La conscience politique des Français peut-elle arriver à maturité ? C’est toute la question. Des politiciens qui vivent de la République, ont tout intérêt à les maintenir dans cet état d’infantilisme qui les empêche de porter sur la politique le regard franc et direct qui s’impose aujourd’hui.
La popularité de François Hollande est au plus bas. Les politologues se penchent gravement sur le cas. Mais il n’est pas besoin d’être grand clerc pour en saisir les raisons. Cet homme n’est pas à sa place ; mais alors pas du tout ! Aucune épaisseur historique, aucune sincérité psychologique, aucune hauteur de vue, aucune droiture de vie, aucun jugement de fond, le type même du politicien tel que la République française l’a toujours façonné et dont la médiocrité est à l’image du système dont il vit. Il a réussi ses concours, dit-on ; oui, en débitant des ritournelles idéologiques qui servent de principes au système. Il a gagné les élections, ajoute-t-on ; oui, mais en utilisant avec ruse toutes les ressources d’un système qui tourne en rond sur lui-même. Sérieusement, ce n’est pas pour ça qu’il est le meilleur. C’est une très fausse idée que le régime actuel impose, selon laquelle le candidat qui gagne, a pour lui, avec le pouvoir qu’il acquiert, l’intelligence, la sagesse, la perspicacité, le courage que ce même pouvoir requiert. L’illusion des Français sur ce point est totale. D’où leur déception récurrente.
Où est l’intérêt national ?
L’Allemagne ne connaît pas cette incohérence. Angela Merckel est chancelière pour un troisième mandat : elle s’inscrit dans une politique allemande continue qui, au-delà de son prédécesseur Schröder, se relie naturellement à celle d’un Kohl et d’un Adenauer. Ce qui prime dans la pensée et dans l’action de ces hommes d’état allemands, c’est l’intérêt de l’Allemagne, celle d’après-guerre qui a réussi son redressement, sa réunification et qui place maintenant son économie au centre de l’Europe, comme seul moteur possible de cette Europe qu’elle ne conçoit plus qu’à l’allemande.
En Angleterre, il en est de même, en dépit d’une classe politique presque aussi détestable que la nôtre : l’intérêt anglais, fût-il des plus vulgaires, prime sur toute autre considération, même au milieu des querelles doctrinales les plus violentes, ce qui réduit à néant toutes les vaines tentatives de la France de ramener l’Angleterre à ses conceptions. L’Angleterre sortira de la crise, sans nous en demander la permission, tout comme l’Allemagne.
Les mêmes considérations peuvent se développer à propos des Etats-Unis dont les institutions ne fonctionnent jamais que dans et pour l’intérêt de leur économie, de leur dollar, de leur conception politique, qui forment un tout, sans aucun souci des répercussions de leurs décisions, en particulier monétaires, sur les autres économies, mais avec la certitude absolue que la seule règle d’or pour eux ne peut et ne doit être que le salut et la prospérité de « leur » Amérique, condition première de la prospérité et du salut du monde.
Pourquoi donc la France s’enfonce-t-elle dans son déclin ? Question d’hommes, pense-t-on ? L’équipe au pouvoir ne serait qu’un ramassis d’incompétents, d’idéologues, de pervers. Et, certes, l’équipe en place n’est pas brillante et il n’est pas de jour où des propos présidentiels ou ministériels n’ajoutent au ridicule de leur situation déjà amplement dérisoire. Ridicule sur la scène intérieure, ridicule encore sur la scène extérieure. François Hollande à la télévision ou à l’Onu est une « blague » vivante. La France en pâtit. Et la cote du président aussi !
