Dans son Journal d’une femme de cinquante ans(1), la marquise de La Tour du Pin relate son 21 janvier 1793 ; ils étaient réfugiés chez une amie à Passy, village alors hors les murs.
Pour les situer : Gouvernet, son mari, avait été colonel du Royal-des-Vaisseaux, puis après un poste diplomatique à La Haye fin 1791, il parvint après bien des péripéties à émigrer en famille aux États-Unis. L’Empire et Talleyrand ayant sollicité son concours, il ne purent obtenir son accord que tardivement pour la préfecture de Bruxelles ; la Restauration lui confia les ambassades des Pays-Bas puis de Sardaigne après le Congrès de Vienne où il négocia dans la délégation française, puis il refusa l’usurpation de 1830 ce qui lui valut la prison. Elle-même avait été dame de compagnie de la reine à Versailles, comme sa propre mère auparavant ; c’était une Dillon de grand caratère, capable de tout faire et experte en chevaux, Dillon du régiment irlandais, Dillon aujourd’hui du rhum Dillon de Martinique. Les voici à la fenêtre de Mme de Poix :
« Le matin du 21 janvier, les portes de Paris furent fermées, avec l’ordre de ne pas répondre à ceux qui en demanderaient la raison au travers des grilles. Nous ne la devinâmes que trop, et appuyés, mon mari et moi, sur la fenêtre de notre maison qui regardait Paris, nous écoutions si le bruit de la mousqueterie ne nous apporterait pas l’espoir qu’un si grand crime ne se commettrait pas sans opposition. Frappés de stupeur, nous osions à peine nous adresser la parole l’un à l’autre. Nous ne pouvions croire à l’accomplissement d’un tel forfait, et mon mari se désespérait d’être sorti de Paris et de ne pas avoir admis la possibilité d’une semblable catastrophe. Hélas le plus grand silence continua à régner dans la ville régicide. A 10 heures et demie, on ouvrit les portes, et tout repris son cours comme à l’ordinaire. Une grande nation venait de souiller ses annales d’un crime que les siècles lui reprocheront !… et pas une petite habitude n’était dérangée » (T.I-ch.XIII-§.II).
Le sang de Louis XVI devait être, selon son dernier vœu rapporté par Sanson, le « ciment du bonheur des Français ». Hélas, nous entrâmes dans un tunnel de cent cinquante ans de guerres et de dévastations ! Que l’on croit ou non en la justice immanente, le sang du roi est retombé sur nos têtes. Nous sommes les héritiers indivisaires du péché monstrueux de nos pères qui est plus difficile à laver que le péché originel, racheté, lui, par la venue du Christ. Est-ce pour cela que nous en sentons encore le poids ?
Le temps existe-t-il ou n’est-il que convention de la Relativité ? Nos mœurs, nos choix d’aujourd’hui ont-ils pesé jadis ? Vraie question si l’on abolit l’abscisse des temps : sommes-nous maintenant coupables en pensées et en actions de laisser retentir en nous les désordres révolutionnaires d’antan ? Que renvoyons-nous aux mânes des suppliciés de Septembre de plus que nos petites lâchetés et une prière rapide chaque 21 janvier ? L’acceptation discrète de notre asservissement moral et matériel, le confort du jacobinisme transmuté en social-démocratie orwellienne, le laisser-passer donné à de nouvelles hordes sans combattre ! Sommes-nous dignes de leur martyre ? Moi, j’en doute, et c’est en ce sens que j’éprouve une gêne à chaque anniversaire du 21 janvier 1793.
Le marquis de La Tour du Pin Gouvernet, pourtant habitué au carrousel des régimes, lui, n’accepta pas les Trois-Glorieuses. A 73 ans, il se jeta sans hésiter dans la révolte de Marie-Caroline de Bourbon-Siciles quoiqu’il ait dû lui en coûter fors l’honneur. Il prit trois mois de forteresse !
Marcher pour le Roi Mort est une manifestation nostalgique de tradition. En conscience, elle nous semble nécessaire et le serait sans doute davantage si nous la vivions comme une expiation, non tant du crime que de notre réserve. C’est ce qu’évoque la chapelle érigée par Louis XVIII au cimetière de la Madeleine vers laquelle nous devrions marcher la tête couverte de cendres, du moins s’en oindre le front et ranger les bannières, à défaut de pouvoir prendre les armes.
La conjuration du mauvais sort passe par l’instauration d’un roi qui renouera les fils de notre destin. Prions pour nous d’abord ! Louis-Auguste de France est, lui, tiré d’affaire. Pas nous !
