Dans Le Figaro Magazine d’il y a deux semaines, Jean-Christophe Buisson se contente de laisse parler Michel Déon, après presque quatre-vingt ans : de sa jeunesse lycéenne, de son arrivée à l’Action française, poussé d’y entrer par François Périer au lendemain du 6 février 34, puis encore de ses longues nuits de travail avec Maurras, à l’imprimerie du journal, à Paris et à Lyon et de cette sorte d’intimité filiale qui naquit alors entre le vieil homme et lui; puis, enfin de ses rencontres d’après-guerre, avec Nimier, Morand, Laurent, Blondin, Chardonne, Cocteau, Coco Chanel …et quelques autres.
Les « maurrassiens » – victimaires plus souvent qu’à leur tour – s’obstinent à ne voir dans la destinée posthume de leur « maître » que l’élément de la « malédiction » : « M », le maudit, aiment-ils à se lamenter. Pour peu, ils contribueraient à le maintenir dans cet état de déréliction, qui cadre, au fond, avec leurs schémas et leurs formules, sans voir l’autre facette de cette même destinée de Maurras : cette espèce de tendresse, de respect pour cet homme intrépide et d’affection nostalgique dont beaucoup témoignent, à son égard, y compris dans la grande presse.
Au fait, nous ignorions que Maurras s’était amusé à rimer à propos du jeune Déon, déjà fumeur de pipe. Voici, pour ceux qui n’auront pas le courage d’aller plus avant, le quatrain que l’on pourra y lire :
Mais, bien finis nos temps torpides,
Soyez bourrée, ô Sucre, ô Miel
Des chaudes herbes nicotides
PRINCESSE, pipe de Michel
Qu’on lise donc, si on le souhaite, ces deux pleines pages du Figaro Magazine, où l’on retrouve tout ce charme si particulier des récits de Déon.
(Pour lire l’article du Figaro Magazine, cliquez sur l’image)
merci de nous avoir signalé cet article. Connaissant bien Michel Déon et pour avoir souvent parlé avec lui de Maurras, j’avais remarqué que chaque fois que son nom était prononcé un air de mélancolie envahissait sa figure.
Amitiés
P. Gouirand
Comme Pierre Gouirand – que j’ai plaisir à saluer à cette occasion – je trouve que Lafautearousseau a eu raison de signaler cet article et même de le joindre à sa note. D’abord en raison de la qualité évidente des souvenirs de Michel Déon. Ensuite parce qu’il est, sans-doute, l’un des derniers à avoir effectivement travaillé aux côtés de Charles Maurras et à avoir été l’un de ses très proches dans les années de l’immédiate avant-guerre et de l’occupation. Enfin parce que, même si, en effet, Maurras continue d’être dépeint et utilisé comme une sorte de puissance maléfique, démoniaque, par toute une partie de nos élites prétendues, il est bien loin de n’être que « M le maudit » pour d‘autres larges pans de l’opinion, du moins celle qui réfléchit. Nous devons simplement savoir que les deux attitudes coexistent. Et ne pas dire et faire comme s’il n’y en avait qu’une, négative.
Lorsque, avec François Davin, aux premiers temps de « Je suis Français », nous avons interviouvé Michel Déon, qui était presque au faîte de sa notoriété, il avait été aussi clair qu’aimable : il ne reniait en rien ses engagements et sa tendresse filiale pour Maurras…
J’ai eu l’occasion, ensuite, de l’approcher à quelques reprises : voilà un homme qui ne s’est jamais renié, même s’il a porté sur les contingences de l’action politique un regard empreint de lucidité et de distance.
Ces « entretiens » remarquablement menés par Pierre Builly et François Davin pour « Je Suis Français » ont laissé à beaucoup d’entre nous un souvenir un rien nostalgique.
Ne serait-ce pas une bonne idée de les réunir en plaquette et de les publier sur la toile, par exemple dans Lafautearousseau ?
Par ailleurs, le passé est le passé. Ce qui a été réalisé reste, disponible, mais d’autres pistes, d’autres personnalités, nouvelles, actuelles, se prêteraient sûrement à d’autres rencontres, d’autres échanges… Lafautearousseau pourrait en être le support avec une « audience » tellement supérieure à celle du Je Suis Français d’autrefois !
Qu’en dit Pierre Builly ? En tout cas, merci pour son témoignage sur Michel Déon !
Il serait sûrement émouvant et sympathique de réunir en une plaquette tous les entretiens recueillis. Mais ne nous leurrons pas : plusieurs de ces personnalités ont aujourd’hui une notoriété moindre qu’hier !
Surtout ces questionnements portaient souvent sur des points très conjoncturels et il serait nécessaire d’annoter certains propos. Enfin il faudrait les resituer dans le contexte et de l’oeuvre de l’interrogé et de l’époque.
Mais il est vrai que ça pourrait constituer une sorte de photographie des rapports que nous, monarchistes, avions avec les personnalités du tournant des années 80.
De mémoire, voici la liste de nos interlocuteurs : des romanciers, Jean Dutourd, Jean d’Ormesson, Michel Déon, Jacques Laurent, Michel Mohrt, tous de l’Académie française, et Jean Raspail, Geneviève Dormann, Vladimir Volkoff, Jacques Perret, Olivier Germain-Thomas), des historiens (Pierre Chaunu, le duc de Castries, Philippe Ariès), des essayistes (Philippe de Saint-Robert, Marcel Jullian, Jean-Edern Hallier), le cinéaste Alexandre Astruc, le philosophe Pierre Boutang.
Lorsque, professionnellement, quittant Paris, j’ai dû abandonner ces démarches, j’étais en « pourparlers » avec le duc de Lévis-Mirepoix (qui, comme Castries, était de l’Académie, ce qui signifiait encore quelque chose !), Pierre Schoendoerffer, Michel Debré, Antoine Blondin… Je regrette de n’avoir pu mener à bien ces interviouves, qui étaient, à plusieurs points de vue, passionnants…
L’idée est très bonne !
Ces entretiens ne sont pas dépassés, loin de là.
Aujourd’hui un effort d’enquête du même type porterait probablement ses fruits.
De mémoire il y a eu trois enquêtes.
1) Celle de la NAF ou Bertrand Renouvin se chargeait des personnalités « libérales » et Georges-Paul Wagner des droitières ( c’est Jacques Laurent qui avait ramené Wagner à l’AF).
2) Celle de Pierre Pujo qui la fera éditer.
3) Celle de Je Suis Français, largement évoquée.
4) J’y ajouterai celle mené par Danielle Masson dans la revue l’Escritoire (qu’elle a un moment envisagé d’éditer également) sur les Nouveaux réactionnaire.
Alors oui, que la Faute à Rousseau les rendent disponibles au format PDF voilà qui serait un bon outil pour la génération des jeunes qui se lève et qui ne veut rien lâcher !
Ah oui… l’idéal serait une introduction replaçant chacune de ces enquêtes dans son contexte historique (et même stratégique car ce fut une préoccupation pour chacune de ces enquêtes !).