est une faute politique qui, de plus, le déshonore. Ce fils de bourgeois, comme tous ses confrères du gouvernement, du même type que lui – et ils sont nombreux -, sait fort bien qu’en bravant les interdits au motif de modernité sociétale, il se façonne une image de gauche dont il a besoin pour capter à son profit des groupes de pression qui tiennent, à quelques exceptions près, l’information, la culture et, en totalité, l’Éducation dite nationale. Ces gens qui ne représentent qu’eux-mêmes, décident du sort de la France, de l’avenir de la France, malgré la France ! Leur haine trouve sa délectation dans la ruine de tout ce qui la constitue et, d’abord, ses familles. Ils sont sectaires et totalitaires : ils ne lâcheront pas leur proie. Ils imposeront leurs vues. Hollande, pour se dire leur chef, les suivra.
La France est là
Alors, à quoi sert pareille manifestation ? D’abord à s’apercevoir que la France existe toujours, malgré tout et malgré eux. Que des visages sympathiques ! Des familles souriantes et heureuses, des Français qui peuvent enfin s’exprimer et qui sont contents de se retrouver dans une occasion qui les change de l’atmosphère étouffante de leur quotidien habituel où la doxa officielle leur interdit même de penser, bref la France réelle, celle qui travaille, qui assure, comme elle peut, sa survie, pendant que les autres – ceux qui prétendent la gouverner – ne pensent qu’à leurs postes, à leurs carrières, à leur ambitions, surtout à leur domination, s’étant arrogé le rôle de la direction : il fallait entendre leurs commentaires ! Ce sont eux les patrons qui occupent les places dominantes, les plateaux de télévision, les chaires de vérité, qui édictent les dogmes de leur religion officielle, appelée à dessein non-religion ou a-religion, mais qui est, en fait, la leur, faite par eux et pour eux, dont ils sont les auteurs et profiteurs, qui n’a pour référence absolue qu’eux-mêmes et pour autorité que leurs misérables « moi ». Ces faux-culs jouent « la sociale » et « le sociétal ». Du haut de ce qu’ils croient leur grandeur, ils n’ont que mépris pour tous les Français qui font vivre la France, qui sont la France. Dotés de leurs prébendes payées par ces Français qu’ils traitent comme des esclaves, ils s’offrent le luxe de tout régenter par leur implacable législation qui ne vise qu’à détruire patrimoine, famille et société. Voilà la réalité d’aujourd’hui : un fossé immense entre le pays réel et le pays légal.
Que faire ?
Alors que faire ? Continuer ! D’abord pour que la France se retrouve elle-même, dans toute sa diversité et dans ce qui fait sa véritable unité. Oui, d’abord, pour ce plaisir ! Et pour montrer à ces faces de carême de la religion officielle qui s’imaginent être des docteurs et des prophètes chargés de définir l’avenir, que la France est le pays des esprits libres. Il relève en effet de la liberté de pensée et de la liberté de conscience, de pouvoir exprimer cette simple vérité que le sexe de l’homme et le sexe de la femme sont adaptés l’un à l’autre en vue de l’union et de la procréation ; que cette merveille naturelle est le support physique nécessaire au lien affectif et juridique qui constitue immémorialement l’union d’un homme et d’une femme et qui, dans toutes les civilisations, s’appelle le mariage. « Le mariage pour tous » est une contre-vérité et une aberration qui ne peut exister que dans les imaginations débiles de faiseurs de problèmes ou dans les desseins pervers de quelques hommes de mauvaise foi. Comme le rappelaient judicieusement et quelquefois drôlement les pancartes des manifestants, aucun des hommes politiques qui, pour des motifs inavouables, s’apprêtent à imposer à la France leur « diktat » d’un cynisme absolu, n’est né autrement que par la voie ordinaire qu’il convient d’appeler, en l’honneur de notre Président, « la voie normale ». De cette voie normale, ils ont tous fait usage , ce qui leur a permis d’être reçus dans une famille, soignés et éduqués, de faire des études – la plupart dans les meilleurs établissements – et de réussir leur carrière. Or voilà que ces apprentis sorciers vont oser porter leur fer mortel dans la matrice même de l’humanité. Pour quel jeu de politiciens ? La stérilité, telle est la loi de leur vie médiocre, leur conception morbide de la société, le but de leurs discours et de leur législation : tout stériliser à l’image de leurs âmes stériles. Les psychiatres, les vrais, connaissent les ténébreuses régions de l’âme qui couvent de telles idées, qui fomentent ces criminelles suggestions. Tout honnête homme se doit à lui-même et aux autres de les écarter. Il est des abîmes qu’il n’est ni beau ni bon de sonder.
