7. Quelle nouvelle constitution ?
Dans un tel contexte il était inévitable que la nouvelle constitution soit l’objet de vives critiques. Les opposants estiment qu’elle n’est pas assez représentative du peuple, (coptes et libéraux n’ayant pas participé aux travaux de sa rédaction) et dénoncent son caractère islamique. Pour eux de nombreux passages remettent en question les libertés religieuses et individuelles. Parmi ces passages se trouvent la place de la Charia, la loi islamique. Les auteurs du projet ont conservé la formulation de la précédente Constitution, c’est-à-dire que les principes de la Charia sont les principales sources du Droit. Mais ils ont également précisé que ces principes font l’objet des interprétations de l’institution religieuse sunnite d’Al Azhar. Cela confère à une institution non démocratiquement élue, le pouvoir de définir les lois. De plus, deux clauses limitent la liberté d’expression : la première interdit toute insulte au prophète, et la seconde sanctionne les insultes aux personnes physiques. La liberté de culte n’est assurée qu’aux pratiquants des religions monothéistes. Concernant les droits des femmes, militants des droits de l’homme et opposants déplorent la révision du texte précédent, qui affirmait que l’égalité entre les sexes était garantie, selon la loi islamique. Le nouveau texte lui, reste assez flou en se contentant de déclarer que « tous les citoyens sont égaux devant la loi et égaux en droits et en devoirs sans discrimination ».
Le nouveau Président présente la nouvelle Constitution…
L’Égypte en faillite
C’est un truisme de dire que la misère est le terreau du sectarisme, du dogmatisme, du fanatisme, de l’obscurantisme. Pour le seul mois d’Avril, la revue de presse française et internationale sur la catastrophe de l’économie égyptienne ne laisse aucun doute sur son état comateux, de quasi mort clinique.
Elle repose sur cinq sources de recettes qui en font une économie de rentiers : ressources en provenance de travailleurs émigrés, le canal de Suez, pétrole et gaz de la mer Rouge, tourisme, et aide américaine. Cette dernière est chiffrée par l’US.AID à 62 milliards de US$ entre 1977 (Camp David) et 2007, soit autour de 2 milliards US$ annuels, dans lesquels l’armée est la première servie (1,3 milliards US$). Trois de ces piliers sont sensibles aux aléas mondiaux : les rentes du canal de Suez, les transferts d’argent des émigrés, et le tourisme. L’économie égyptienne est fragile et dépendante.
L’économie du tourisme : en 2010, ce sont 14 millions de voyageurs qui ont visité l’Égypte, et l’activité pesait pour 15% dans le PIB, et 17% du total des emplois. Chiffre tombé à 9 millions en 2011, et le même en 2012, là où le Caire tablait sur 12.
L’Egypte importe 75% de son blé. L’investissement étranger s’est effondré. La monnaie dégringole. Le prix des médicaments s’envole, et une pénurie s’installe.
Depuis deux ans, une négociation est en cours avec le FMI pour obtenir avec d’autres aides (Banque Africaine de développement, Banque mondiale, Union européenne) les crédits dont le pays a un besoin urgent. Mais aucune réforme n’est programmée qui pourrait susciter la confiance.
Les privatisations du secteur public et l’intégration de l’économie égyptienne dans l’économie mondiale n’ont profité qu’à un petit nombre, alors que le pays a connu un véritable essor économique. La privatisation a permis l’apparition d’une classe bénéficiaire liée à l’appareil d’État. Gamal Moubarak (photo, ndlr), alors à la tête du Parti national démocratique (PND), réforma le système économique. Il misa sur l’entrepreneuriat mais très vite la corruption permit aux clients et hommes d’affaires proches de la famille dirigeante d’amasser d’immenses fortunes. Les produits de la croissance ne sont pas redistribués et les conditions de vie des classes moyennes, de la petite bourgeoisie et des travailleurs se dégradent. Dans le même temps, la population souffre d’un manque d’infrastructures. Les transports sont obsolètes et dépassés, malgré quelques grands projets comme le métro du Caire ou le port de Nuweiba, sur la mer Rouge. Le secteur de la santé est frappé pour le sous-investissement alors que l’éducation ne parvient plus à faire évoluer positivement l’alphabétisation des habitants ruraux.
Grand pays agricole de la région (grâce aux terres fertiles de la vallée du Nil), l’Égypte est incapable de nourrir sa propre population, la plus nombreuse du monde arabe. Avec la libéralisation économique accélérée sous la présidence Moubarak, le retrait de l’État, la privatisation de l’agriculture au bénéfice d’entreprises tournées vers la seule exportation ont entraîné de graves crises alimentaires se traduisant par des pénuries de pain et de produits de base.
