De même qu’il y a un apport provençal évident au royalisme, une modalité provençale particulière de concevoir et de vivre le royalisme, de même Jean-Marie Cuny a raison de mettre en avant l’apport singulier de la Lorraine au Nationalisme français. Il le fait en s’appuyant, entre autres, sur les trois grandes figures que furent Jeanne d’Arc, Maurice Barrès et Raymond Poincaré.
Si l’on pense évidemment à Maurras et à L’Action française quotidienne, « Organe du nationalisme intégral », quand on parle de nationalisme, on aurait tort, en effet, d’oublier les leçons et l’apport spécifique de Maurice Barrès à ce même nationalisme; lui que Maurras, à son grand regret, ne réussit pas à attirer dans le mouvement royaliste naissant, comme il réussit, par exemple, à séduire Jules Lemaître et, surtout, Léon Daudet. Et cela malgré une réelle amitié, personnelle et d’esprit, jamais démentie…
En guise d’entrée en matière, ce très court et très fort passage de Maurice Barrès – tiré de Scènes et doctrines, page 121 – avant de lire la réflexion de Jean-Marie Cuny :
« Nous nous recommandons de la France éternelle; nous sommes des Français qui avons été formés à travers les siècles. Tout ce que nous sommes naît des conditions historiques et géographiques de notre pays. Nous avons été… médités à travers les siècles par nos parents, et il faut pour que nous nous développions, pour que nous trouvions le bonheur, que les choses ne soient pas essentiellement différentes de ce qu’elles étaient quand nos ancêtres nous « méditaient ». J’ai besoin qu’on garde à mon arbre la culture qui lui permit de me porter si haut, moi faible petite feuille. Nous voulons d’une politique qui tienne compte des traditions nationales et qui protège tout ce qu’elles ont encore de vivant au milieu des modifications que le temps apporte chez des êtres vivants, chez des êtres en perpétuelle transformation; il faut que la France demeure liée de génération en génération, il faut qu’elle demeure dans son essence, pour que nous, individus, nous trouvions le bonheur (car que ferai-je en Chine ou en Angleterre, moi Lorrain ?) et aussi pour que la nation trouve le bonheur. Et je ne puis guère plus me passer du bonheur national que de mon bonheur propre, car je porterai mal la tête à travers le monde si je suis d’une France humiliée… »
(Illustration : Barrès jeune, par Jacques-Emile Blanche)
Tardivement intégrée dans le giron français, la Lorraine devait pourtant devenir, sous la Troisième République le fer de lance du Nationalisme.
A l’occasion du 120ème anniversaire de la polémique et du 150ème de la naissance de Maurice Barrès à Charmes, rappelons ici l’origine de ce thème toujours contesté.
Un article retentissant de Maurice Barrès publié dans le Figaro du 4 juillet 1892, intitulé : « La querelle des Nationalistes et des Cosmopolites », introduisait le terme de NATIONALISTE dans le vocabulaire politique français. En outre, ce texte du Figaro marquait le début d’une série de prés de 400 articles sur ce même sujet. Les propos, lettres ouvertes, réflexions diverses devaient aboutir à la définition et à l’affermissement de la doctrine politique de Maurice Barrès.
On trouve dans l’ouvrage Scènes et Doctrines du Nationalisme (Juven, Paris, 1902) l’essentiel des dix années d’études et de controverses nationalistes qui ont eu lieu à partir de la parution de l’article déclencheur de la polémique du 4 juillet 1892. Dans le chapitre intitulé : « Programme de Nancy de 1898 », Barrès publie de larges extraits de son texte sur la querelle des Nationalistes et des cosmopolites où pour la première fois le mot nationalisme est appliqué aux affaires politiques de France.
Si le nationalisme de Barrès est fondé sur la réflexion, on sait que le nationalisme dans sa forme excessive date de la Révolution Française. La Royauté étant abolie et le culte Catholique interdit, il fallait trouver une référence suprême à l’entreprise révolutionnaire. C’est pourquoi on a alors prôné, imposé et exalté l’attachement à la nation (La Nation ou la mort !). Pour parfaire cette idée de nation, la Révolution s’est acharnée à détruire les identités provinciales en créant notamment les départements. Il fallait gommer absolument l’attachement à sa petite patrie, à la royauté, et à la religion pour se donner au culte de La Nation, seul autorisé.
Il semble que le mot nationalisme se trouve imprimé pour la première fois en 1797 dans l’ouvrage de l’abbé Barruel : Le Nationalisme ou l’amour national. Mémoire pour servir à l’Histoire du Jacobinisme.
Le nationalisme de Barrès, comme d’ailleurs celui de Maurras, Drumont, Déroulède, n’a évidemment rien de commun avec l’idéologie exacerbée des révolutionnaires ou celle plus récente du National-socialisme hitlérien.