Donc, il est juste, bon, salutaire et tout simplement salubre de continuer à dire hautement ce qui est tout simplement vrai comme de résister à des « oukases » qui violent jusqu’à l’intime la conscience humaine.
La question politique
Hollande n’a pas l’envergure d’un Mitterand, cet homme qui trompait tout le monde mais qui connaissait précisément son monde et aussi ses auteurs, les bons, et qui mettait sa ruse au service de l’Etat en revenant sur des projets funestes. L’homme aujourd’hui à l’Elysée ne réagira pas en chef de l’Etat, au moment précis où il pense en prendre la posture. Non seulement il ne retirera rien, mais il sera pressé d’en finir. Il a deux armes à son usage, celles qu’ont employées les politiciens qui, depuis plus d’un siècle, en France, n’abordent jamais les questions de fond et qui ne voient jamais rien venir, ni les crises, ni les guerres, ni les défaites, ni les désastres, mais qui ont l’art d’esquiver leur responsabilité. Ces armes, hélas, efficaces, ce sont l’usure politique et la lassitude psychologique. C’est là-dessus qu’Hollande compte et qu’il jouera.
L’usure politique est le grand moyen de désamorcer des conflits qui pourraient devenir explosifs. L’idée en est simple : l’adversaire s’usera pendant que l’actualité tournera. Il est si facile de mener les peuples en bateau. Les pauvres sidérurgistes et ouvriers de France en savent quelque chose.
La lassitude psychologique est le lot habituel de tous ceux qu’un système politique marginalise. Une atmosphère de combat ne se maintient pas indéfiniment quand le système dont vous êtes tributaires, vous place par principe en position de perdants. Qui peut résister ? C’est archi-connu, même si ce n’est pas théorisé ; et pour cause ! Au point qu’Hollande et tous les stipendiés du régime sussurent benoîtement : vous verrez, une fois la loi passée, personne n’y reviendra, surtout pas la droite ! Quel argument irréfutable ! Comment résister dans un système aussi totalitaire ? Même s’il se couvre des oripeaux du droit, du clinquant de la modernité, de la séduction de la licence !
Se posent, se posera donc à l’intelligence des Français la question proprement politique du système. Une vérité apparaît de plus en plus criante : le peuple de France, le pays réel n’est pas représenté. Un clan de partisans qui n’œuvre que dans le seul but de maintenir sa domination, s’est emparé de la représentation, ce qui lui permet de gouverner à sa guise ce pauvre peuple toujours bafoué. Où se situe, s’il vous plaît, la récupération ?
Hilaire de Crémiers
* Direteur de Politique Magazine et de La Nouvelle Revue Universelle.
mardi, 29 janvier 2013
III. Thibaud Collin : » Un acte de résistance du pays que l’Elysée doit entendre «
Nous mettons en ligne, aujourd’hui, un intéressant article de Thibaud Collin*, également philosophe et écrivain, paru dans Le Monde du 15 janvier.
D’autres contributions suivront et constitueront notre dossier, désormais à la disposition de tous : « POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE « MARIAGE POUR TOUS ».
Thibaud Collin, agrégé de philosophie, auteur de Les lendemains du mariage gay, a publié cette tribune dans Le Monde 15 janvier :
Les centaines de milliers de manifestants de dimanche seront-ils entendus par l’exécutif ? On peut espérer que cet événement politique sera pris en compte dans sa signification la plus profonde. Tout dépend du schème de lecture choisi. Cette manifestation peut, en premier lieu, être comprise comme la réactivation de l’affrontement des « deux France » : la « France conservatrice » avec pour axe l’Église catholique qui n’aurait jamais digéré la Révolution et la perte de son emprise politique ; et la « France progressiste », ouverte aux évolutions historiques et étendant progressivement les grands principes des Lumières à de nouvelles réalités. Dans cette ligne de compréhension, la manifestation de dimanche est dans l’ordre des choses ; son succès peut même confirmer que la méthode utilisée pour résister aux critiques du projet de loi est la bonne. Pensons aux propos de certains députés socialistes lors de l’audition des responsables des Cultes à la Commission des Lois ou à ceux de Vincent Peillon sur le danger que ferait courir aux jeunes homosexuels une École catholique aux velléités prosélytes. La manifestation en soulignant un tel clivage donnerait alors du grain à moudre à tous ceux qui considèrent que le débat de fond n’est pas légitime puisque le peuple souverain s’est déjà exprimé en mai dernier, voire même parce que « de l’égalité, on ne débat pas ». Manière de ne pas entendre ce que ces centaines de milliers de citoyens ont cherché à exprimer dimanche. Et c’est là qu’une deuxième interprétation du phénomène est envisageable.
