Voici, aujourd’hui, sous forme numérique, le carnet de chants dont nous parlions, ici, il y a quelques temps, sous le titre Vers un Folk-Song traditionaliste ?
Les anciens, des années 1970 et suivantes, y retrouveront, simplement, la matière de leurs veillées, de leurs repas, de leurs rencontres d’autrefois. Souvent, ils connaissaient ce vaste répertoire – le connaissent encore – presque entièrement par cœur.
Mais, surtout, nous mettons ce carnet à la disposition des jeunes d’Action française d’aujourd’hui, s’il peut encore leur être utile. Il n’est pas indifférent, nous semble-t-il, que la connaissance, la pratique de ces chants, du moins les plus beaux, soient transmises et maintenues.
Nous avons conservé à ces pages militantes leurs imperfections d’origine, caractéristiques des techniques de l’époque (1972) : maquettes papier, stencils électroniques, tirage à la ronéo … Traits tordus, lettres baveuses, transparences : on ne s’en étonnera pas. Mais par delà tout cela, de très anciens refrains se sont trouvés ainsi ressuscités ; les illustrations sont choisies avec goût ; les textes sont beaux, parfois superbes ; l’ensemble à l’image des multiples talents de l’auteur de ce travail.
Les chants eux-mêmes sont de qualité inégale ; certains s’expriment avec la violence propre à leur époque ; nous n’en reprendrions pas aujourd’hui tous les termes, toutes les outrances ; mais ils reflètent une histoire, des luttes et, même, des illusions passées ; d’autres sont purement de circonstance, sans valeur pérenne : sauf pour l’anecdote, leur intérêt est passé ; il reste les très beaux chants puisés aux sources de la Tradition, celle qui demeure. « La fuente permanece » disent nos amis espagnols. Chacun, dans ce très grand nombre de chants (autour de 80), fera le tri de ceux qui ressortent de cette permanence française.
Signalons, enfin, que cet épais carnet de 115 pages est bourré de citations qui ajoutent à l’épaisseur historique, politique, française des plus beaux de ces chants et les relient, précisément, à notre tradition. On aura grand intérêt à les lire, à les graver dans nos mémoires.
Liens
Vers un Folk-Song traditionaliste ?
(Peut être téléchargé et imprimé)
Merci! C’est génial.
Carnet de chants composé par Patrice de Plunkett en 68/69.
Bien-sûr. Ce fut une époque où les militants avaient l’intelligence, le goût et le sens esthétique de l’action. Lafautearousseau n’a que le mérite d’avoir numérisé ce travail, de l’avoir rafraichi juste ce qu’il faut et de l’avoir lancé sur la toile, ce qui n’est déjà pas si mal. J’observe que le site de l’URBVM l’a diffusé à son tour et le CRAF aussi, via l’URBVM. Ce qui importe c’est, en effet que ce carnet soit maintenant disponible pour tous, sur le Net. Notamment pour les jeunes qui seront capables de reprendre le flambeau, à leur manière et pour cette (triste) époque. Je suis en effet de ceux qui considèrent que la musique, le chant, les chants repris en groupe, ne sont pas chose secondaire ou indifférente.
Sur la véritable noblesse, la véritable dimension du chant, l’on pourrait utilement se reporter à ce qu’en a dit magnifiquement, à propos du chant religieux, le pape Benoït XVI, au Collège des Bernardins. Rarement, l’éloge de la musique et du chant aura été prononcé avec autant de profondeur que par ce Pape, lui-même musicien. Nos chants ne se situent certainement pas à la même altitude que ceux des moines de Saint Benoît ou de Saint Bernard ! Mais, toutes proportions gardées, tout chant, toute musique peuvent s’apprécier à l’aune de l’analyse de Benoît XVI. Certes, sa réflexion chemine intégralement dans une perspective chrétienne. Mais le Pape n’oublie pas « la tradition platonicienne » et l’idée même de « chanter pour s’unir à la musique des esprits sublimes qui étaient considérés comme les auteurs de l’harmonie du cosmos, de la musique des sphères » peut être comprise aussi par ceux qui ne s’associeraient pas à la perspective chrétienne. « la culture du chant » prise comme « une culture de l’être » – de l’être en communauté – est une notion qui me semble pouvoir être comprise de tous.