Messes partout (cf. lafautearousseau). Cortège de l’Action française à Paris, de La Madeleine au Square Louis XVI, ce dimanche 19 janvier 2014 à 18h45.
Catoneo
Note (1) : Cet ouvrage est en accès libre à la Gallica.
Dillon, Dillon…. L’irlandais Arthur Dillon avait pris parti contre le prétendant protestant Guillaume d’Orange. Il débarqua à Brest, à la tête de son régiment en 1690, pour se mettre au service de Louis XIV. A partir de là il gagna chaque grade par une action d’éclat: C’est un de ses petits-fils, qui achètera la plantation martiniquaise qui porte son nom. Mais Dillon est également un nom que les toulonnais ne peuvent oublier !
Nous sommes au début aout 1707 et le comte de Dillon est arrivé pour défendre Toulon avec les bataillons qui venaient du Queyras.
Le siège de Toulon par les coalisés est alors très dur à soutenirdepuis juillet mais….
le maréchal de Tessé décida de tenter une action décisive: Le 15 août, au milieu de la nuit, par une pluie battante, pour la première fois l’artillerie était muette. Tout à coup à Sainte-Anne, le pas cadencé de nos soldats retentit sur le sol ; 14.000 hommes de toutes armes auxquelles s’étaient joints des bourgeois, des ouvriers, des paysans accourus à la défense de leurs foyers, sortirent du camp. Le vent faisait battre nos drapeaux d’une telle force que c’était le seul bruit qu’on entendait, tant le silence des soldats était grand. Le maréchal s’avança sur trois colonnes jusqu’au pied des hauteurs de Sainte-Catherine.
Une quatrième colonne, était partie de bonne heure, avec six pièces de canons portées à dos de mulets. Si elle parvenait à la Croix du Faron, elle devait faire un signal sur lequel le maréchal de Tessé commencerait l’attaque. Elle était commandée par le comte de Dillon, que les soldats, émerveillés de son intrépidité avaient surnommé le « comte de Frappe-fort ».
La colonne de Monsieur de Dillon, après six heures d’une marche très pénible, avait attaqué à revers nos ennemis. L’affaire fut très vive, mais nos troupes finirent par l’emporter à la baïonnette et nos grenadiers poursuivirent les coalisés jusqu’à La Valette, où les officiers de Dillon eurent de la peine à les empêcher de s’engager plus avant.
Au point du jour, Dillon avait enlevé la redoute du Faron. et l’avait annoncé au maréchal par trois fusées. Aussitôt, les trois colonnes s’ébranlèrent du camp Sainte Anne et la véritable bataille s’engagea.
La colonne de gauche coupant le quartier de La Loubière tomba sur trois bataillons allemands: de Hesse, d’Offen-Palatin et de Konigretz impérial,et d’un bataillon savoyard. Il les troussa au point que les ennemys sauvèrent leurs drapeaux en fuyant en chemise.
La colonne du centre trouva plus de résistance mais après un combat d’une demi-heure, nos grenadiers menèrent tambour battant les ennemis au delà de la hauteur d’Artigue.
Pour sa part la colonne de droite livra une véritable bataille. Nos marins et nos grenadiers prirent le plateau de la chapelle de Sainte-Catherine comme à l’abordage au milieu d’une grêle de balles et après un combat très vivement disputé à la baronnette, finirent par en rester maîtres.
Les ennemis se retirèrent en désordre dans les vignes vers le pont de l’Eygoutier. Là les coalisés résistèrent pendant plus de deux heures, ayant à leur tète le prince de Saxe-Gotha. La lutte se soutenait de part et d’autre avec la plus grande vigueur. Le prince de Saxe-Gotha demanda des secours au duc de Savoie, qui lui envoya quatre bataillons ; mais ils n’étaient pas arrivés encore lorsque les troupes de M. de Broglie, les culbutèrent au son des fifres et tambourins du régiment de Provence.
Le prince se défendit avec une rare intrépidité puis tomba mort, atteint de deux balles. En même temps le duc de Wurtemberg, qui cherchait à rallier ses troupes prises de panique, fut blessé grièvement et transporté à la Valette, où il expira le lendemain.
Les Français avaient chassé le Prinz Eugen von Savoyen et son General-Feldmarschall-Lieutnant Prinz von Wurtemberg, des hauteurs du Revest.
Merci à Monsieur le comte de Dillon; merci au « comte de Frappe-fort » !
Parceque Toulon !