Certains ont esquissé des comparaisons avec la manifestation de juin 1984 sur l’école libre. Il s’agissait alors pour les manifestants de défendre un droit que le gouvernement leur confisquait. Il y avait donc un intérêt immédiat, notamment financier, à descendre dans la rue. Aujourd’hui, rien de tel. La loi sur le mariage ne force personne à se marier avec quelqu’un de son sexe. Mais alors quelle cause pousse tant de gens à contester un projet ne touchant en rien leur vie quotidienne et leurs droits acquis ? Le sentiment d’injustice face à une loi bouleversant le régime de la filiation et privant certains enfants soit de leur père, soit de leur mère. Pour entendre une telle indignation, il faut sortir du schème des « deux France » et admettre que certains sujets arrivant dans le débat politique ont des racines dans l’intimité non seulement de l’individu mais aussi du peuple ; la mort, la transmission de la vie, la nature des liens humains etc. sont des éléments de la condition humaine qui invitent à un colloque de la conscience avec elle-même. La mission du politique est alors de trouver les moyens de se hisser à la hauteur de tels enjeux et d’offrir le cadre public d’une authentique réflexivité sociale. Madame Taubira en reconnaissant que ce projet de loi était « une réforme de civilisation » a parcouru une partie de ce chemin. Pourquoi ne pas le suivre jusqu’à son terme en en tirant les conséquences et en se donnant les moyens institutionnels d’une réelle discussion démocratique ? Le président de la République se situe après tout dans le lignage d’une conception ouverte de la démocratie, pratiquée par Jacques Delors et théorisée par Jürgen Habermas.
Quand bien même la majorité des manifestants serait constituée de croyants, n’y aurait-il pas une faute intellectuelle, et peut-être politique, à réduire leur discours à une conviction religieuse pour mieux le neutraliser? A cette approche étriquée de la laïcité, Habermas oppose que l’État libéral a au contraire « intérêt à donner libre cours aux voix religieuses dans la sphère publique politique » et qu’il « ne peut pas décourager les croyants et les communautés religieuses de s’exprimer aussi politiquement en tant que tels, parce qu’il ne peut pas savoir si en procédant de la sorte il ne coupe pas la société séculière de ressources importantes pour la fondation du sens ».[Entre naturalisme et religion, Gallimard, 2008, p.190] Certes la condition d’une telle prise en compte est que les croyants jouent le jeu de la raison publique séculière et fassent l’effort de « traduire » leur position en des raisons susceptibles d’être entendues par tous leurs concitoyens ; ce à quoi les opposants au projet loi se sont largement astreints ces derniers mois.
Le Président de la République ferait donc preuve de sagesse en étant soucieux que cette résistance profonde ne soit pas traitée avec mépris. Il a suffisamment reproché à son prédécesseur de cliver et de brutaliser le pays pour être capable le moment venu de prendre toute la mesure de cette indignation et de la canaliser. Référendum ? États-généraux de la famille et de la filiation ? Les cartes à jouer sont diverses. Refuser d’entrer dans le dialogue risquerait d’être perçu par de nombreux Français comme un signe d’obstination idéologique et contribuerait à rendre inflammable le corps social.
