C’est peu de dire que « ça bouge », en Egypte : 14 millions de personnes dans les rues du pays, contre le président récemment élu !…
Les 18, 19 et 20 juin derniers, Champsaur nous a proposé une analyse approfondie et fort documentée : Egypte : Islamisation ou chaos. Ou les deux ( à lire ou relire ici : partie I, partie II, partie III). Il y expliquait entre autre, pour ceux qui l’ignoraient, la « première manche » gagnée par le Président sur l’armée, mais la seconde gagnée par l’armée sur le Président…
Or, voici qu’à peine une semaine après, le 25 juin, France info dresse un « état des lieux », publie sur son site une très intéressante et très complète « page » d’information, et donne la parole – entre autres… – à Vanessa Descouraux : le tout vient confirmer, en tous points, ce qu’écrivait Champsaur dans ces colonnes, une semaine avant : le rapprochement s’impose, et il est instructif…
Et, le lundi 1er juillet, après l’imposante manifestation de rue et l’ultimatum lancé au président Morsi, France info diffusait des commentaires confirmant ceux du 25 juin…
Dans les rues de toute l’Egypte, ils ont été 14 millions, comme lui !….
1 : sur France info, la « page » du mardi 25 juin :
2 : sur France info, la « page » du lundi 1er juillet :
http://www.franceinfo.fr/monde/egypte-l-opposition-lance-un-ultimatum-a-morsi-1048523-2013-07-01
Les affaires d’Egypte nous intéressent, cela va de soi et, de ce point de vue, les notes rédigées par Champsaur ont été extrêmement intéressantes.
Mais sous quel angle nous intéressent-elles surtout ? Celui des intérêts de la France, évidemment. Et je dirai, exclusivement. N’allons donc pas nous ingérer dans les affaires de ce grand pays au nom de principes religieux ou moraux, ou droitsdelhommistes, d’ailleurs parfaitement inopérants. N’allons pas « juger » de ce qui ne nous regarde pas, par exemple au nom de la « liberté de la presse » ou de celle des « journalistes » jacassants, dont nous devrions savoir, ici, ce que cela vaut … Quant à la perspective d’une « alternative démocratique » dont rêvent éveillés les médias et les « journalistes » que vous citez, simplement, elle prête à rire…
De fait, depuis le renversement du roi Farouk, l’Egypte n’a pu être réellement gouvernée que par des militaires, ce qui ne l’a pas sortie de sa misère, mais lui a garanti au moins un minimum d’ordre et une vie de tous les jours « vivable ». Nasser, Sadate, Moubarak n’étaient rien d’autre que des officiers de l’armée égyptienne. Ils ont gouverné leur pays, parfois avec panache, sinon avec succès ; leur politique, parfois, ne contredisait pas les intérêts de la France, parfois ce fut l’inverse.
Il semble bien que les militaires qui pourraient, aujourd’hui, reprendre la main et sauver leur pays de l’anarchie, sont dans la stricte dépendance de leurs homologues américains. Ils feront donc une politique qui servira les intérêts des Etats-Unis. Et ces intérêts-là ne sont pas du tout les nôtres.
Les media pressés et simplificateurs font comme s’il y avait une barrière étanche entre l’Armée et l’islam. Qu’il s’appelle islamisme ou salafisme ou Frères musulmans. On peut en douter.
Et aussi Gérard POL rappelle opportunément qu’il n’y pas d’armée égyptienne sans les États-Unis. Et donc même s’ils n’apparaissent pas (comme ils en ont pris la technique sous Obama) ils sont évidemment, sinon aux commandes, du moins dans l’ombre des évènements.
Fausse accélération de l’Histoire.
Les musulmans, c’est à dire 70 millions des habitants sur 82 millions, ont pour religion, l’Islam. Tout simplement.
Le jour où la charia sera écartée des lois de l’Etat, et où les coptes retrouveront une place décente sans être persécutés, nous pourrons parler d’une révolution. Pour l’heure le cours des évènements est à 180 degré de ce programme.
Par curiosité j’ai passé un peu de temps devant ma lucarne magique en suivant plusieurs débats. Je passe sur les chaines anglophones, CNN, BBC World et Skynews. Pour ne critiquer que France 24 et C dans l’Air. La première donne désormais toute sa mesure sous la direction de l’apparatchik du PS, dame Saragosse. Les invités de leurs plateaux sont du plus haut intérêt et leurs analyses méritent d’être écoutées, même si l’on est quelque fois en profond désaccord. Mais au moins s’agit il de commentateurs ayant la connaissance des pays parce qu’ils en sont originaires.
