Présentée comme une réforme de fond devant pérenniser le système français de « retraite par répartition », le projet proposé par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, après être passé de justesse à l’Assemblée nationale, a été provisoirement rejeté en commission par le Sénat… pour de mauvaises raisons !
Cette nouvelle réforme des retraites, proposée par le Gouvernement, n’est en fait qu’un ajustement comptable reposant sur des hypothèses qui ne résultent que de la politique du chien crevé au fil de l’eau et sur des solutions qui ne sont qu’autant de faux-semblants.
Le projet de loi se veut une « réforme structurante » du système de retraite, permettant de sauvegarder le système français de « retraite par répartition » jusqu’en 2060, au moins ! Objectif ambitieux qui a eu du mal à convaincre les députés et qui a soulevé le scepticisme parmi les sénateurs membres de la Commission préparatoire. Chef d’œuvre de « motion » du parti socialiste, le texte ne satisfait personne. Il est vrai qu’il repose sur des hypothèses improbables, qu’il ne fait qu’accroître l’ambiguïté fondamentale du système français et qu’il méconnaît – pour ne pas dire qu’il nie – le seul fondement du financement des retraites.
Des hypothèses improbables…
Ces hypothèses improbables sont celles retenues par le Conseil d’orientation des retraites (COR) qui s’est contenté de projeter les tendances actuelles, sans chercher à savoir si elles sont ou non réalistes. Ces hypothèses considèrent l’état comme un simple spectateur des tendances récentes, incapable d’influencer en quoi que ce soit l’évolution du pays..
Le projet retient un taux de fécondité moyen de 1,95 enfant par femme entre 2015 et 2060. Autrement dit, d’ici à 2060, les générations de Français ne pourront pas se renouveler, ni même se maintenir et cela en dépit du fait que l’espérance de vie passera de 82,2 à 88 ans pour les hommes et de 87,2 à 92,3 ans pour les femmes. La population française devrait donc diminuer dans les années à venir, sauf à être compensée par un solde migratoire considéré par le COR comme constant sur la période à 100 000 étrangers supplémentaires chaque année. C’est-à-dire qu’à partir de 2036 ou 2037, le nombre d’étrangers s’installant en France sera supérieur au nombre des naissances d’autochtones, que ceux-ci soient Français depuis une ou deux générations, ou plus. Dans ses statistiques, le COR estime par ailleurs que le « taux de chômage à long terme » pourrait baisser jusqu’à 4,5 %, autrement dit que le gouvernement a trouvé le système permettant, non seulement d’« inverser la courbe du chômage » comme l’a promis le président Hollande pour 2013, mais encore de relancer une économie qui serait nettement plus efficace que pendant les « Trente Glorieuses » ! Malgré ces projections merveilleuses, « il n’y aurait plus que 1,5 actif pour un inactif de plus de 60 ans en 2060, contre 2,1 en 2010 ».
Au-delà de ces chiffres, il apparaît que les statistiques retenues ne reposent que sur des extrapolations des calculs actuels, comme si les politiques des gouvernements se succédant ne pouvaient avoir aucune influence, qu’ils soient de droite ou de gauche… ou d’ailleurs !
… pour maintenir un système ambigu
On nous présente aujourd’hui le système français comme un régime de retraite par répartition. Mais, par nature, un système de retraite par répartition est un système équilibré. Si les retraites de ceux qui ne travaillent plus, dépendent uniquement de la solidarité des jeunes générations, le total des rentes versées doit strictement être égal au montant total des cotisations prélevées. Il en résulte que soit les pensions doivent varier algébriquement en fonction du montant des cotisations versées par les actifs et du nombre de ces actifs, soit les cotisations des actifs doivent varier en fonction du montant des pensions à verser et du nombre des pensionnés. Dès lors que le taux de fécondité retenu (1,95 enfant par femme) ne permet pas le renouvellement des générations, ou le niveau des pensions devra inéluctablement baisser, ou le niveau des cotisations pesant – directement ou indirectement – sur les actifs devra augmenter. Mais, dans un tel système, le montant des « cotisations » de retraite versées par les actifs ne donne droit à aucun niveau de pension ultérieure pour ceux qui cotisent. Ils ne mettent pas d’argent de côté pour leurs vieux jours, ils ne font qu’accomplir un devoir de solidarité vis-à-vis de ceux qui les ont précédés. Autrement dit, il est faux de dire que le montant de la retraite à laquelle chacun pourrait avoir droit demain dépend du montant de ses cotisations. Dans la mesure où l’on veut rattacher le montant des pensions de retraite à celui des cotisations versées, on n’est plus dans un système de retraite par répartition mais dans un système de retraite par capitalisation qui ne dit pas son nom.
Dans ces conditions, si la date de départ à la retraite a pour effet de définir à partir de quand chacun pourra jouir de la solidarité des plus jeunes, la durée de cotisation permet seule de définir la durée minimale d’effort demandée en faveur des aînés et la quote-part acquise dans les droits à cette solidarité. Dans ces conditions, il n’est pas anormal de moduler cette durée de cotisation en fonction de l’utilité du travail pour la société ou de sa pénibilité, mais cela n’est ni plus ni moins normal que de tenir compte de ces facteurs dans le montant des rémunérations versées au cours de la vie active.
Ajoutons que, dans le cadre actuel et compte tenu des régimes particuliers, un véritable système de retraite par répartition amènerait à diviser par plus de deux le montant des pensions versées aux retraités de la SNCF, mais à augmenter le montant de celles versées aux membres des professions libérales !
Car il n’est de richesse que d’hommes
Le seul point commun à tous les systèmes de retraite c’est le niveau de production réelle du pays et la nature de cette production. Globalement, les retraités ont des consommations qui s’apparentent fondamentalement à celles des actifs. Dès lors, un système de retraite pérenne repose toujours, dans tous les pays et à toutes les époques, sur deux composantes essentielles : le nombre d’actifs et la nature de leur production. Il en résulte qu’une réforme du système ne peut reposer que sur ces deux seuls éléments que sont la politique familiale et le rapport entre le nombre d’actifs dans le système « productif » et de ceux dans le système « administratif », qu’il soit privé, para-public ou totalement public.
En effet, à terme et surtout dans les périodes difficiles, on ne peut demander un effort de solidarité qu’aux personnes qui ont des raisons extra-économiques de se sentir solidaires. Et quelle raison plus solide existe-t-il que celle du sang ? Si l’on ne demande pas d’abord à l’enfant d’aider ses parents dans le besoin, comment pourra-t-on le demander à l’étranger ? Ce n’est que sur la solidarité familiale et nationale que l’on peut vraiment compter pour assurer la relève de la population et donc la continuité du pays et de ses valeurs.
*Article paru dans Politique magazine n° 123 , novembre 2013
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