* Thibaud Collin : philosophe et écrivain, agrégé de philosophie; il enseigne en classes préparatoires à Paris, professeur au Collège Stanislas et à l’IPC (Institut de philosophie comparée) à Paris, il fait aussi partie du corps professoral de l’institut d’études anthropologiques Philanthropos.*
mardi, 22 janvier 2013
II. Chantal Delsol : « Une minuscule coterie mène en bateau tout un pays »
Au lendemain de la grande manifestation du 13 janvier et de son indéniable succès par delà la ridicule guerre des chiffres à laquelle il est vain de trop s’attarder, nous écrivions ceci : « Reste la question de fond. Elle dépasse largement la seule affaire du mal nommé mariage pour tous. Nous aurions tort de nous y enfermer. Car, très en amont, c’est la famille dite traditionnelle elle-même, qui est, depuis bien longtemps déjà, en crise (cf. l’inexorable montée des divorces : aujourd’hui plus de 50% des ménages sont concernés !). C’est donc une réflexion de fond sur la famille, minée par l’individualisme, par l’égoïsme contemporains et, en un sens, c’est une contre-idéologie qu’il faut opposer à l’idéologie radicalisée qui sous-tend le projet de loi gouvernemental. C’est ce qu’il faut lancer, ce qu’il faut être capable d’entreprendre maintenant. Car c’est à cette condition que la grande campagne en cours trouvera un prolongement, durera, s’amplifiera et aura, en définitive, été efficace.«
Dans cet ordre d’idées, nous ouvrons un dossier des contributions au débat, de différentes personnalités et intellectuels. Nous avons déjà mis en ligne (14.01.2013) un important article donné par Jean-François Mattéi au Figaro, sous le titre « Mariage pour tous et homoparentalité« . Et nous publions, aujourd’hui, l’intégralité de l’entretien de Jean Sévillia avec Chantal Delsol, autre philosophe à donner son analyse.
D’autres contributions suivront et constitueront notre dossier, désormais à la disposition de tous : « POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE « MARIAGE POUR TOUS ».
Le Figaro Magazine – 12.01.2013
Mariage homosexuel, droit à l’adoption pour les couples de même sexe, extension de la PMA aux lesbiennes, transformation de la parentalité et de la filiation. Quelles conséquences anthropologiques et culturelles pour toute notre société ? Réponse d’une philosope*
Propos recueilllis par Jean Sévillia
Le Figaro Magazine – En premier lieu, pouvez-vous nous rappeler le sens et le but du mariage civil…
Chantal Delsol – Le mariage est une institution faite pour garantir et protéger ces manifestations de l’existence humaine que sont la procréation, l’accueil de l’enfant et l’éducation/transmission. Le but essentiel du mariage est la protection du faible, c’est-à-dire de l’enfant. Celui-ci a besoin pour grandir d’un milieu stable, d’où l’institution. Le mariage est un contrat tissé par les deux futurs parents autour de ce projet.
L’expression « mariage pour tous » a été abandonnée dans le projet de loi, mais elle a été initialement utilisée par les promoteurs du mariage gay. En quoi est-elle contradictoire avec l’idée du mariage ?
C’est contradictoire en raison de la définition même du mariage. Celui-ci n’est pas fait pour tous, mais pour ceux qui souhaitent fonder une famille. L’expression « mariage pour tous » est une divagation. Au départ elle signifie que les couples hétérosexuels ne sont pas les seuls à pouvoir se marier. Elle détourne le mariage de son but : on ne se marie plus pour protéger les futurs enfants du couple, mais parce que l’on s’aime. Tous ceux qui s’aiment pourraient donc se marier. Dans ce cas, on pourrait assister à toutes sortes de mariages étranges, dont ne voudraient pas même les partisans du texte : entre un père et sa fille, entre deux enfants, voire entre un humain et son animal de compagnie. Ce n’est pas sérieux.
Que vaut le concept d’« égalité » brandi par les partisans du mariage homosexuel ?
Nous voyons bien là que la passion de l’égalité engendre des âneries. Tout ne peut pas être donné à tous. Il y a des destinations aux choses, aux institutions, des projets spécifiques auxquels tous ne peuvent pas prétendre, simplement parce que nous sommes différents les uns des autres. Aujourd’hui la différence est devenue une discrimination, ce qui signifie que toute différence serait injuste : il suffit de voir le crétinisme profond qui s’exprime dans la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). Or l’homme est un être de relation, et il n’y a pas de relation du même au même : on n’entretient de complicité qu’avec la différence. Vouloir effacer toutes les aspérités, les bigarrures, les contrastes, c’est vouloir nous réduire à l’état d’éponges.
