Armand Colin, 352 pages, 25 euros.
Charles Maurras représente la figure centrale de l’histoire du nationalisme français.
Cette biographie permet d’explorer l’histoire du courant réactionnaire (1) à partir de l’affaire Dreyfus dans laquelle Maurras a joué un rôle-clé, et, au-delà de la France, d’éclairer la référence fondamentale qu’il représente pour de nombreux intellectuels et mouvements politiques du premier 20ème siècle dont on ne parle pratiquement jamais.
Elle explore également la raison pour laquelle Maurras a été une référence fondamentale pour de nombreux intellectuels et partis politiques.
Olivier Dard est professeur d’histoire contemporaine à l’université Paul Verlaine (Metz), où il a organisé, en 2009, un Colloque Bainville.
(1) : nous mettons ici, à dessein, le mot « réactionnaire » à la place « d’extrême-droite » car, comme l’a très bien dit Edgar Morin, il n’y a que trois pensée politiques d’envergure : la pensée de Marx, pour la Révolution, celle de Tocqueville pour le courant libéral, celle de Maurras, pour la pensée réactionnaire…
Présentation de l’éditeur :
La voilà ! La première biographie historique de l’auteur de L’enquête sur la monarchie, qui exerça une influence si importante aussi bien sur des intellectuels que sur une partie de la jeunesse, mais qui finira condamné pour « intelligence avec l’ennemi ». « Historique » en effet, en non pas seulement « littéraire », ou « politique » comme ont pu l’être trop souvent la plupart des textes antérieurs.
Après avoir évoqué une jeunesse marquée par le deuil et la découverte de la surdité, Olivier Dard nous fait découvrir le jeune poète, le critique littéraire, qui « glisse » en quelque sorte peu à peu vers la politique dans les années 1880-1890. Il rappelle l’influence boulangiste, mais surtout l’appartenance au félibrige, où nait progressivement l’idée du « pays réel », du fédéralisme, avec de véritables hymnes à la Provence, à la Méditerranée et au soleil. L’appel à la monarchie, le retour à l’Eglise, la notion si importante « d’harmonie » (qui ose encore parler « d’harmonie » en politique ?) se dessinent au fil des aventures de presse, de La Cocarde à L’Action Française.
On croise Barrès, Sorel, Bainville, Dimier, Sangnier, Daudet, Pujo, plus tard Gustave Hervé, Maritain, Massis, Boutang enfin, et d’autres, et l’on apprend que le Café de Flore est alors quasiment son quartier général ! Les choses changent…
Olivier Dard revient longuement sur le rapport entre nationalisme français et religion chez Maurras (« Je suis Romain parce que si mes pères n’avaient pas été Romains comme je le suis, la première invasion barbare, entre le Vème et le Xème siècle, aurait fait aujourd’hui de moi une espèce d’Allemand ou de Norvégien. Je suis Romain, parce que n’était pas ma romanité tutélaire, la seconde invasion barbare, qui eut lieu au XVIème siècle, l’invasion protestante, aurait tiré de moi une espèce de Suisse …. Je suis Romain par tout le positif de mon être … Je suis Romain, je suis humain : deux propositions identiques »).
Maurras revendique cet héritage provençal, catholique et français, au point de devenir « un adversaire résolu de la modernité ». La Première Guerre mondiale le voit développer une conception personnelle de « l’Union sacrée », au titre de la défense de la nation mais sans renoncer au débat d’idées. L’après guerre est marqué par l’amertume, puisque le sacrifice de tous ces morts ne donne pas pour autant une paix véritable et qu’aussitôt recommencent les débats politiques et les joutes intellectuelles.
Les échecs électoraux et la condamnation par le Saint-Siège (ndlr : il s’agit là d’une erreur de termes manifeste, et il faut parler de sanctions vaticanes, et non de « condamnation »…) en 1924-1926 marquent durablement le mouvement, mais le journal d’Action Française poursuit sa route et Maurras, durant les années 1920-1930 semble marqué par ce paradoxe d’un magistère intellectuel (il entre à l’Académie française) mais d’une impuissance politique.
La crise de février 1934 est bien sûr analysée par l’auteur, qui remet en question le rôle souvent attribué à l’A.F. dans le journée du 6 février, explique la cassure entre le « vieux maître » et les jeunes militants plus radicaux et la distance prise par le prétendant au trône de France. C’est toute la question de la distorsion, réelle ou ressentie, entre un discours très vif, parfois violent, et la réalité des actions (« inactions » dit Rebatet) conduites.
L’avant-dernière partie (10, « Le commandeur au crépuscule ») est consacrée à l’immédiat avant-deuxième guerre mondiale et à la période de Vichy, au sujet de laquelle Olivier Dard constate, mais discute, l’influence réellement exercée par Maurras, car on ne peut oublier que son nationalisme est resté profondément anti-allemand. Maurras tente alors un délicat exercice d’équilibrisme intellectuel au nom de « La France seule », mais la France est occupée et le monde entier est en guerre…
C’est la fin. Le procès, au début de l’année 1945 voit s’opposer l’accusation, qui raisonne à partir des conséquences des textes de Maurras, et la défense, qui argumente sur les intentions de ce dernier. Deux approches alors incompatibles. Condamné, il tente de se défendre, d’obtenir la révision de son procès, sa santé se dégrade et il obtient finalement une grâce médicale en 1952, peut de temps avant de mourir.
La dernière partie, enfin, tente d’évaluer l’influence postérieure de Maurras et de ses écrits, en France comme à l’étranger, et le bilan qu’en dresse Olivier Dard est relativement maigre.
Le livre se termine sur quelques 70 pages de sources, références, bibliographie, index : c’est dire la richesse et la densite de cette excellent biographie, qui doit être connue non seulement de tous ceux qui se passionnent pour l’histoire politique des XIXème et XXème siècle, mais aussi de ceux qui s’intéressent au monde de l’écrit, car Maurras fut, peut-être, d’abord une (grande) plume.
Nombreux sont ceux qui ont lu MAURRAS et prétendent ne pas le connaître, alors qu’ils prétendent connaître MARX, sans jamais l’avoir lu.
Espérons que ce livre fera tomber les préjugés sur le Maître de l’AF
Un excellent livre…
Sur Livres en Famille : http://www.livresenfamille.fr/p8950-olivier_dard_charles_maurras.html
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Bien amicalement
Courageux le professeur Dard de s’attaquer à la énième biographie commentée de Charles Maurras, après tout ce qui s’est écrit sur le phénomène.