Pourtant, l’Égypte connaît de véritables avancées. L’équipement des ménages s’est considérablement amélioré depuis 10 ans. Il reflète la hausse du niveau de vie, largement tangible depuis le milieu des années 90. La mortalité infantile, bien qu’élevée, est en recul alors même que l’espérance de vie ne cesse d’augmenter et a dépassé les 70 ans. Enfin, l’Égypte compte plus de 20 millions d’internautes et 40 millions d’utilisateurs de téléphonie mobile.
Reste que l’économie égyptienne doit, chaque année, intégrer près de 2 millions de nouveaux arrivants sur le marché du travail, ce qui constitue le coeur de la crise sociale.
En guise de conclusion.
Avec ce rapide tour d’horizon de la situation égyptienne en 3.500 mots, que nous espérons fidèle à la réalité, nous vivons ce qu’est l’islam. Qu’il est vain de s’évertuer à présenter comme une religion réformée. Et dont il est vain de parler comme d’un exercice spirituel à côté de la société civile.
Depuis longtemps, dans son histoire, la France cultive une chaleureuse proximité avec l’Égypte. Ce qui aurait dû nous éclairer sur les turbulences en cours depuis deux ans. Au lieu de la visite précipitée d’un ministre des Affaires étrangères, monsieur Juppé, sur la place Tahrir (Avril 2011). Ce qui montrait à l’évidence qu’il n’avait rien compris à la situation…
C’est une longue et belle histoire – qui se prolonge aujourd’hui… – que celle des relations et de l’amitié franco-égyptienne : de François premier et les « Echelles du Levant », à Champollion, qui a percé le mystère des hiéroglyphes; à Ferdinand de Lesseps, qui a creusé le Canal de Suez; à Boutros Boutros-Ghali, ardent défenseur de la Francophonie…
Dans son excellent fil Gilles Munier nous propose la traduction d’un billet du grand reporter britannique Robert Fisk pour son quotidien The Independent, (lien http://www.france-irak-actualite.com). Il est d’une grande sévérité pour « les maîtres du monde », avec quelques rappels essentiels. Banalité de dire que l’Armée égyptienne est stipendiée par les États Unis. Mais il est peu probable que les grands garçons du Texas et de Chicago aient jamais compris ce qu’est l’islam. En tout cas ce n’est surement pas en leur envoyant des tapis de bombes sur la tête depuis bientôt 25 ans (1990 environ), qu’ils se donnent les moyens de comprendre. Le cherchent ils seulement ?
Autre point : il est de bon ton en France de se rassurer que l’’Armée égyptienne est à l’écart de l’islamisme. On peut en douter, et nous ne serons pas étonnés le jour où un ou des officiers supérieurs de l’institution tomberont sous les balles de «frères» portant l’uniforme …
Vers l’article de Fisk : http://www.independent.co.uk/voices/comment/when-is-a-military-coup-not-a-military-coup-when-it-happens-in-egypt-apparently-8688000.html?origin=internalSearch
Quand cela arrive en Égypte, on ne parle pas de putsch…
Par Robert Fisk (Revue de presse: The Independent – 9/7/13)
Tous ces potentats occidentaux qui nous disent que l’Égypte est toujours sur le chemin de la « démocratie » devraient se souvenir que Morsi a tout de même été élu dans des élections sur lesquelles ils avaient apposé leur tampon.
Pour la première fois dans l’histoire du monde, un coup de force n’est pas un coup de force. L’armée se soulève, dépose et emprisonne un Président démocratiquement élu, suspend la Constitution, arrête les habituels suspects, boucle la télévision et amasse ses blindés dans les rues de la capitale. Mais l’expression « coup d’État », ne doit pas – et ne peut pas – franchir les lèvres de ce faux-cul d’Obama. L’inconsistant secrétaire général des Nations-unies, Ban Ki-Moon, n’a pas plus été capable de prononcer des mots aussi outrageants. Difficile d’imaginer qu’Obama ne soit pas au courant de ce qui se passe. Au Caire, des tireurs isolés ont abattu 15 manifestants cette semaine depuis les toits de la même université où il avait prononcé son « fameux » discours de 2009 à l’adresse au monde musulman.
Cette réticence vient-elle du fait que des millions d’Égyptiens réclamaient ce genre de putsch – ils ne le nommaient pas ainsi, bien sûr – et sont ainsi devenus le premier peuple à se mobiliser pour demander que le coup de force d’aujourd’hui ait lieu ? Obama a-t-il peur de reconnaître officiellement qu’il s’agit d’un coup d’État militaire, parce que cela l’obligerait à imposer des sanctions sur la plus importante nation arabe ayant signé un accord de paix avec Israël ? Ou parce que ceux qui ont concocté et réalisé ce coup pourraient définitivement perdre leur 1,5 milliard de dollars de subventions – plutôt que de souffrir juste un certain retard de paiement – si on décidait d’appeler un chat un chat ?
