Envoyer un corps expéditionnaire au Mali ou sous-traiter une libération d’otages au Nigeria a, paradoxalement, quelque chose de rassurant : l’ennemi islamiste est loin et clairement identifié (les djihadistes d’Aqmi dans le premier cas, la secte Boko Haram dans le second). L’attentat de Boston nous rappelle opportunément que la réalité peut être plus désagréable. Perpétré, semble-t-il, par deux frères, de confession musulmane, issus d’une famille originaire de Tchétchénie, et s’inscrivant dans une liste déjà longue (Paris 1995, New York 2001, Madrid 2004, Londres 2005, Moscou 2010, etc.), il confirme que le terrorisme islamiste urbain reste le mode opératoire le plus efficace et donc le plus dangereux.
Parce qu’il est un tenant de l’idéologie multiculturaliste et qu’il cherche à éviter toute forme de « stigmatisation » (c’est-à-dire de mise en cause directe de l’islam-isme), M. Durpaire – consultant que l’on voit et entend trop souvent sur toutes les chaînes de radio et de télévision – se plaît à souligner que les frères Tsarnaev auraient été de bons Américains. Ainsi ne serait-il plus possible de pointer du doigt une quelconque nébuleuse terroriste internationale et faudrait-il seulement voir dans l’attentat de Boston un problème intérieur. Mais son analyse, vicieuse, fait long feu et se retourne contre lui.
En effet, s’il est vrai que les frères Tsarnaev pouvaient sembler (d’après tous les témoignages recueillis) bien « intégrés », voire « américanisés » – et, de toute façon, en situation parfaitement régulière – on doit alors se demander comment il peut se faire qu’ils en soient arrivés à une telle extrémité. « Pourquoi, se demande M. Obama, de jeunes hommes qui ont grandi et étudié ici, dans notre communauté et dans notre pays, en sont-ils venus à une telle violence ? »
M. Mudd, expert en terrorisme à la New America Foundation, répond que le scénario de « radicalisation » des frères Tsarnaev est en fait courant et que leur histoire est banale. Cela signifie que, dans toutes les grandes villes d’Occident, vivent des jeunes gens qui leur ressemblent : immigrés ou enfants d’immigrés, toujours musulmans, et constituant ainsi un formidable vivier pour l’internationale islamiste. Des milliers de Mohamed Merah, des milliers de Tamerlan et Djokhar Tsarnaev – apparemment bien « gentils » (l’adjectif est souvent revenu dans la bouche des témoins de Boston) – dormiraient donc parmi nous. Effrayant.
On sait que des centaines de jeunes combattants venus d’Europe se trouvent aux côtés des groupes islamistes extrémistes en Syrie (par exemple, des images diffusées sur Internet montrent des individus parlant néerlandais entre eux). Beaucoup ont été identifiés. Comment sera « géré » le retour de ces djihadistes ? Russes et Américains coopèrent déjà dans le domaine du terrorisme islamiste international. Qu’en est-il en Europe ? Pourquoi n’en parle-t-on pas davantage en France ? Serait-ce un sujet tabou ? Des armes de guerre circulent dans nos « cités », des « jeunes » se forment au combat en Afghanistan ou en Syrie. Rien de sérieux, au-delà d’une certaine surveillance, n’a jamais été entrepris par les autorités compétentes. Et quand surgit un Merah, on nous le présente comme un « loup solitaire ».
Faudra-t-il attendre qu’une famille de sept personnes soit prise en otage ici même, sur le territoire national ?
Dans le type de société où nous vivons, rien n’est plus susceptible de faire renaître des affirmations identitaires excessives, voire pathologiques, que la volonté de nier les différences normales et d’anéantir les communautés au profit d’un modèle unique, dont l’Amérique est l’archétype parfait.
L’assimilation produit la révolte et la crispation, à moins qu’elle ne débouche dans l’anomie sociale. Tout excès en un sens appelle l’excès inverse : les extrêmes se confortent mutuellement.
A l’inverse, des groupes ethnoculturels différents seront d’autant mieux intégrés qu’ils resteront libres de conserver une articulation communautaire forte, évidence qui reste malheureusement
difficile à comprendre dans un contexte d’individualisme forcené qui a déjà entraîné, en Occident, le relâchement ou la disparition des liens propres à la famille.
Je ne partage pas votre analyse. Si on vous comprend bien, il existe une sorte d’égalité de principe entre le pays d’accueil (disons : la France) et toute communauté perçue comme allogène en raison d’une différence ethnoculturelle marquée (disons : les Afro-musulmans). Insuffisamment respectée dans son essence, la « communauté » d’origine immigrée serait susceptible de se radicaliser. C’est à peu près ce que pense M. Durpaire : tout le monde, de la mamma africaine en boubou au joueur de biniou breton est français. Autrement dit : la France n’est qu’un cadre géographique.
On va encore nous refaire le coup du 11/9 et des avions qui disparaissent sans laisser de trace. Ici, ce sont des cocotes minutes qui explosent dont le couvercle de l’une a été retrouvé sur le toit voisin. Même un Tom Cruise n’y aurait pas pensé. Et puis trouver deux frères islamistes dans une foule en 24 heures relèvent du changement de l’eau en vin. Comment se fait-il que ces deux la, parfaitement ciblés aux dire du FBI, n’ont-ils pas été arrêtés plus tôt ? Elle tombe à pic, cette « radicalisation souterraine » des muz américains, elle permettra une surveillance accrue de plus belle sur tous, ce qui veut dire une nouvelle restriction des libertés fondamentales.
Trop, c’est trop.
Le dilemme « exclusion ou assimilation « , mis en avant tant par les partisans de l’une que par les avocats de l’autre, est tout aussi inacceptable que celui qui nous somme de choisir l’autochtone borné et le « touriste universel ».
Xénophobes et « cosmopolites » se retrouvent assez souvent d’accord pour croire qu’il existe une relation inversement proportionnelle entre la capacité d’affirmation de l’identité nationale et l’intégration des immigrés. Les premiers croient qu’une France rendue plus soucieuse ou plus consciente de son identité se débarrassera spontanément des immigrés. Les seconds pensent que le meilleur moyen de faciliter l’insertion des immigrés consiste à favoriser la dissolution de l’identité nationale.
Les conclusions sont opposées, mais la prémisse est la même. Or, les uns et les autres se trompent. Pas plus que la présence des immigrés n’est la cause fondamentale de l’érosion des identités collectives, ce n’est pas l’affirmation de l’identité française qui fait
obstacle à l’intégration des immigrés, mais au contraire son effacement. L’immigration fait problème parce que l’identité française est incertaine. C’est grâce à une identité nationale retrouvée qu’on résoudra les difficultés liées à l’accueil et à l’insertion des nouveaux venus.
L’immigration « fait problème » d’abord du fait des immigrés eux-mêmes : trop nombreux et trop différents. Ce n’est que face à une immigration que je qualifierai de plus raisonnable que serait efficace une « identité nationale retrouvée ».
Cher blh,
Je ne suis moins convaincu par votre humeur « conspirationiste » que par les références maurrassiennes sur votre blog.
Bonne continuation !