Boulevard Voltaire vient de publier quelques réflexions d’Alain de Benoist sur les suites des Manifs pour tous. Elles ont provoqué réactions et polémiques.
En plusieurs points, pourtant, elles nous semblent poser de justes questions. C’est pourquoi nous les publions.
Alain de Benoist a, sur les participants des Manifs pour tous, des mots qui peuvent blesser. Son regard sur les Chrétiens et le christianisme en général y est sans-doute pour quelque chose. Ces mots, nous ne les faisons pas nôtres. Il n’est pas commun – Alain de Benoist ne l’ignore pas – d’être capable de mobilier des foules voisines du million pour une cause quelconque ! Et il n’est pas question de nier la réalité de leurs efforts, de contester leur mérite pour les avoir accomplis.
Mais que dit-il d’important ? Que dit Alain de Benoist que les gens d’Action française devraient être les premiers à se dire et faire savoir ? Tout simplement que faute d’une pensée politique ou sociale globale, une pensée sur la Cité, les Manifs pour tous n’auront pas les suites, les résultats que l’on pourrait en attendre. « On ne fait pas une révolution, dit-il, quand on n’a ni programme ni conception du monde à proposer » : il a raison.
Des bonnets phrygiens, ce n’était vraiment pas ce qu’il fallait …
Les gens d’Action française, les royalistes, ont eu raison de participer aux Manifs pour tous, y compris à leur encadrement, et de le faire avec discrétion. Mais, parallèlement, ils doivent, nous devons tous, savoir et faire savoir qu’ils n’ont pas pour seule ou principale vocation d’en être les « supplétifs ». Cette « pensée globale » dont nous parlons, qui, en effet, a manqué aux Manifs pour tous, cette pensée « alter révolutionnaire », politique et métapolitique, qui manque à tous les partis politiques, l’Action française la propose depuis un certain temps déjà… La porter plus haut, plus fort, plus sérieusement qu’elle ne le fait aujourd’hui, ce devrait être son – notre – objectif premier.
Pour le reste, Alain de Benoist parle en militant expérimenté, d’un temps où militer était un engagement de tous les jours, … de toutes les nuits, et où le militantisme englobait, cumulait toutes les formes de l’action, les plus humbles et toutes les autres…
Son militantisme – ou plutôt l’objet de son militantisme – était, est, différent du nôtre. Le nôtre ce devrait être, tout simplement, de refaire une grande et puissante Action française.
On ne fait pas la révolution avec des gens bien élevés !
Le 15 juillet 2013
Alain de Benoist
Intellectuel, philosophe et politologue.
Indubitablement, la Manif pour tous a suscité de nouvelles formes de protestation, à base de réseaux sociaux, à l’instar d’autres « printemps » ou de « révoltes » tout aussi informelles, tels les « Indignés » ou les « Occupy Wall Street ». Quelles leçons en tirer ?
La Manif pour tous a été un grand succès et un incontestable échec. Le succès d’abord : ce n’est pas tous les jours que l’on parvient à mobiliser un million de personnes des deux sexes et de tous âges. Personnellement, j’aurais préféré en voir dix millions protester contre la dictature des marchés financiers et le crétinisme de la marchandise (on peut toujours rêver), mais ce n’est là qu’une opinion personnelle. D’une façon générale, on doit toujours soutenir le peuple quand il descend dans la rue pour une raison ou une autre (le mariage homo à Paris, l’augmentation du ticket de bus à São Paulo, un projet de destruction d’un espace vert à Istanbul), que ce soit en France, au Brésil, en Turquie, en Égypte ou ailleurs. C’est le plus sérieux indice du ras-le-bol. Un autre aspect positif, c’est l’apparition, en marge des manifestations, d’un certain nombre de modes de protestation originaux et inédits (les Hommen, les Veilleurs debout, etc.), qui ne se ramènent pas à une simple affaire de réseaux sociaux.
