(Suite de la première partie de ce Journal d’été, publiée mercredi dernier, 11 septembre, et fin de ces réflexions).
Se libérer de l’oligarchie.
Ce sont les mêmes qui, pour les mêmes raisons, passent leur temps à détruire l’équilibre du monde, au nom d’une mondialisation qui n’est que celle de l’argent, celle des moyens de pouvoir et dont les peuples doivent faire les frais. Ces gens, confortablement installés dans leurs bureaux, leurs avions, leurs hôtels, décident du sort des multitudes sans aucune émotion ; ils portent entre autres l’immense responsabilité historique de ces migrations fatales où des pauvres gens meurent par milliers et dont le Pape François à Lampedusa a voulu signaler l’horreur, en indiquant expressément la culpabilité directe des dirigeants de nos sociétés. Ce sont les mêmes encore qui ont créé ces impossibles cités où s’entassent des déracinés, où ne prospère que le crime, et où ils se gardent bien, d’ailleurs, d’habiter, mais dont, dans leurs sordides calculs, ils espèrent faire des électeurs. Les misérables ! Et ils ont l’audace de faire des discours de compassion.
Mais si c’était des saint Vincent de Paul ou des Mère Teresa, ça se saurait. Ce sont les mêmes qui par leur appétit démesuré de pouvoir et de richesse, soit qu’ils soient du côté des institutions, soit qu’ils soient du côté des financements et des spéculations, suscitent les unes après les autres les crises financières et économiques dont les peuples pâtissent. Les mêmes, toujours les mêmes, avec la même incurie, la même désinvolture et la même irresponsabilité, au-delà même des fameux cycles économiques qui par eux-mêmes n’expliquent pas tout et qu’ils ont le culot intellectuel de présenter comme des excuses à leurs insuffisances ! Fausse élite politicienne, faux monde de l’argent, qui s’accommode de tout pourvu que leurs prébendes soient sauvegardées, engeance de corrompus corrupteurs, leur pouvoir doit être tenu pour néant.
Le Pape François a libéré la parole, la vraie, celle de l’évangile. Et fort d’une piété profonde, christique et mariale, profondément populaire – il l’a montré au sanctuaire d’Appareceida –, fort aussi de son mépris souverain des convenances mondaines, muni de son seul sac personnel et mis comme un curé de campagne aussi solide que jovial, il peut tout dire. Et d’abord la tendresse et la miséricorde, les deux armes absolues du Dieu de bonté que « le monde » et ses sectateurs et ses princes ne posséderont jamais. Et, du coup, il rayonne de la joie de l’homme libre, vraiment libre ! Il insiste sur cette joie qui est signe de reconnaissance entre hommes libres de la seule vraie liberté. Il comprend tout et jusqu’à la révolte et y compris jusqu’à la révolte contre les clercs – il l’a dit ! – qui abusent de leur pouvoir en tout domaine et qui sont de plus des lâches devant la détresse des âmes. Rien de plus horrible qu’un prétendu homme de Dieu qui ferme son cœur aux sinistrés de l’église au motif qu’ils ne relèvent pas des options de l’appareil clérical. Et, heureusement, c’est le type opposé qui recommence à devenir la norme : grâce aux pontifes successifs et grâce au courage opiniâtre des meilleurs.
La bonne nouvelle, rappelée par François, est la force qui demain redonnera au véritable Royaume sa dynamique propre, celle que les forces mondaines sont bien incapables de susciter, puisqu’elles sont déjà en train de disparaître avec leur univers de fric et de mort.
Les familles royales sont aussi signe de liberté.
Cependant, il est aussi dans le monde et en particulier dans la vieille Europe des forces politiques existantes qui ne vivent pas selon les règles ordinaires de cette conquête du pouvoir toujours à prendre et à reprendre, ni de cet empire de la richesse qui n’a que la richesse comme finalité. Et, parce que ces forces ont en elles-mêmes des ressorts naturels, parce qu’elles font appel à d’autres normes que la plate démagogie, elles suscitent l’enthousiasme des peuples : elles leur parlent de l’histoire, de leur histoire, de la famille, de leur famille, de la succession des générations, d’un ordre qui ne dépend ni des spéculations de l’argent ni des calculs électoraux, d’un sens de l’humain qui a plus de saveur et de réalité que tous les pseudo-humanismes dont se flattent les classes politique, médiatique et financière, et qui dissimulent si mal leur turpitude. Cet été a montré la vitalité de ces forces quasi immortelles.