Sortir d’un système pervers
Mais l’erreur serait de croire que c’est cette clique qui seule est mauvaise et que là résiderait la cause de tous nos maux. C’est évidemment ce que veulent faire croire les opposants, ceux qui prétendent prendre ou reprendre la place, le pouvoir, ce pouvoir toujours à conquérir, la maladie française par excellence, pire que chez tous les autres peuples civilisés, et qui donne à notre monde politique français ces mœurs de tribus primitives en luttes intestines perpétuelles. La vraie question qu’il serait judicieux de se poser, serait plutôt la suivante : que peut valoir un système politique qui permet l’accession au gouvernement de tels hurluberlus aussi peu en adéquation avec une conception de la France digne de ce nom ? Imaginez que ces énarques qui nous gouvernent, si fiers d’appartenir à la promotion Voltaire, ne savent même pas que l’écrivain le plus antisémite de tous les temps répond à ce nom de Voltaire dont ils se réclament, et que le philosophe le plus méprisant pour le peuple qui ait jamais existé sur cette terre, s’appelle aussi Voltaire dont ils se glorifient d’être les disciples ! S’ils en avaient au moins le style ! Mais même pas ! Leur discours de patauds sont aussi aériens qu’un traité d’économie socialiste.
Comment la France peut-elle avoir des zozos pareils pour la diriger ? Vraie et seule question, doublée d’une autre qui lui est semblable : avec un tel système, une équipe gouvernementale qui oserait se qualifier de meilleure – ce qui, certes, n’est pas difficile – arriverait-elle à renverser le cours des choses ? Voilà le point crucial et l’expérience est déjà faite, archi-faite. Rien n’a changé depuis des décennies dans tous les domaines. Car c’est le système politique qui en France est idéologique et pervers dans son idéologie ; personne n’y échappe, ni les Fillon, ni les Copé, ni les Marine Le Pen, ni aucun des autres. Un « bon », un supposé « bon », peut-il faire le bien dans un tel cadre ? Et peut-il même envisager de parvenir au pouvoir sans donner un gage audit système.
Et pire : le « bon » ou « supposé bon » ne devient-il pas mauvais par le jeu même du système ? Aucune bonne réforme n’a jamais abouti ; le savent bien les rares ministres qui s’y sont essayés ! En revanche, les mauvaises passent comme lettre à la poste. à l’Éducation nationale où tout recommence avec des questionnaires aussi coûteux qu’inutiles, des théories aberrantes qui sont imposées, en dépit du bon sens ; en finances publiques où la taxation et la dette sont la seule règle des gouvernants qui bâtissent leurs projets sur les revenus et les patrimoines de leurs concitoyens ; en défense nationale où les budgets sont réduits au moment précis où le danger apparaît ; en matière de justice où la victime devient le coupable, le gendarme et le policier les bandits à poursuivre et où les magistrats sont sans cesse soumis aux oukazes d’idéologues sans foi ni loi ; en matière de mœurs où il est évident que tout était réglé d’avance selon l’accord fondamental qui a déterminé la candidature et le succès d’Hollande jusqu’au denier remaniement du comité d’éthique pour permettre le passage de toutes les lois dites sociétales.
Comment oser parler d’écologie après de tels traficotages ? Leur prétendue loi de transparence politicienne et d’interdiction du cumul des mandats aboutira concrètement à une mainmise des partis politiques encore renforcée sur la représentation, avec partout des stipendiés aux ordres, sans que la corruption ne cesse pour autant, au contraire, comme il est archi-démontré.
Ce système est tellement outrageant pour le peuple français qu’il exprimera son rejet profond aux prochaines élections municipales et européennes. Ceux qui vivent du système en ont peur mais ils savent aussi que leur système a été jusqu’ici toujours assez fort pour surmonter de telles crises… Jusqu’au jour où, tout à coup, ce seront les institutions mêmes dudit système qui s’effondreront. C’est dès aujourd’hui ce qu’il faut prévoir. En travaillant à la seule et véritable relève.
* Article paru dans le n° 122 de Politique magazine (octobre 2013)
La démocratie par représentation est le royaume des rusés, des menteurs et des dissimulés. C’est une perversion dont on ne peut s’affranchir que par la démocratie directe, à la seule condition que le peuple soit mature pour l’actionner.
Ce qui n’est pas le cas en France; ni dans aucun pays latin.
Alors quoi ?
Qui va rappeler énergiquement à Julien Arnaud,présentateur mal-informé de TF1 que le Jour des Morts n’est pas le 1er novembre,Jour de tous les Saints,mais le 2 novembre ?