L’échec n’en est pas moins évident : la Manif pour tous n’a tout simplement pas obtenu ce qu’elle voulait, à savoir empêcher l’adoption de la loi autorisant le mariage gay. Comme cet échec était prévisible, quoi qu’en aient pu dire les naïfs, une stratégie alternative s’imposait. On n’en a pas vu l’ombre. Tout ce à quoi l’on a assisté, c’est au sommet à des crêpages de chignons et à la base des proclamations du genre « On ne lâchera rien ». Mais lâcher quoi ? Quand on n’a rien obtenu, il n’y a rien à lâcher. Alors, on harcèle, on houspille, on fait siffler les oreilles du chef de l’État le 14 juillet, autant dire pas grand-chose. On rêve d’un « sursaut national » (hop, un sursaut !), comme on le fait depuis plus d’un siècle. Pour le « Printemps français », on repassera. La droite, de ce point de vue, ne changera jamais. Plus réactive que réflexive, elle ne sait marcher qu’à l’enthousiasme ou à l’indignation. Déterminer une stratégie révolutionnaire est au-delà de ses forces.
Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans la nébuleuse anti mariage pour tous ? Son homogénéité sociale ou ethnique ? Son discours politique attrape-tout ? Ou sa réticence à renverser la table ? Bref, avons-nous affaire à de véritables révolutionnaires ?
À des contre-révolutionnaires, plutôt. C’est-à-dire à des gens qui laissent régulièrement passer les trains pour ne pas faire la « politique du pire ». La plus grande erreur des organisateurs de la Manif pour tous a été d’accepter docilement de ne pas envahir les Champs-Élysées quand un million de personnes étaient prêtes à le faire. Débordant la simple réponse aux antifa(mille), la Manif pour tous aurait alors pu prendre une véritable dimension insurrectionnelle. Ce qui aurait au moins empêché la police de truquer les images et les chiffres. Mais on ne fait pas la révolution avec la « France tranquille » des pousseurs de poussettes et des gens bien élevés. On ne fait pas une révolution quand on n’a ni programme ni conception du monde à proposer. C’est pourquoi, plutôt que de chercher à renverser le pouvoir, on est allé chercher le soutien de Raffarin et de Copé. Dès lors, la messe était dite. La Manif pour tous a éveillé des consciences, elle n’a pas structuré les esprits.
Pas de semblant de révolution sans quelques martyrs. Là, ce fut Nicolas Bernard-Buss. Sa peine de prison était évidemment disproportionnée, mais l’émotion de ses défenseurs ne l’était-elle pas un peu également ? Comme si le vide du pouvoir allait de pair avec le flou des revendications des manifestants ?
On a bien entendu eu raison de protester contre l’incarcération du jeune Nicolas, et contre la généralisation du deux poids, deux mesures. Le mécanisme est d’ailleurs bien rodé. Il suffit de traiter les gêneurs de « fascistes » pour permettre la mise en œuvre du programme, que Laurent Joffrin proposait en toute bonne conscience dans Le Nouvel Observateur du 13 juin dernier, de « réserver aux fascistes (…) la vigilance quand ils se taisent, la dénonciation quand ils parlent, la prison quand ils agissent ». Vigilance-dénonciation-prison : un triptyque à retenir. À ce compte-là, quand Mélenchon traite François Hollande de « capitaine de pédalo », on finira par y voir des allusions homophobes ! Cela dit, on peut protester énergiquement sans tomber dans le délire ou la paranoïa. Dire que Nicolas sera « traumatisé à vie » pour avoir fait trois semaines de taule n’est pas flatteur pour lui : je l’espère quand même capable d’en voir d’autres ! Je reçois régulièrement des courriels affirmant que nous vivons aujourd’hui quasiment dans un régime totalitaire soviétique, ce qui est un peu ridicule (tout courriel comportant des séries de points d’exclamation va chez moi immédiatement à la poubelle). Certains devraient se souvenir que, dans bien des pays, quand on est gardé à vue, on a aussi de bonnes chances d’être tué, torturé ou violé. On n’en est pas encore tout à fait là.