Ouvrir le droit à l’adoption pour les couples homosexuels, ce serait un bouleversement anthropologique…
D’une manière générale, je crains toujours d’abuser de l’idée de « nature ». On a prononcé tant d’exagérations à ce sujet que ce n’est plus guère crédible. Chaque fois qu’un changement social se produit, certains arguent que l’on va contre la « nature ». Certains textes du début du XXe siècle disaient que laisser les filles faire des études supérieures produirait des catastrophes, parce qu’elles ne sont pas faites pour cela. Comme la nature a bon dos ! Ne nous précipitons pas sur cet argument. Pourtant, dans le cas présent, la question est légitime. Où est la « nature », dira-t-on ? Regardons les deux projets de loi actuellement en route : celui sur l’euthanasie et celui sur le mariage gay. L’euthanasie a toujours existé partout, sauf dans les sociétés chrétiennes : partout on laissait mourir les enfants contrefaits et les vieillards trop fatigués ; là où l’infanticide a été interdit, comme sous Mao en Chine, c’était pour être « moderne », c’est-à-dire pour ressembler à l’Occident… Ce qui signifie que le projet de loi sur l’euthanasie n’est pas une rupture anthropologique, mais une rupture culturelle : un retour aux civilisations préchrétiennes. Tandis que pour le mariage gay, c’est autre chose. Aucune société n’a jamais mis en place une affaire pareille ! Nous ne trouvons des idées de ce genre – je dis bien des idées, jamais des réalisations – que chez certains esprits révoltés contre la société, à des périodes rares. Je citerais Diogène le Cynique, qui réclamait que l’on couche avec sa mère et que l’on mange son père, ou bien Sade et Shelley qui, après la saison révolutionnaire, exaltaient tout ce que l’époque considérait comme des perversions. Ces beaux esprits pouvaient amuser certains salons, mais aucune société n’aurait voulu légitimer ces comportements par des lois ! Car les sociétés savaient bien qu’il s’agissait là de subversion anthropologique, ou de nihilisme. Pour le mariage gay, il s’agit bien de cela ; mais pour la première fois, il y a tentative de réaliser ces délires.
Les députés socialistes veulent aller plus loin que le projet présidentiel en imposant la PMA (procréation médicalement assistée) pour les couples de femmes. Quelles en seraient les conséquences ?
C’est clairement une rupture anthropologique et une expression du nihilisme, au sens où l’on tord le cou à la filiation et à la transmission. On va faire croire à l’enfant qu’il a deux mères, alors qu’il est bien né, même grâce à la médecine, d’un père et d’une mère ! L’enfant sait quand on lui ment. Il a besoin de la vérité, et le souci de ses origines est primordial pour lui. Pourquoi a-t-on si peur de fabriquer des OGM et ne craint-on pas de fabriquer des enfants fous ? Les enfants me paraissent plus importants que les maïs… C’est ici qu’on n’a plus du tout envie de rire, mais de se mettre en colère : on ne joue pas avec les enfants ! Un enfant, ce n’est pas juste le fruit de mon envie, de mon désir, le jouet, qu’on fabrique comme ça et à qui on va raconter n’importe quoi. Un enfant, c’est sérieux, c’est une personne et à ce titre un seigneur, un roi, qui a droit à notre respect infini, et qui doit grandir alors que l’existence est truffée de difficultés. L’enfant n’est pas le produit de notre caprice, mais il n’est pas non plus le produit de notre révolte sociale : on ne le met pas au monde pour emmerder les hétéros ! Ça ne marche pas ainsi, la transmission de la vie et plus tard la transmission de la culture : c’est une oeuvre, un travail d’humilité et non de revanche ni de puissance… Je dois dire que la communauté homosexuelle ne manifeste pas l’esprit de sérieux requis. Dès qu’elle se montre, c’est dans l’esprit des bacchanales ! Je n’ai rien contre les bacchanales, mais que l’on ne mette pas d’enfants au milieu ! Tout le monde comprend cela.
Si le droit de la PMA est modifié, une deuxième étape pourrait être la légalisation de la gestation pour autrui (les mères porteuses). C’est alors tout l’édifice de la filiation qui serait ébranlé…
La gestation pour autrui n’est que la suite. Mais naturellement, c’est encore plus indigne parce qu’en plus on loue des ventres, ce qui n’est pas admissible. Qui gagnera ici : les homosexuels masculins qui exigeront de satisfaire leurs désirs, ou les homosexuelles qui s’indignent qu’on loue des ventres ?