Le Nationalisme à la Française en tant que doctrine politique a donc tout juste cent-vingt ans. Selon la définition la plus courte de Maurice Barrès : « Le Nationalisme, c’est résoudre chaque question par rapport à la France » ; c’est la notion de patrie et de l’amour des petites patries qui forme la grande. A ce sujet, le maréchal Lyautey déclarait avec Barrès : « Le Nationalisme Lorrain est inséparable du Nationalisme Français. » Jacques Bainville, qui a lui aussi des origines familiales en Lorraine, justifiait cette doctrine politique en écrivant dans son journal : « Le Nationalisme est une attitude de défense, rendue nécessaire par la faiblesse de l’État Français ».
La Patrie, nous dit Maurice Barrès, c’est d’abord le pays des ancêtres. C’est l’attachement à la terre et aux morts. C’est l’enracinement, la fidélité à la Tradition et le culte agissant de l’âme ancestrale servant de base à l’énergie nationale. Bien que fondé sur un enracinement profond en Lorraine, les écrits nationalistes de Barrès ont sur cette base une vocation universelle. Son régionalisme Lorrain est l’aliment de son nationalisme français. « Les individus composant une nation ne doivent pas être des citoyens du monde sans identité » Ce propos va évidemment à l’encontre des idées mondialistes que l’on tente de nous imposer aujourd’hui.
« Face aux barbares, vous devez constater que vous êtes fait pour sentir en Lorrains, en Alsaciens, en Bretons, en Belges… » Nous dit l’auteur des romans de l’énergie nationale dans « Un Homme Libre ». « L’individu me semble être lié à toutes ses ascendances mortes par le travail des individus et des sacrifiés qui l’ont précédé » Et Barrès proposait aux groupes nationalistes de venir en Lorraine considérer sur le terrain l’expression des sentiments qui l’animaient et les fondements de sa doctrine politique. « Notre patriotisme est avant tout réaliste. Je suis de tradition lorraine dans tous mes instincts ; c’est, en outre, la discipline que ma raison accepte ».
Dans l’ouvrage Scènes et Doctrine du Nationalisme Barrès rappelle le rôle de la Lorraine à toutes les époques : « Une des plus grandes dates de l’histoire lorraine, c’est l’année 1525 où le duc Antoine arrêta net l’avancée des Rustauds au col de Saverne. Si ces bandes protestantes avaient triomphé, les destinées de la Lorraine ne se seraient-elles point orientées vers l’Allemagne ? Cette victoire du duc Antoine suscita l’enthousiasme de ses sujets Lorrains, car ils croyaient à l’existence même de leur nationalité intéressée dans cette lutte ». Rappelons ici que le sentiment national des Lorrains s’est développé fortement suite à la victoire du jeune duc René II sur Charles le Téméraire en 1477. A peine un demi-siècle avant, Jeanne d’Arc, jeune fille des marches lorraines, devait jouer le rôle que l’on sait dans l’histoire de la Patrie Française.
Au moment des guerres de religion, la fermeté du duc Charles III empêcha les troubles sanglants et les déchirements que l’on observait en France ou dans l’Empire. C’est en Lorraine que fut fondée la Ligue par les princes de Guise pour combattre l’ampleur de la Révolution protestante.
Au XVIIème siècle, il faut souligner l’importance de l’action du duc Charles V pour la chrétienté. En effet, le duc de Lorraine est le glorieux vainqueur au siège de Buda, à la bataille du Saint-Gothard et surtout devant Vienne où sa victoire arrêta l’avance ottomane en Europe. On sait d’autre part que de tous temps, le duché de Lorraine a servi d’Etat tampon entre le royaume des lys et le Saint-Empire Romain germanique.
La défaite de 1870 devait marquer douloureusement la France et évidemment encore plus profondément la Lorraine dont une partie du territoire se trouvait amputée et annexée avec l’Alsace au Reich allemand. Dès 1871, on attendra « la revanche », la guerre de libération des territoires perdus. Les Lorrains ne voulaient voir dans cette nouvelle frontière qu’une ligne de séparation provisoire.
Tandis que Metz était sous la botte prussienne, Nancy multipliait les manifestations patriotiques et militaires. Dans le sanctuaire des Lorrains, sur la colline mariale de Sion, au cours de cérémonies émouvantes, Maurice Barrès, plaça sur l’autel une croix de Lorraine brisée portant l’inscription en patois : « Ce n’ame po tojo ! » (Ce n’est pas pour toujours).
Sous cette troisième république proclamée pendant la guerre de 1870, les passions politiques s’exerçaient avec ardeur, d’autant plus que les factions étaient nombreuses. En Lorraine pourtant, l’évolution politique n’avait pas suivi celle de la majorité de la France. D’ailleurs, aucun socialiste ne fut élu député avant la guerre de 1914. La Lorraine constituait alors un bastion où bouillonnaient les sentiments nationalistes.
