Début juillet, on apprend que les Européens, et plus particulièrement les Français, sont furieux d’avoir été l’objet de l’espionnage américain : on parle de « rupture de confiance », voire de « crise politique sérieuse ». M. Obama, tout en relativisant, reste ferme sur le fond : les Européens font la même chose – ce qui semble avéré – et les agences américaines de renseignement continueront leurs activités – ce qui est naturel. Les choses auraient pu en rester là.
Cependant, pensant y voir une opportunité, non pour la France mais pour l’Europe, M. Hollande souhaite publiquement que les Européens adoptent une position commune sur la question. Or, il se trouve que sont prévues, à compter du 8, des négociations transatlantiques sur les méthodes de renseignement. De fait, les Européens auraient beau jeu de menacer de suspendre les accords donnant accès aux données sur les voyageurs et les virements bancaires. Malheureusement, cette menace risque de faire long feu, le compromis de façade masquant mal les divergences de fond – notamment entre la France et l’Allemagne, toujours très atlantiste.
Pourtant, lorsque M. Snowden, l’ex-agent de la N.S.A., demande l’asile politique à divers pays européens, la position commune est immédiate, les principaux pays de l’Union (France, Allemagne, Italie et Espagne) faisant savoir que la demande est rejetée. Certains, dont la France, vont jusqu’à interdire le survol de leur territoire à l’avion du président bolivien, soupçonnant la présence à bord de M. Snowden. Renseignement faux (!), mais psychodrame diplomatique, conclu un peu légèrement par M. Fabius qui évoque un « contretemps » et fait part de ses « regrets » à des chancelleries sud-américaines furieuses. Tout le monde comprend que Washington a fait pression sur les Européens, résolvant par là même les affres unitaires de M. Hollande.
L’occasion était pourtant belle de manifester, sans grand risque, quelques velléités d’indépendance. Et d’arriver en position de force aux négociations de Washington. Encore eût-il fallu que la France se décidât par elle-même. Oui, nous aurions peut-être dû accueillir ce M. Snowden. D’autres, en d’autres temps ont su faire preuve de fermeté : M. Pasqua expulsant cinq diplomates-espions étatsuniens en 1995 ou, mieux, De Gaulle quittant le commandement intégré de l’OTAN en 1966 – sachant bien que la fermeté affichée à leur égard peut constituer le meilleur garant de la solidité du lien susceptible de nous unir aux Américains.
M. Monnet assignait secrètement comme fonction première à l’Europe, ou plutôt à l’Union européenne, d’être une entreprise de contrôle et de domination au service des Etats-Unis d’Amérique. Nous sommes peut-être en train de vivre, avec M. Barroso, autre agent américain supposé, un énième épisode du mauvais et interminable feuilleton qui en est résulté.
A la relecture de cette excellente réflexion, il me semble donc avéré que, dans cette affaire, comme, aussi, par exemple, dans l’affaire syrienne ou iranienne, le plus « européen » des chefs d’Etat de notre continent – voire le seul – est précisément celui qui se trouve à la tête d’un grand pays ne faisant pas partie de l’Union européenne. Je pense bien-sûr à Vladimir Poutine.
Une union hétéroclite d’Etats ne peut pas avoir de politique étrangère propre, autre que celle qui lui est dictée d’ailleurs et qui sert d’autres intérêts que les siens. C’est bien ce que nous voyons.
Outre que Poutine est d’une autre trempe que les dirigeants falots des Etats d’Europe occidentale et, même, d’une autre trempe que Barak Obama, il dirige un grand pays libre, souverain et patriote.
La puissance et la souveraineté des Etats ne déclinent pas partout !