Toutes les religions représentées en France se sont prononcées contre le mariage homosexuel. L’expression de ce refus constitue-t-elle un viol de la laïcité ?
Selon la définition française de la laïcité, oui ! Car la tradition française a tendance à penser que la laïcité, c’est la vie dans la neutralité absolue – c’est bien ce que dit notre ministre de l’Education quand il prépare pour l’école des cours de morale universelle, c’est-à-dire complètement exempte des particularités culturelles… Cela n’existe pas ! Les principes qui nous font vivre, et surtout les principes qui nous structurent et que nous n’inventons pas, sont tous ancrés dans des particularités : des morales religieuses ou non, des sagesses, des traditions locales ou nationales, des mythes civilisateurs, etc. Vouloir vivre dans le neutre ou l’universel, c’est se prendre pour des esprits désincarnés. En réalité, les principes des sociétés occidentales sont nourris aux racines du judéo-christianisme, et il est bien cohérent que ce soient les religions qui les rappellent, ces principes, puisqu’elles en sont pour ainsi dire les tabernacles.
Mais il y a aussi des non-croyants, des citoyens votant à gauche et des homosexuels qui sont hostiles au projet gouvernemental…
Naturellement ! Enormément de gens ! Et beaucoup d’homosexuels ! Pourquoi ? Mais parce que le nihilisme n’est pas un projet de société : il ne convient qu’à quelques bobos qui amusent la galerie cinq minutes, mais dont il est criminel de réaliser les projets (Diogène était le premier bobo de notre histoire, et les Athéniens disaient déjà, en regardant ses vêtements de SDF branché, qu’on « lui voyait la vanité par les trous », mais la société dans laquelle il vivait n’a jamais essayé de mettre en place ses élucubrations, elle n’était pas folle). En réalité, nous nous trouvons en face d’une minuscule coterie qui mène en bateau tout un pays : une gauche qui a peur de son ombre dès qu’on lui parle d’une inégalité, une droite qui a encore trop souvent peur de la gauche, et un Président falot. Cette minuscule coterie parvient à se faire entendre en se faisant plaindre (« nous sommes les seuls à n’avoir pas droit au mariage »), et dans une société où le héros, c’est la victime. Alors ça marche. Cependant, la plupart d’entre nous ne sont pas dupes de cette arnaque, et je suis sûre que beaucoup d’homosexuels ont honte : ils sont assez lucides pour comprendre que la très grande majorité de leurs collègues archiminoritaires n’ont aucune envie de se marier, que s’ils le font, ce sera par provocation, et que leur essentielle motivation est de subvertir des institutions qu’ils maudissent (si le mariage est partout, il n’est nulle part). Ce qui est bien clair dans l’un des slogans utilisé par des militants du « mariage pour tous » dans une manifestation : « Un(e) hétéro, une balle ; une famille, une rafale. » Non désavoué par les organisateurs, ce slogan traduit bien le nihilisme dont nous parlons. Le débat, ici, n’est pas entre croyants et non-croyants, entre gauche et droite, entre hétéros et homos, mais entre humanistes et nihilistes.
« C’est une réforme de société et on peut même dire une réforme de civilisation », a affirmé Christiane Taubira. Cette réforme ne serait-elle pas plutôt une révolution ?
Ce n’est pas une réforme de société, puisqu’elle vise à défaire cette société (par le bouleversement de la filiation) et non pas à la réformer. Ce n’est pas une réforme de civilisation, puisque aucune civilisation nouvelle ne peut sortir de là – cela n’a jamais existé nulle part. Je n’utiliserais pas le mot révolution, parce qu’une révolution vise au retour à un état précédent, soit historique (la révolution américaine), soit mythique (la révolution russe). Ici, aucune idéologie ne soutient ce projet. C’est juste une pantalonnade d’anarchistes pédants et tapageurs, et d’autant plus pédants et tapageurs qu’on a pris l’habitude de les prendre au sérieux.
Si la manifestation des opposants au projet, le 13 janvier, est un énorme succès, quelle issue politique y aura-t-il pour François Hollande ? Le recours au référendum ?
