France 2 a diffusé, hier soir, Le dictateur.
A plusieurs reprises, dans les jours qui ont précédé, Laurent Delahousse (co-auteur avec Laurent Seksik du film inédit sur Chaplin, diffusé juste avant) est venu présenter ces deux films, insistant sur le fait qu’ « en 1936, avant tout le monde, il (Chaplin, ndlr) perçoit les enjeux de la folie hitlérienne… »
Laurent Delahousse est un bon journaliste, qui, habituellement, fait bien son travail. On nous permettra juste de dire que, sur ce point précis de la dénonciation du « danger, Hitler ! », il est dans l’erreur (ou l’ignorance) la plus complète.
Dès 1930, dans son Journal, Jacques Bainville dénonçait « l »énergumène » et « l’agitateur » et annonçait son antisémitisme; et cela ne devait pas cesser : en 1935, il l’appelait « le monstre » et le Minotaure ».
Voici les textes (on pourra se reporter à notre Album (174 photos) : Maîtres et témoins…(II) : Jacques Bainville.) et nous donnerons, demain, trois autres extraits du même Journal, datés des 9 et 26 novembre 1933, et du 5 janvier 1934, dans lesquels Bainville dénonce les persécutions antijuives et le racisme d’Hitler, splendidement et volontairement « ignorées » (!) par les dirigeant européens de l’époque, tous pays confondus… : alors, Laurent – et, sans rancune… – qui a perçu, avant tout le monde, les enjeux de la folie hitlérienne ?…
1. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 26 Juin 1930 :
« Tandis que le chancelier Brüning est toujours à la recherche d’un ministre des finances, il se passe en Allemagne des choses singulières. Pays déconcertant, pays à surprises, auquel on ne peut faire confiance qu’en se méfiant beaucoup. Les succès électoraux que remporte Hitler ne sont-ils pas un phénomène prodigieux ?
Quel est le programme de cet agitateur ? Toutes les outrances. Il est à la fois nationaliste et socialiste : c’est même le double nom du parti qu’il a fondé. Il est pour la revanche et contre le capitalisme. On a dit que son drapeau pourrait être le drapeau rouge avec la croix gammée, signe de ralliement des antisémites. Hitler joue sur tous les tableaux de la démagogie violente. Et tout ce qui ferait qu’ailleurs, dans un pays sensé, il ne serait suivi que par une poignée d’énergumènes, lui attire en Allemagne une clientèle qui s’accroît tous les jours. »
2. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 3 décembre 1930 :
« Comment empêcher l’Allemagne de se donner un régime national-socialiste et de se vouer à Hitler, si elle en a envie ? C’est une démocratie libre. Elle a le droit de disposer d’elle-même. Hommes et femmes votent et revotent. « Mon corps est à moi. »
Le programme des nazis ne tient pas debout. Toute la doctrine hitlérienne, si cela peut s’appeler une doctrine, est une suite de négations, une collection d’anti. C’est une pure démagogie, mais qui semble très bien adaptée au caractère allemand et faite pour lui plaire. Plus c’est absurde, plus c’est outré, et plus cela réussit. L’Allemagne n’est pas un pays où il soit vrai de dire que tout ce qui est exagéré ne compte pas. Il n’y a même que l’exagération qui, chez elle, paraisse avoir des chances de réussir. »
3. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 27 février 1935 :
« Qui eût dit qu’Adolphe Hitler, l’énergumène en chemise brune, recevrait un jour la visite du ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne ? Qui l’eût dit après le massacre du 30 juin, après l’assassinat du 25 juillet ? (respectivement, « Nuit des longs couteaux » et assassinat du chancelier autrichien Dollfuss, ndlr) On a pour l’Allemagne hitlérienne plus d’égards encore que pour l’Allemagne républicaine. On lui passe tout.
Pour les Allemands, quelle justification de la violence ! Pour les autres, quel étrange moyen de fonder la paix sur la moralité !
Le gouvernement britannique croit que le moment d’une grande tentative d’accord pacifique en Europe est venu. Il faut s’entendre ou périr. En tout cas, ajoute-t-il, on ne risque rien à sonder les dispositions du Führer… C’est vrai pourvu qu’on ne lui fasse pas sur l’essentiel des concessions imprudentes et qu’on ne ferme pas les yeux à la réalité de ses armements, tandis que lui-même aura toute facilité de tromper des partenaires trop complaisants. »
4. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 2 mars 1935 :
« …Sir John Simon sera dans quelques jours à Berlin. Il verra Hitler, c’est-à-dire le monstre lui-même. Quel espoir y a-t-il de conclure un traité de désarmement avec le Minotaure ou de le signer autrement que pour se faire dévorer ? »
Illustration : « agitateur », qui « joue sur tous les tableaux de la démagogie violente »; « énergumène » au « programme qui ne tient pas debout »; « monstre », « Minotaure »…
On comprend Otto Abetz, qui n’avait rien oublié, lorsqu’il déclarait, presque dix ans après la mort de Bainville : « L’Action Française est l’élément moteur, derrière les coulisses, d’une politique anti-collaborationniste, qui a pour objet, de rendre la France mûre le plus rapidement possible, pour une résistance militaire contre l’Allemagne »…
Moyennant quoi, Maurras fut condamné pour « intelligence avec l’ennemi », et L’Action française interdite à la Libération !…
Oui, Bainville a dénoncé très tôt les dangers du nazisme mais il ne fut pas le seul: André Suarès et Alexandre Vialatte, tous deux fins connaisseurs de l’Allemagne, germanophones et germanophiles, l’on fait aussi; mais il était plus simple de fermer les yeux!
il est facile aujourd’hui de mettre en avant (sélectionnés avec soin) des opposants à Hitler mais on passe sous le tapis les responsabilités de nos Gouvernements qui ont désarmé et tant affaiblie notre Armée que le succès en 40 fut impossible Relire « J’étais médecin dans les chars » prix Renaudot 43 où on voit très bien que nos combattants avaient un matériel usé tombant en panne en plein combat. d’ailleurs, à propos de la « victoire » de Montcornet du colonel De Gaulle, il n’y a aucune allusion.
question????