En 1913, c’est un Lorrain, Raymond Poincaré, fervent patriote qui est élu président de la République (1). C’est à cette époque que Charles Maurras se plaisait à évoquer ceux qu’il nommait « Les Princes Lorrains » ; c’est-a-dire : Barrès, Poincaré, Lyautey. Le fondateur de l’Action Française déclarait alors : « On se sent gouverné, au temporel comme au spirituel par une équipe lorraine. Comme en d’autres temps, où les Guise influaient sur la politique de leur époque ». Parlant de l’Action Française, Barrès de son coté se déclarait heureux qu’un groupe organisé se donnât la tâche de formuler les principes nationalistes. Toutefois, les différences sont sensibles. Le nationalisme de Barrès est plus personnel et sentimental que celui, plus raisonné de Maurras ; plus modéré que celui de Drumont et plus perspicace que celui de Déroulède.
Quand le 3 août 1914, le conflit attendu éclata, la Lorraine se trouvait dès le début de la guerre, notamment avec Verdun, le bouclier de la France sur lequel l’ennemi frappait avec vigueur. A la fin des hostilités, Barrès notera dans ses cahiers le propos tenu par un Maréchal de France en novembre 1918, dans la cathédrale de Metz, lui déclarant que par son œuvre il a contribué à la victoire. Il est vrai que les officiers de « la revanche » étaient pour la plupart de fervents nationalistes.
Aujourd’hui, condamné par la plupart de nos politiques, le nationalisme de Barrès est, de toutes façons, considéré comme « politiquement incorrect ». Faut-il pour autant le mépriser ?
* Article paru dans La Lorraine Royaliste.
(1) : Grands Textes XXXIV : Raymond Poincaré célèbre le cinquième centenaire de Jeanne d’Arc
Un peu ringard votre texte.
Ne concevoir la nationalité qu’au travers de la filiation franco française est une sottise absolue; vous êtes en contradiction avec Bainville .
Permettez de vous dire qu’il manque quelque peu de réflexion politique dans la faute à R, en revanche l’histoire, sous toutes ses formes, est particulièrement sur représentée.
N’avez vous pas l’impression de transformer le royalisme en musée d’accessoires ? A force de regarder derriere vous, vous allez avoir un torticoli.
Grands dieux, du politique d’abord.
(cette note s’adresse globalement aux rédacteurs qui fournissent les chroniques historiques et ne visent pas en particulier un auteur de ces dites rubriques)
(A Atual) Vous manquez singulièrement d’équilibre, dans vos propos, si vous ne manquez pas d’un certain aveuglement. Il suffit de lire « les lundis de Louis-Joseph Delanglade » ou les Catégories « International (I : Monde) » et « International (2 ; Europe), ou la Catégorie « Vidéos » et d’autres encore pour voir que l’on parle de tout dans ce Blog, et surtout de l’actualité, nationale et internationale. D’accord ou pas, on y commente immédiatement les déclarations des esprits qui comptent, de Finkielkraut à Edgar Morin, d’Emmanuel Todd à Chantal Delsol ou Jean-François Mattéi… On y parle de la Belgique, de la Tunisie, de l’Egypte, du Mali, de l’Iran, de l’eau, du pétrole, de la bioethique (demain, l’article de Champsaur) : vous qui êtes si fort, indiquez-nous un quotidien royaliste qui propose tant d’actualité à ses lecteurs…
Quant à l’Histoire, nous l’expliquons en long, en large et en travers : c’est précisément parce que le Système la nie, notre Histoire, veut l’effacer, pour en écrire une autre que l’on doit lutter contre le « changement de peuple » par la mémoire en rappelant, justement, cette mémoire. Il ne s’agit nullement de regarder derrière nous, mais de démasquer la tartufferie des Peillon et autres, continuateurs des Viviani, Jaurès et Robespierre qui veulent « dé-cerveler » les Français, et y réussissent en partie. Parler d’Histoire est donc indispensable, et c’est l’une des choses les plus « politiques » qui soient, comme l’a bien compris un Sévillia (pour ne citer que lui).
Vous avez bien fait de dire ce que vous pensez : les « commentaires » sont là pour cela. Laissez-nous simplement vous suggérer de lire « tout » le Blog, cela vous évitera de lancer des affirmations qui ne correspondent tout simplement pas à la réalité…
Vous parlez d’aveuglement et d’équilibre.
Vous avez raison.
Je suis particulièrement désolé de ne pas voire (sans doute dû à mon aveuglement) les articles de Delanglade, qui à mon avis , font partie des articles qui ont du sens. Il en est de même des interventions du pr Mattei; ou du commentaire sur Boutang. Ce sont quelques étoiles dans un ciel noir de ringardisme, de haine d’autosatisfaction , de xénophobie et de racisme écœurant. Inspirez vous, à ce propos des commentaires de Monsieur Builly.
Quant à l’histoire, je vous laisse le mot de la fin, vous l’expliquez en travers.