Dans ce cas, François Hollande pourrait faire voter la loi en précisant bien qu’il ne sera jamais question de PMA (ce qui signifie qu’il en sera question dans quelque chose comme deux ans). A priori, on n’imagine pas qu’il puisse retirer sa loi : il est trouillard ! Toutefois, il faut se souvenir de 1984 : personne n’espérait que François Mitterrand allait retirer sa loi, et pourtant… On peut donc espérer. De toute façon, nous ne pouvons pas laisser passer une monstruosité pareille sans nous exprimer clairement : nos descendants nous jugeront là-dessus, comme nous avons jugé nos anciens à leur attitude devant les totalitarismes. Aujourd’hui, la barbarie, c’est ça.
Propos recueilllis par Jean Sévillia
* Professeur de philosophie à l’université de Marne-la-Vallée, où elle dirige l’Institut Hannah Arendt, Chantal Delsol est membre de l’Institut. Dernier livre paru :
L’Age du renoncement
(Cerf).
lundi, 14 janvier 2013
I. Après l’immense manifestation d’hier, une réflexion de fond s’impose – Lire Jean-François Mattéi …
Les images, les photographies, les comptes-rendus, les commentaires sur l’immense manifestation nationale d’hier, à Paris, ont envahi les ondes, la presse, la toile. Il est clair qu’il s’est agi là d’une réponse forte d’une grande partie de la France réelle au projet idéologique du gouvernement, un projet qui divise et trouble la société française, qui n’en avait nul besoin. Déjà largement déconstruite, elle est prise de vertige à la perspective de poursuivre dans cette voie, de descendre un échelon de plus …
Sur cette grande manifestation, tout a été montré, tout a été dit, tout sera dit, encore, dans les jours qui viennent. Nous n’y reviendrons pas, en cet instant.
Reste la question de fond. Elle dépasse largement la seule affaire du mal nommé mariage pour tous. Nous aurions tort de nous y enfermer. Car, très en amont, c’est la famille dite traditionnelle elle-même, qui est, depuis bien longtemps déjà, en crise (cf. l’inexorable montée des divorces : aujourd’hui plus de 50% des ménages sont concernés !). C’est donc une réflexion de fond sur la famille, minée par l’individualisme, par l’égoïsme contemporains et, en un sens, c’est une contre-idéologie qu’il faut opposer à l’idéologie radicalisée qui sous-tend le projet de loi gouvernemental. C’est ce qu’il faut lancer, ce qu’il faut être capable d’entreprendre maintenant. Car c’est à cette condition que la grande campagne en cours trouvera un prolongement, durera, s’amplifiera et aura, en définitive, été efficace.
C’est ce qu’a commencé de faire Jean-François Mattéi *, dans un important article du Figaro. Vous pourrez le lire, en lisant la suite …
Le philosophe – membre de l’Institut universitaire de France – met l’accent sur les paradoxes qui se dégagent du projet de loi.
Camus disait que « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » (1). Le « mariage pour tous » et l’ « homoparentalité » contribuent à leur tour à ce malheur sémantique, ces deux expressions étant de pauvres oxymores. Elles entraînent une cascade de paradoxes que l’on masque prudemment sous les discours édifiants des bonnes consciences. Mais le paradoxe a beau devenir une nouvelle doxa, et donc un préjugé, il n’en reste pas moins un défi au bon sens.
Paradoxe du sexe. La « théorie du genre » (gender theory) prétend que la primauté accordée à l’hétérosexualité culpabilise les pratiques homosexuelles, bisexuelles et plurisexuelles. Dans la mesure où le sexe biologique ne déterminerait pas le genre sexué, les sexualités LGBTQI (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels, queer et intersexe) seraient égales aux pratiques hétérosexuelles: Le sociologue Eric Fassin ne s’en cache pas : « Ce qui est en cause, c’est l’hétérosexualité en tant que norme. Il nous faut essayer de penser un monde où l’hétérosexualité ne serait pas normale. » Le trait final de la conférence de Monique Wittig sur La Pensée straight, en 1978, anticipait déjà cette croyance dans l’indifférence des sexes : « Les lesbiennes ne sont pas des femmes. » Elles ne sont pas non plus des mères parce que toutes les femmes sont nées d’une mère sexuée, et non d’un genre grammatical.
