En une interminable litanie, la presse se complaît à égrener les noms des diverses « personnalités » par qui le scandale serait arrivé ou pourrait arriver. Pour le seul mois de juin, sans prétendre à l’exhaustivité, et dans l’ordre alphabétique : MM. Balladur, Cahuzac, Guéant, Moscovici, Richard, Sarkozy, Strauss-Kahn, Tapie… et même Mmes Bettencourt et Lagarde. Ces gens-là ne sont sans doute pas tous corrompus, mais comment faire comprendre à tous les indignés potentiels ou avérés que c’est grande naïveté de s’être imaginé qu’ils devraient et pourraient tous être incorruptibles. Rappelons-nous aussi que le seul à qui l’on a accolé l’adjectif a laissé une indélébile trace de sang dans l’histoire de France.
Dans ce contexte, certains commentateurs ont su faire preuve de bon sens. Ainsi, M. Zemmour souligne que les mêmes qui n’avaient pas de mots assez durs pour condamner un Strauss-Kahn immoral, se sont accordés à saluer sa toute récente prestation doctorale devant le Sénat – alors qu’il persiste dans des analyses mondialisantes dont le F.M.I. lui-même reconnaît aujourd’hui que la plupart ont conduit à des conclusions erronées et dangereuses. Ce qui est donc inquiétant, ce ne sont pas les frasques sexuelles de M. Strauss-Kahn, c’est que ce monsieur ait été à la tête du F.M.I. Quant à M. Pivot, qui pensait peut-être ne pas aller au-delà d’un bon mot (en l’occurrence, son néologisme « cahuzaquer »), on l’a entendu rappeler que les braconniers font les meilleurs gardes-chasse, et qu’ainsi avoir fait de M. Cahuzac le responsable de la lutte contre la fraude fiscale était une excellente idée. Et c’est sans doute vrai, tant la morale a si peu à faire avec l’efficacité politique !
Mais certains ont su se montrer opportunistes. Qui, désormais, ne connaît M. Filoche ? Cet éminent membre du Parti socialiste (après l’avoir été de l’UNEF, de la C.G.T., de l’U.E.C., du P.C.F. et de la L.C.R.), s’est acquis une réputation de « pur » lorsque, parlant à chaud de M. Cahuzac à la télévision, il s’est montré, tel un enfant effaré de ce qui lui arrive, incapable de retenir ses larmes. Vraie (ce qui en ferait un grand niais) ou feinte (vu ses engagements politiques successifs) son indignation a pu « persuader » ceux qui confondent politique et bons sentiments mais certainement pas « convaincre » ceux qui ont compris qu’on ne fait pas « de bonne politique » avec de (vrais ou faux) bons sentiments.
Ce qui donne la nausée, ce n’est pas l’immoralité de certains comportements, c’est plutôt la surdose de moraline. Il est lassant, mais jamais tout à fait inutile, de se répéter : les hommes sont ce qu’ils sont et la volonté de les transformer n’a jusqu’à présent rien changé (ou si peu) à leur nature. La conséquence politique de ce constat est la nécessité d’avoir des institutions qui mettent, autant que faire se peut, l’Etat au-dessus des passions individuelles et des ambitions partisanes. A défaut, on ne peut que s’indigner ou sangloter – ou faire semblant.
Illustration : Saint Just, « Une nation ne se régénère que sur des monceaux de cadavres…. ». Tout « ça », pour « ça » ?…
L’enflure du discours sur la morale confirme seulement que la
morale ne va plus de soi et que les valeurs partagées sur lesquelles elle prenait appui sont en voie de désagrégation. Et comme ce sont toujours les règles qu’on respecte le moins qui ont besoin d’être formellement énoncées avec le plus de force, on pourrait aussi bien dire que les codes moraux apparaissent surtout chez les peuples non moraux, et que les impératifs catégoriques surgissent dans les époques les moins morales.
D’autre part, l’irruption de la morale en politique a pour effet de légitimer la diabolisation de l’adversaire, qui devient de la sorte une figure du mal, c’est-à-dire un ennemi absolu. Et comme la violence est l’un des risques de la politique, puisque celle-ci implique le conflit, la politisation de l’éthique conduit tôt ou tard à faire de la violence l’instrument d’une morale. La vertu obligatoire débouche sur la terreur. En fin de compte, la prétention « morale » manifeste surtout l’ambition démesurée d’une faction politique de légitimer ses intérêts spécifiques en prétendant incarner le bien. La nausée n’est pas loin.
L’absence de la morale est liée à la déchristianisation de la France(et de l’europe).C’est j’ai le pouvoir et je fais ce que je veux:tout est faussé.ce qui était valable hier,ne l’est plus aujourd’hui:c’est du »jetable »comme l’économie,en autre.
» c’est un grand danger pour la société » disait Rivarol » que les méchants ne soient plus hypocrites »
Je ne suis pas loin de penser la même chose et sans bien entendu plaider pour un monde de voyous je crois que ce grand étalage de « transparence » n’est qu’une entreprise à se foutre du monde,
chacun faisant comme d’habitude sa petite cuisine main sur le coeur et yeux dans les yeux . Tant qu’ils ne seront pas responsables de leurs actes et ne paieront pas leurs erreurs les élus travailleront pour leur carrière et non le pays donc les renvois d’ascenseur les magouilles électorales et le besoin de préserver leurs arrières les obligeront à des manoeuvres pas toujours nettes.
Exiger tout soudain d’être gouverné par des enfants de choeur est totalement irréaliste il faudrait modifier la constitution.
Nous n’avons malheureusement pas affaire à des politiques mais à des politiciens .