L’analyse d’Hilaire de Crémiers me paraît limpide et allant au fond des choses. J’y adhère volontiers. Mais, comme disait Winston Churchill, le vieux lion britannique, la démocratie est le pire des régimes, à l’exception des autres. Je connais la réponse de Georges Clemenceau, un autre lion plus teigneux et partial celui-là, qui disait ; la démocratie, c’est le pouvoir pour les poux de dévorer les lions ». Quoi qu’il en soit, ayant vécu dans des pays communistes, j’étais alors bien content de retourner de temps à autre dans la démocratie brouillonne, vociférante et agitée qu’est la France.
Faire de la tête du système institutionnel, le produit de
l’histoire de l’Etat et de la nation, au service du peuple, sans
exclusive,permet d’éviter les excès de la représentation
démocratique, et inversement celle-ci permet d’éviter les
excès du pouvoir personnel.
C’est bien la monarchie britannique qui nous fait encore de
nos jours, la leçon à ce sujet, et bien que notre histoire soit
certes différente.
Le Royaume-Uni mène-t-il une politique européenne
conforme à ses intérêts ? Oui
Le Royaume-Uni a-t-il conservé sa monnaie ? Oui
A-t-il su maîtriser mieux que nous, intégrer mieux que nous,
son immigration ? Oui
A-t-il su maîtriser l’autonomie octroyée à l’Ecosse, l’Irlande
du Nord, le Pays de Galles ? Oui
Le sentiment national y est-il plus fort qu’en France ? Oui
Le sentiment d’appartenir à une vieille nation historique dont
chacun se sent solidaire y est-il plus important que chez nous
? Sans doute.
Les 6O ans de règne de S.M. la Reine Elisabeth II et la
naissance récente du Prince Georges, ne sont-ils pour rien
dans la possibilité pour tout un peuple de se projeter dans
l’avenir et de s’enraciner dans son histoire ? Sans doute pas.
Les royalistes français en sont encore à faire la fine bouche
sur le terme de monarchie parlementaire, alors que la France
se défait de jour en jour.
Chaque peuple a sa signature ADN.
Le modèle anglais (dit de Westminster) ne peut traverser la Manche, et ce ne fut pas faute d’avoir essayé (5 républiques).
En France, il faut un régime à poigne car le Gaulois qui sommeille en chacun (presque !) est empereur en son village.
Dans les autres pays latins, c’est pareil. Ferdinand VII répliquait à je ne sais plus quel diplomate français : » comment voulez-vous gouverner dix millions de rois ? ».
Mais cette instabilité génétique est accrue par le système représentatif forcément basé sur le clientélisme et sur la rémunération en lois du parti vainqueur.
Les décisionnaires accédant aux affaires sont légalement irresponsables et rejettent leurs erreurs sur tous sauf sur eux. Yvan Blot dit dans son « Oligarchie au pouvoir » que le plus mauvais pouvoir possible est celui du gérant irresponsable en situation monopolistique. C’est le nôtre.
Le nouveau régime doit associer une monarchie campée et limitée sur son domaine régalien stricto sensu, et une démocratie directe en matière civile. C’est le modèle suisse, adaptable à la strate administrative qui subsistera après le décapage à l’acide du mille-feuilles institutionnel.
La monarchie parlementaire du Nord ne pourrait être qu’un mode d’accession tranquille, jusqu’à prouver la pertinence du régime binaire ci-dessus. La démocratie directe est assez facile à vendre.
Analyse et commentaires entièrement partagés avec @DC. Et quelques compléments. Les deux révolutions anglaises, 1649 (exécution de Charles 1er, 9 février), et 1688 (Déclaration des Droits) eurent pour objet d’imposer que le pouvoir du Parlement et de la Loi supplantent celui du Monarque. C’était cent ans avant les fleuves de sang dont nous sommes si fiers … Pâle copie. Il parait que notre Déclaration est nettement supérieure car elle est universelle. Oubliant que l’Univers du 18ème siècle se limitait à l’Europe.