Paradoxe du mariage. Au lieu d’aimer leur compagnon ou leur compagne de façon autonome, certains homosexuels veulent convoler en justes noces. Les homosexuels mariés vivront ainsi aux dépens des hétérosexuels mariés en leur empruntant la cérémonie civile, le sacrement religieux et la symbolique maritale, dont la robe blanche de l’un des conjoints. S’il est vrai qu’un parasite est une personne qui vit aux dépens d’autrui, les homosexuels mariés auront un double comportement parasitaire. Le premièr à l’égard des hétérosexuels dont ils imiteront l’alliance juridique. Le second à l’égard de la famille hétérosexuelle dont ils parodieront la filiation biologique. Dans les deux cas, le mariage et la filiation seront virtuels, mais non actuels, puisque la dualité sexuelle et l’engendrement d’un enfant par un homme et une femme seront vécus comme des simulations.
Paradoxe de l’imitation. Ce prétendu droit au mariage et ce supposé droit à l’enfant, créances tirées sur une société qui n’en retire aucun bénéfice, proviennent de ce que René Girard a qualifié de « crise mimétique » . Le désir triangulaire met cette fois en scène le couple homosexuel, le couple hétérosexuel et l’enfant désiré. Mais comme ce dernier ne peut être conçu que par l’union d’hétérosexuels dont la différence est féconde, les homosexuels dont l’identité est stérile compenseront leur impuissance en imitant les précédents. Les moyens détournés pour élever des enfants feront appel à la procréation médicalement assistée (PMA), à la gestation pour autrui (GPA) qui nécessite l’usage du sperme d’un donneur et la location du ventre d’une mère porteuse, ou à l’adoption d’un enfant déjà né d’un homme et d’une femme. Dans tous les cas, le modèle homosexuel restera sous la dépendance du modèle hétérosexuel.
Paradoxe de la parenté. Avec cette nouvelle norme maritale, imposée par des minorités, la famille homoparentale sera privée d’aspect procréatif. Les adultes homosexuels seront à tort nommés « parents », le terme latin parens étant issu du verbe pario, « accoucher, enfanter », alors qu’ils ne peuvent engendrer sans l’intervention sexuée, et non gendrée, d’un tiers, homme ou femme, ce qui fait trois personnes, ou d’un autre couple dont la femme portera l’enfant, ce qui fait maintenant quatre personnes. La neutralisation des différences sexuelles entraînera la neutralisation de tous les statuts généalogiques et la privation de tous les repères de filiation : la parentalité l’emportera sur la parenté.
Paradoxe de l’enfant. Quant à l’intérêt supérieur de l’enfant, dont on se préoccupe peu tant le désir de l’adulte est devenu despotique, il ne concerne plus qu’un produit médicalement et socialement déterminé. L’identité d’une fille ou d’un garçon, est une construction complexe qui implique, avec une double détermination généalogique, celle de son père et de sa mère, des apports familiaux d’ordre affectif, intellectuel et social. Mais cette construction culturelle ne saurait faire l’économie de cette section primitive qu’implique le mot latin sexus, à partir de laquelle, non seulement la masculinité et la féminité voient le jour, mais également la paternité et la maternité.
Avec la dissociation de la sexualité et de la procréation, nous entrons dans un Monde de stérilité dans lequel l’enfant, devenu une denrée rare, sera pris dans le cycle économique de la marchandise. Le malheur se déclinera demain sous des formes juridiques plus subtiles qu’auparavant. Mais il concernera toujours l’être humain conçu comme un moyen, et non comme une fin, c’est-à-dire, selon les cas, comme un objet bien ou mal nommé.
(1) Camus, « Sur une philosophie de l’expression » , Poésie 44, 1944.
On notera que, dans les travaux sur le genre, le terme de « sexe » revient comme un retour du refoulé pour indiquer le rapport charnel qui implique l’usage de l’appareil reproducteur de l’homme et de la femme.
V. Margron et E. Fassin, Homme, femme, quelle différence ? Paris, Salvator, 2011, p. 25.
* Jean-François Mattéi, est professeur de philosophie grecque et de philosophie politique. Il est professeur à l’université de Nice Sophia Antipolis, et membre de l’Institut universitaire de France.
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“Il est bon !!”