Beaucoup de participants de la Manif pour tous, à commencer par la petite bourgeoisie catholique (la « Génération JMJ ») qui en constituait les plus gros bataillons, manifestaient pour la première fois. Il leur en est resté le souvenir d’une excitation qui va de pair avec une certaine ingénuité. Ils déclarent fièrement qu’ils ont été « gazés », comme s’ils avaient eu à respirer du gaz sarin ou du Zyklon B. Pour ma part, j’ai dû prendre dans ma vie une bonne trentaine de giclées de lacrymogène dans la figure sans y voir autre chose que la conséquence logique de ma présence dans une manifestation ! Au moins ces néophytes ont-ils découvert que les gentils policiers « qui sont là pour nous protéger » savent aussi se servir de la matraque. Si cela leur a permis de comprendre que lorsqu’on s’attaque à l’ordre en place (qui n’est le plus souvent qu’un désordre établi), les forces de l’ordre sont des forces ennemies, ce sera toujours cela de pris.
Je partage le pronostic d’A2B sur la stratification de LMPT faute de conceptualisation plus globale et de stratégie active. Le test sera lors des élections européennes (à la proportionnelle) : est-ce que le ressentiment de la classe moyenne traditionnelle précipitera en un mouvement social de contre-évolution ou restera-t-il un poujadisme dévot ?
Pour le moment, voir cette classe sociale arborer pour emblème de liberté le bonnet phrygien du billet de 100 francs-Delacroix me laisse croire que la « propagande » de notre bord est inaboutie.
Y a-t-il une ou des raisons ?
A2B
la dernière phrase à sauté :
A2B pourrait prendre sa part dans cette stérilisation.
Alain de Benoist a raison. Certains d’entre nous ont connu et pratiqué dans leur jeunesse un militantisme qui se refusait à toute limite. A l’époque, il nous paraissait inconcevable de ne pas être au service de l’AF sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Nous donnions beaucoup de nous-mêmes mais, reconnaissons-le, cela nous faisait un immense plaisir. Nous aussi avons été gazés, matraqués, gardés à vue, sans que personne ne s’en plaigne, au contraire.
Quant à cette jeunesse des beaux quartiers qui semble découvrir tout ça, elle se réveille peut-être un peu tard. A force de « Vatican 2, de mai 68, de bobos, de ploutocrates, de JMJ, de religion pratiquée comme une thérapie, d’église mondialiste, mais surtout, d’un certain je-m’ en-foutisme généralisé, voilà où nous en sommes. Nous en sommes tous responsables. Espérons qu’il ne soit pas trop tard.
Il faut du temps aux mentalités pour évoluer. La plupart de ces jeunes n’avait jamais manifesté;
Ils ont mis le pied à l’étrier, alors en selle et chargez, espérons qu’ils franchiront le pas entre la manif bien élevée et l’action parfois vive.
Je suis de votre avis Setadire c’est un début, les Français ne peuvent et ne savent pas faire les révolutions de velours parce que les gouvernements ne comprennent que la force malheureusement s’il y a changement de programme je crains plus les banlieues.
La critique d’Alain de Benoist vient tout simplement du fait qu’il a toujours proné le culturel au lieu du politique d’abord.
Le mouvement actuel de la jeunesse lui donne tort et sa position est uniquement défensive.
En étant taquin on peut même penser que ce mouvement lui donne doublement tort car il est tiré par la jeunesse des paroisses. D’ou son excès d’amertume.
Allez Alain, sois beau joueur !
Tant que la manif pour tous et tous ses dérivés resteront dan s le sytème, il n’y aura rien de bon a espérer. Quant aux futures élections, vous y croyez encore ?
Alain de Benoist pense qu’il faut avoir un programme pour faire une révolution.. Celle de 1789 et autres n’en avaient aucun sinon éradiquer la royauté pour la remplacer par la république. Les révoltes se font pour détruire pas pour construire .