L’économiste érudit Jean-Marc Daniel rappelait récemment que lorsque madame Thatcher entreprit de casser la dictature des syndicats afin de restaurer un pays saccagé, elle ignora la rue, répondant qu’elle ne parlerait qu’au parlement, seul représentant du peuple. Comparons les situations !
Nous avons tous vu que selon la tradition, tous les Britanniques portent en ce mois de Novembre, le coquelicot en souvenir des tueries des Flandres et de la Somme. Chez nous, on ergote pour savoir comment nous allons organiser le centième anniversaire du tocsin du 1er Août 1914 ….
Les Britanniques n’ont pas d’effort à faire pour aimer leur pays. Le Monarque est vénéré, et le Times porte en français la devise « Dieu et mon Droit ». J’aime le mien, mais c’est en souvenir d’un passé glorieux, en supportant tant bien que mal la pourriture qu’une ombre de pouvoir répand aujourd’hui dans notre société.
Analyses pertinentes de tous.
Nous savons en France faire les constats d’échec mais pas les révolutions de velours. Il faudrait tout remettre à plat et changer de constitution. Au lieu de ça on vit sur des réminiscences napoléoniennes et on rajoute lois sur lois jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien et passe le temps à les contourner.
A force de politiquement correct de contritions mazochistes et de propagandes altruistes on fait tout l’inverse ce ce qu’il faut faire dans une bonne politique de l’émigration.
Persuadés que nous sommes les meilleurs et les leaders dans les droits de l’homme et pour le bonheur des nations notre peuple vit mal et perd son identité tout en n’étant pas préparé à affronter la mondialisation.
François Guizot écrivait que la révolution anglaise avait abouti parce que les réformateurs la décidèrent a minima. Leur révolution n’en fut pas vraiment une au sens littéral.
http://books.google.fr/books?id=_4TSAAAAMAAJ&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
Les blocages actuels, convergents et divergents qui s’exercent dans le plus grand désordre nous indiquent que la réforme indispensable à la survie de ce pays ne pourra pas se faire sous les auspices de la raison mais sous les foudres de la guerre civile.
C’est toute la différence avec notre « ennemi héréditaire » 🙂
@catoneo
Que serait donc une révolution au sens littéral, ou selon Guizot ? C’est un fait que le bilan économique de notre révolution reste un sujet d’études, malgré quelques ouvrages, René Sédillot, Florin Aftalion. C’est absolument vrai que l’on ne sait rien faire en France, sans guerre civile. Les réformes des jacobins et des montagnards pouvaient très bien être conduites sans la terreur. Dans nos causeries au coin du feu, Hilaire De Crémiers nous a rappelé récemment que le Code Civil n’avait de Napoléon que le nom. En réalité processus d’unification lancé à la demande de Louis XV par son chancelier d’Aguesseau. On pourrait multiplier les exemples. Pour relever qu’en définitive notre Histoire évolue selon une grande continuité, plongeant ses racines loin dans le passé, et que l’on pourrait s’épargner de terribles soubresauts. Je viens de lire le dernier Marc Ferro sur Pétain. Contestable sur beaucoup de points, cet historien très à gauche est bien obligé de nous dire que la charte du travail d’Octobre 1941 est la matrice du Smic, des zones de salaires régionales, des comités d’entreprise, de la législation sur les accidents du travail, du prix du meilleur ouvrier de France. Et Ferro oublie la retraite par répartition ! Et De Gaulle signe l’ordonnance du 9 Août 1944, écrite par René Cassin qui nous dit que « …Aussi bien des textes législatifs ou réglementaires sont intervenus qui n’eussent pas été désavoués par le régime républicain et des actes administratifs individuels ont été pris qui n’ont été inspirés que par l’intérêt bien compris de la bonne marche des services … ». Ce qui n’a pas empêché la guerre civile de la Libération. Pour quel bénéfice ?
Révolution ? Un tour sur soi-même 🙂
Le libelle de Guizot ne fait que 56 pages (c’est moins que la somme de Burke) et mérite une lecture attentive, facilitée par un style très fluide et agréable comme celui de son époque. Il y développe son point de vue (huguenot) et ne fait pas une fastidieuse recension universitaire.
La réponse à votre question y est toute dedans 🙂