En revanche les meneurs de débats sont affligeants. Réagissant selon une grammaire binaire simpliste, nous avons droit à la déclinaison de la «démocratie», dont le nombre de cas est hélas pour eux, très limité … C’est Aude Lechrist sur F 24, totalement incompétente à l’international, ce fut Axel de Tarlé sur la 5, ultrasimpliste dans ses questions et vraiment décevant.
L’islam et la démocratie ! Un programme à venir … Nous avons eu droit aussi à l’intellectuel de passage, un certain Jean-Paul Gourevitch (lien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Gour%C3%A9vitch). Lui, a identifié un islam du sud (de la Méditerranée), et un islam du nord (sous entendu celui qui envahit l’Europe, la France surtout), très modéré (!) qui cherche à s’installer chez Montesquieu et Voltaire (c’est moi qui traduit). Ce monsieur a certainement une grande connaissance de l’islam! Notre pauvre pays est vraiment parti à beaucoup souffrir …
L’armée égyptienne n’est pas dans les mains du Pentagone.
C’est plutôt Le Caire qui tient Chuck Hagel par les joyeuses, ce qui explique la pension annuelle d’un milliard et demi payée par les Etats-Unis, qui sera versée contre vents et marées.
L’Egypte et la Jordanie sont les deux seules garanties de paix d’Israël.
Qui paie commande selon le vieil adage dont se nourrissait feu Raymond Bourgine. Les militaires égyptiens ne sont pas en mesure d’imposer quoi que ce soit aux Américains. Quant aux Israéliens ils n’ont d’autres choix que de regarder, inquiets, ce qui se développe à leurs portes, dans tous les azimuts. Noyés dans une démographie arabo musulmane galopante. Bientôt cent ans nous séparent de la déclaration Balfour. Il ne s’écoulera pas cent autres années avant que cette création artificielle ne disparaisse. Les juifs le savent. Bernard Lugan avance que les États Unis redistribuent complètement leurs cartes. En particulier en réévaluant les réserves en énergies fossiles. Depuis avant-hier toutes les déclarations de l’administration sur les télés américaines font état de «l’intérêt des États Unis». Qu’ils ne cessent de se tromper dans les chevaux qu’ils choisissent est une autre histoire et n’est pas nouveau. Leur soutien aux Frères musulmans était une ânerie. Très regrettable qu’on les ait suivis.
Comme les évènements sont très compliqués, la tentation est grande de beaucoup simplifier. C’est ainsi que le Fig de ce matin nous dit que les États Unis viennent de subir une véritable humiliation parce que l’homme fort de l’Égypte aujourd’hui, le chef d’état major Al-Sissi a refusé de prendre Obama au téléphone. Et sans plus de vérification ce scoop est parti en boucle sur les ondes. Sans la moindre critique de l’invraisemblance d’une telle histoire. On imagine le subtil Obama cherchant à joindre au téléphone le patron de l’Armée égyptienne, par-dessus la tête de l’administration en place, même fantoche ! La réalité est que cette fable sort d’un media séoudien, et il y a beaucoup de raisons pour Ryad d’agir ainsi. Que les Américains sortent ridicules de l’aventure Morsi, ne les empêchera pas de continuer à défendre leur imperium, avec cynisme et arrogance. Aucune armée de la région ne peut se permettre de leur dire de partir. D’ailleurs leur engagement au côté des «Frères» est déjà oublié et en Occident, seules s’élèvent les voix contre la confrérie. Là encore c’est très sommaire et ne rend pas compte de l’espoir qu’avait suscité l’arrivée au pouvoir de cette organisation. Qui n’a rien fait pendant deux ans alors que 40 millions d’Égyptiens vivent avec 2 $ par jour. N’oublions pas que ce que vient de faire l’Armée s’appelle un coup d’état … Ce serait très cocasse de pouvoir lire les dépêches de notre ambassade depuis deux ans. Les déclarations de Fabius et de l’Élysée s’en inspirent ?
Tout ceci est très vrai mais si l’armée égyptienne lève tous ses contrôles au Sinaï, le Neguev deviendra un enfer et le port stratégique d’Eilat opérera sous procédures de guerre, ce qui signifie que les armements non-israéliens s’en détourneront.
Ceci sans prendre en compte le gage de grande valeur que constitue le canal de Suez. On l’oublie toujours.
Quand vous avez fait le tour, vous voyez que la main n’est pas au Pentagone.
Et si pour des raisons diverses (dissolution de l’Autorité palestinienne), la Jordanie se retirait de l’alliance objective, alors cela irait très mal quelque soit le voeu des Américains.