Parlons maintenant du genre de mémoire historique dont jouit Obama… Dans son minable discours du Caire en 2009 – où il parla du « déménagement » des Palestiniens au lieu de leur« dépossession » – Obama fit le remarquable commentaire qui suit, et qui place les évènements en Égypte aujourd’hui dans une perspective plutôt intéressante. Il y a des dirigeants, disait-il, « qui parlent de démocratie seulement quand ils sont en-dehors du pouvoir. Une fois revenus aux commandes, ils s’empressent de supprimer les droits des autres… Vous devez respecter les droits des minorités, et montrer un esprit de tolérance et porté au compromis. Vous devez placer les intérêts de votre peuple et les procédures politiques légitimes au-dessus de votre parti. Sans ces ingrédients, les élections en elles-mêmes ne permettent pas une véritable démocratie ».
Ce n’est pas ce qu’Obama a déclaré dans les instants qui ont suivi le coup de force qui n’en était pas un. Il prononça ces paroles en Égypte même, il y a à peine 4 ans. Et il ferait mieux de nous expliquer en quoi Morsi a mal agi. Celui-ci a poussé ses collègues des Frères musulmans à se comporter plutôt comme des maîtres que des serviteurs du peuple. Il n’a manifesté aucun souci de protéger la minorité chrétienne en Égypte, et il a fait enrager l’armée en participant à un meeting de la Confrérie où l’on demandait aux Égyptiens de se joindre à la guerre sainte en Syrie pour tuer des musulmans chiites et abattre le régime de Bachar al-Assad.
Et il y a un fait marquant dans les évènements des dernières 48 heures en Égypte. Personne n’est plus ravi – ni plus satisfait ni plus persuadé de la justesse de son propre combat contre les « Islamistes » et les « terroristes » — qu’Assad. L’Occident s’était juré de détruire Assad – mais ne fait absolument rien quand l’armée égyptienne chasse du pouvoir son Président démocratiquement élu alors que celui-ci s’aligne sur les opposants islamistes du même Assad. L’armée qualifie les partisans de Morsi « de terroristes et de fous ». Mais n’est-ce pas l’exacte façon dont Assad qualifie ses ennemis ? Qu’importe qu’Assad nous ait dit hier que personne ne doit exploiter la religion pour arriver au pouvoir. Et que personne ne rigole…
Mais ceci n’autorise pas Obama à botter en touche. Ces dirigeants occidentaux qui nous disent avec une hypocrisie candide que l’Égypte est toujours sur le chemin de la « démocratie », qu’il s’agit d’une période « intérimaire » – comme celle qui est maintenant concoctée par les militaires – et que des millions d’Égyptiens approuvent ce putsch qui n’en est pas un. Ils devraient cependant se souvenir que Mosri a tout de même été élu dans des élections validées par l’Occident.
Il est vrai qu’il a gagné avec 51 % des voix – voire 52 %. Mais George W. Bush avait-il réellement remporté sa première élection présidentielle ? Et Morsi disposait d’un soutien populaire certainement plus large que celui dont bénéficie David Cameron. Nous pouvons alors dire que Morsi a perdu son mandat quand il a cessé d’honorer ses engagements vis-à-vis de sa majorité en voulant servir la majorité des Égyptiens. Mais cela signifie-t-il que les armées européennes doivent prendre le pouvoir lorsque les Premiers ministres européens tombent en-dessous de 50 % dans les sondages ? Et tant que nous y sommes, les Frères musulmans doivent-ils être autorisés à participer à de prochaines élections ? Et s’ils y participent, qu’arrivera-t-il si leur candidat gagne à nouveau ?
Dans tous les cas, Israël doit être content. Il sait reconnaître un putsch lorsqu’il en voit un – et il peut nous rejouer maintenant la comédie de la seule « démocratie » au Moyen-Orient, grâce au genre de voisins qu’il affectionne : des militaires au pouvoir. Et si les faiseurs de roi de l’armée égyptienne empochent 1,5 milliard de dollars par an venant de Washington -même si cette fois-ci, ce sera peut-être avec un peu de retard – ils ne vont assurément pas remettre en cause leur traité de paix avec Israël, aussi impopulaire que soit ce traité auprès des Égyptiens pour lesquels ils sont censés avoir fait leur putsch qui n’en est pas un. Guettez maintenant la première délégation US qui se rendra en Égypte. Nous saurons à ce moment-là ce qu’ils croiront ou non de ce putsch, grâce aux explications fournies par les copains à qui ils rendront visite dès leur arrivée au Caire. Je veux parler de l’armée, bien sûr.
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