Quand la politique se ramène, comme on vient de le constater une fois de plus avec la publication des derniers chiffres du chômage, à une querelle d’épiciers, c’est que le politique est en pleine déliquescence. Certes, M. Hollande n’a fait, dans ce domaine, que mettre ses pas dans ceux de son prédécesseur, mais, avec lui, les choses semblent aller de mal en pis.
Même si le règne de l’opinion est un facteur délétère, on ne peut éviter de se demander pourquoi ce président est plus impopulaire qu’aucun autre chef de l’Etat avant lui. Il est élu en mai 2012 (avec, il ne faut jamais l’oublier, l’apport quantitativement décisif du vote des banlieues) sur un programme utopiste et mensonger – il promettait alors que la France surmonterait la crise financière et économique sans sacrifices ni remises en cause véritables, grâce à l’interventionnisme étatique et à une hausse des impôts sur les « riches ». En fait, malgré qu’en ait M. Moscovici, reprise et croissance ne sont pas (pas encore ?) d’actualité tandis que classe moyenne et bas salaires sont essentiellement sollicités par des taxes et impôts nouveaux, les « gros » de la banque et du grand patronat restant plutôt épargnés (malgré quelques opérations de « com » comme la renonciation de M. Varin).
Facteur aggravant, le gouvernement de M. Ayrault semble divisé, incompétent et sans autorité (écotaxe, taxation rétroactive des assurances-vie, hausse de la fiscalité des entreprises, etc.), au point que la révolte gronde, notamment chez les agriculteurs, les professionnels de l’agroalimentaire, les pêcheurs, les chauffeurs routiers, etc. Cette révolte se double – et c’est bien – du refus de beaucoup de toute récupération par le système à travers ses syndicats et ses partis. Mais jusqu’où peut-on aller trop loin sans mettre en péril, au-delà du gouvernement, voire du régime, le pays lui-même dont l’Etat reste, qu’on le veuille ou pas, le garant et l’incarnation ?
Le parti au pouvoir en est réduit à lancer de pitoyables campagnes de diversion (par exemple sur le racisme), alors que, dans le même registre, les médias agitent le chiffon rouge de l’extrême droite dite populiste, laquelle devrait profiter, dans les urnes, de la défiance généralisée vis-à-vis de l’Europe (74% des personnes interrogées dans le dernier sondage IFOP). On va jusqu’à prêter un bel avenir à des chevaux de retour, notamment certains féodaux régionaux comme M. Juppé ou Mme Aubry, parfaits représentants d’une certaine bourgeoisie urbaine et européiste et co-responsables par leurs errements passés de la situation actuelle !
Certes, il y a ceux, il en reste, qui continuent de penser que le chef de l’Etat tient le cap, qu’il faut lui laisser le temps. Ils ont raison de privilégier le facteur temps et on aimerait presque les croire. Mais serait-ce bien raisonnable ?
Mon cher Louis-Joseph, votre analyse démontre que nous vivons une crise de la représentation, qui a pour cause principale la superposition des conflits de légitimité : ceux-ci ne se tranchent plus » hiérarchiquement », comme à l’époque où une légitimité en primait tout naturellement une autre.
Confrontés à cette crise, les hommes politiques s’en remettent aux résultats des sondages, qu’ils consultent obsessionnellement comme les patriciens romains consultaient autrefois les haruspices. Mais les instituts de sondages, qui se trompent souvent, sont eux-mêmes avant tout formés à réaliser des études de marché.
Ils n’obtiennent jamais de réponses qu’aux questions qu’ils posent, ce qui leur permet d’ignorer celles que les électeurs se posent.
Cette opinion publique n’a évidemment plus rien à voir avec la volonté générale. Tandis que les hommes politiques doivent en permanence regagner la confiance de leurs électeurs, un fossé s’est creusé entre les citoyens et une classe politique qui semble ne plus avoir d’autre ambition que de se reproduire à l’identique.