Je retranscris donc, ici, ce long mais très beau passage de la conférence de Benoît XVI aux Bernardins, sur la musique et le chant :
« Les Psaumes contiennent en plusieurs endroits des instructions sur la façon dont ils doivent être chantés et accompagnés par des instruments musicaux. Pour prier sur la base de la Parole de Dieu, la seule labialisation ne suffit pas, la musique est nécessaire. Deux chants de la liturgie chrétienne dérivent de textes bibliques qui les placent sur les lèvres des Anges : le Gloria qui est chanté une première fois par les Anges à la naissance de Jésus, et le Sanctus qui, selon Isaïe 6, est l’acclamation des Séraphins qui se tiennent dans la proximité immédiate de Dieu. Sous ce jour, la Liturgie chrétienne est une invitation à chanter avec les anges et à donner à la parole sa plus haute fonction. À ce sujet, écoutons encore une fois Jean Leclercq : « Les moines devaient trouver des accents qui traduisent le consentement de l’homme racheté aux mystères qu’il célèbre : les quelques chapiteaux de Cluny qui nous aient été conservés montrent les symboles christologiques des divers tons du chant » (cf. ibid., p. 229).
Pour saint Benoît, la règle déterminante de la prière et du chant des moines est la parole du Psaume : Coram angelis psallam Tibi, Domine – en présence des anges, je veux te chanter, Seigneur (cf. 138, 1). Se trouve ici exprimée la conscience de chanter, dans la prière communautaire, en présence de toute la cour céleste, et donc d’être soumis à la mesure suprême : prier et chanter pour s’unir à la musique des esprits sublimes qui étaient considérés comme les auteurs de l’harmonie du cosmos, de la musique des sphères. À partir de là, on peut comprendre la sévérité d’une méditation de saint Bernard de Clairvaux qui utilise une expression de la tradition platonicienne, transmise par saint Augustin, pour juger le mauvais chant des moines qui, à ses yeux, n’était en rien un incident secondaire. Il qualifie la cacophonie d’un chant mal exécuté comme une chute dans la regio dissimilitudinis, dans la ‘région de la dissimilitude’. Saint Augustin avait tiré cette expression de la philosophie platonicienne pour caractériser l’état de son âme avant sa conversion (cf. Confessions, VII, 10.16) : l’homme qui est créé à l’image de Dieu tombe, en conséquence de son abandon de Dieu, dans la ‘région de la dissimilitude’, dans un éloignement de Dieu où il ne Le reflète plus et où il devient ainsi non seulement dissemblable à Dieu, mais aussi à sa véritable nature d’homme. Saint Bernard se montre ici évidemment sévère en recourant à cette expression, qui indique la chute de l’homme loin de lui-même, pour qualifier les chants mal exécutés par les moines, mais il montre à quel point il prend la chose au sérieux. Il indique ici que la culture du chant est une culture de l’être et que les moines, par leurs prières et leurs chants, doivent correspondre à la grandeur de la Parole qui leur est confiée, à son impératif de réelle beauté. De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de Le chanter avec les mots qu’Il a Lui-même donnés, est née la grande musique occidentale. Ce n’était pas là l’œuvre d’une « créativité » personnelle où l’individu, prenant comme critère essentiel la représentation de son propre moi, s’érige un monument à lui-même. Il s’agissait plutôt de reconnaître attentivement avec les « oreilles du cœur » les lois constitutives de l’harmonie musicale de la création, les formes essentielles de la musique émise par le Créateur dans le monde et en l’homme, et d’inventer une musique digne de Dieu qui soit, en même temps, authentiquement digne de l’homme et qui proclame hautement cette dignité ».