Les familles royales sont toujours là. La France s’est privée de la sienne et à ses dépens. Il suffit de regarder à côté de chez nous. Un enfant, un héritier fait rêver l’Angleterre qui sait, du coup, quelles que soient les crises qu’elle subit, qu’elle a un avenir, une histoire à continuer, des générations futures prêtes demain à assumer leur destin. C’est une ressource qui vaut mieux que tout l’or de ses banques. George Alexander Louis fait la joie de ses parents William et Catherine, duc et duchesse de Cambridge, de son grand-père Charles, prince de Galles, de son arrière grand-mère la Reine Elisabeth et de son arrière grand-père le duc d’Edimbourg ; il fait en même temps le bonheur des Anglais qui croient spontanément en le voyant à l’Angleterre éternelle. Eh oui, l’Angleterre ne périra jamais : elle est un royaume. En dépit des pires défauts de sa classe politique.
La Belgique qui, si elle était livrée aux seuls politiciens, exploserait dans l’heure, n’a de chance de survie que dans et par sa famille royale. Ses rois incarnent son principe d’unité et, par la hauteur de leur vue, ont justifié et justifient chaque jour l’institution qu’ils représentent : Baudouin, Albert et maintenant Philippe avec Mathilde qui fait la plus émouvante des reines. La Belgique profonde a vibré à leur avènement, le 21 juillet dernier. Un père transmet à son fils de son vivant la couronne qui est le bien public commun. Ces rois ne sont pas des hommes à diplômes ou à carrières ou à ambitions personnelles qui ne pensent qu’à eux et qui sont prêts à tout casser pour s’imposer ; ce sont des hommes de principe et à principes, dont la légitimité historique est sacrée, capables comme Baudouin de rappeler que la loi de la vie l’emporte sur les vulgaires et mortels compromis des puissances mondaines et politiciennes. Ils sont au-dessus ! Albert aussi a mérité de sa patrie, la rappelant à chaque instant à l’unité. Et de même au Luxembourg, au Danemark, aux Pays-Bas, en Espagne où la seule institution qui vaille est l’institution royale, et quand la personne en titre commet une faute, – et malheureusement cela arrive et trop souvent – tout le monde pense que c’est indigne de la fonction royale et le premier intéressé est aussi le premier à le comprendre parfaitement. Il dégrade du coup son image et l’institution et la famille et le pays.
Un politicien pris en faute n’est, lui, jamais qu’un homme ordinaire, très ordinaire, et le public ne s’étonne jamais de tout ce qu’il apprend, chaque jour qui passe, sur ce monde politique : il hausse les épaules sur les affaires qui s’enchaînent, les scandales à répétition et qu’il pense de fait en conformité avec ce petit univers dont ni l’honneur ni l’honnêteté ne constituent des règles de conduite.
D’ailleurs, quel homme politique, soucieux du bien commun, n’en a lui-même le sentiment ? La représentation nationale ne serait-elle pas elle-même libérée si elle s’affranchissait des partis et des compromis de partis et des stratégies de partis ? Combien d’élus et particulièrement d’élus locaux le pensent profondément, mais ne peuvent l’exprimer. Ils feraient mieux leur travail sans le poids des appareils ! Infiniment mieux ! Le totalitarisme partisan est le pire ennemi de la représentation : il a, d’ailleurs, tout pollué, tout contaminé, toutes les formes de représentations, mêmes professionnelles, toutes les institutions, tous les services publics et jusqu’à la culture qui devient une machine de parti et de partisans. Qui ne le voit et ne le sait ? Y a-t-il quelque chose de bon à attendre du régime des partis ? Rien, et le prochain automne en France le prouvera une fois de plus. Et de manière encore plus grave. Car la France n’est plus que le champ clos où s’ébrouent dans leur propre boue les hommes de partis aux ambitions folles et démesurées, à vrai dire ridicules. Loin de dominer la crise, comme le Président et ses affidés du gouvernement l’affirment avec une fatuité aveugle, le régime n’en sera que plus secoué et il se montrera, dans les difficultés qui s’accumulent, plus nuisible que jamais. Le problème n’est pas la crise, c’est le régime qui la rend insoluble. La solution, en effet, n’est pas là, en aucune des formes et réformes de ce maudit régime ; et les parlementaires qui ont encore le souci de la France, sont les premiers à s’en rendre compte. Ils l’avouent en confidence. À quoi sert leur travail ? La représentation, bien sûr, mais pas à ce prix et dans un tel cadre. Il faut aussi la délivrer d’un système de servitude et de corruption, comme tous les pouvoirs publics, comme le chef de l’état qui n’est pas un homme libre.
C’est à une prise de conscience politique et morale que le peuple français et ses vraies élites sont appelés dans les mois qui viennent. D’abord reconquérir la liberté de l’esprit pour trouver sans équivoque la sûreté du jugement. Inutile de sauver le régime des partis : il faut penser à s’en sortir. Il y a en France suffisamment d’hommes de caractère et d’intelligence pour, le moment venu, prendre la relève et aller jusqu’au bout du sursaut national. Ce qu’il faut faire, ils le savent parfaitement et dans tous les domaines. Il leur suffirait d’avoir le moyen politique de réaliser les seules et vraies réformes dont la France a besoin.
VERDU sur Éloquence : Tanguy à la tribune,…
“Il est bon !!”