Il y a huit cents ans, dans la Famille de France, l’an 1214 fut d’abord marqué par une naissance : celle du futur saint Louis, à Poissy. Le père, alors encore Dauphin – il ne deviendra Louis VIII que neuf ans plus tard -, avait 26 ans. C’est pour fêter cet anniversaire, que, le jour même du 25 avril, près de cent de mes amis sont venus au Domaine royal de Dreux pour assister, autour de la princesse Philoména, nos deux enfants et moi, à une messe, recueillie et priante, célébrée dans la chapelle Saint-Louis aux intentions de tous les enfants de France. Le dîner qui suivit, d’inspiration orientale – rappelant tout ce qui a relié saint Louis à l’Orient – fut un moment de rencontre amicale et paisible, ouverte et bienveillante, entre Français de tous horizons venus de Dreux, de Paris ou d’ailleurs.
Le surlendemain, à Poissy, c’est toute une foule qui remplissait la collégiale autour du Comte de Paris, en présence du maire de la ville, pour assister à la messe concélébrée par l’évêque cle Versailles et le curé de Poissy. Une cérémonie a suivi, mettant à l’honneur la statue de saint Louis érigée devant la collégiale.
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Commémorant cette naissance historique, la Famille de France ne pouvait cependant oublier le grand-père du nouveau-né, le roi Philippe II, qui, trois mois plus tard, allait remporter la bataille de Bouvines, er mériter le nom que lui a conféré la postérité : Philippe Auguste. Car au moment même où l’on se réjouissait de l’heureux évènement, les ennemis du royaume de France méditaient sa perte : les Anglais dc.Tean sans Terre avaient débarqué à La Rochelle, et les impériaux d’Otton IV constituaient en Flandre une imposante armée. Leur objectif était de se retrouver à Paris. Le roi Philippe envoya son fils le prince Louis, tout jeune père, à la tête d’une armée qui, le 2 juillet 1214, à La Roche-aux-Moines près d’Angers, mit en fuite le roi anglais. Le futur Louis VIII était devenu Louis le Lion.
Trois semaines plus tard, le roi Philippe, sachant – comme le saura Napoléon – qu’il ne faut pas se battre sur un terrain choisi par l’adversaire, attire Otton IV là où ses forces, supérieures en nombre, perdront de leur efficacité.
Ce 27 juillet 1214, avant la bataille, au bord dc la rivière Marque, près du pont de Bouvines, le roi donne l‘accolade aux chevaliers de sa maison. Puis il va se recueillir dans une église proche, placée sous l‘invocation de Saint Pierre : « Seigneur je ne suis qu’un homme, mais je suis roi de France ! Vous devez me garder sans manque. Gardez-moi et vous ferez bien car, par moi, vous ne perdrez rien. Or donc, chevauchez, je vous suivrai, et partout après vous j’irai… » Il pense à son fils, Louis, auréolé de sa récente victoire, et appelé à lui succéder aujourd’hui même sous le nom de Louis VIII, si lui, Philippe, venait à périr sur le champ de bataille. Et comment ne penserait-il pas à l’autre Louis, dont la naissance trois mois auparavant avait rempli son cœur de joie : la continuité dynastique était assurée sans que nul ne puisse encore se douter qu’elle serait assurée par un saint.
Sortant de l’église « rayonnant de joie, comme si on l’eût invité à une noce », le roi Philippe part au combat. Le soir, la bataille achevée, son destin est scellé : il va devenir et rester le seul roi à avoir quadruplé le territoire français. Il était devenu Philippe Auguste.
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À quelles clés attribuer le succès de Bouvines ? Je m’étais posé la question lors d’une journée mémorable que j’y ai passée, à l’occasion d’un voyage dans le Nord, en mars 2004. Cette prouesse est d’abord due à une stratégie et une tactique militaire d’une grande lucidité qui ont eu raison du nombre supérieur des adversaires clu royaume (supériorité souvent évaluée à deux contre un).
L’autre grand facteur de la victoire est le sens politique et diplomatique de Philippe, qui lui vaudra des appuis décisifs. Notamment celui des communes qui, en grand nombre, vont répondre à son appel. La solidarité communale a toujours été essentielle en F rance, comme cela reste le cas aujourd’hui dans la vie politique de notre pays. Les familles et les communes sont les premières cellules constitutives de la nation française. La solidarité qui s’est révélée à la veille de la bataille de Bouvines – et qui a joué son rôle dans la victoire -, constitue, bien plus que Valmy et que tout autre évènement, l’acte de naissance dc la France comme nation.
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Itlais pLrisque nous sommes à la fois dans l’année Saint Louis e dans l’année Bouvines, j’aimerais aussi souligner ce que fut la similitude de parcours entre le grand-père et le petit-fils.
Philippe Auguste, par son action énergique et lucide, avait pour objectif d’assurer la paix des terres françaises vis à vis de l’extérieur. Saint Louis, qui a voulu apporter la paix du Christ à l’autre bout de la Méditerranée, a d’abord dû assurer la paix vis-à-vis de l’intérieur En butte à une révolte de barons conduite par le poitevin Hugues de Lusignan, c’est dans la fidélité à l’esprit de son grand-père qu’il lance une campagne militaire. En avril 1242, il se rend à l’abbaye royale de Saint-Denis et se saisit de l’oriflamme, l’étendard de guerre des rois de France : « Dieu, par la grâce et prières de notre glorieux patron, Monseigneur saint Denis, nous doint avoir victoire de tous nos ennemis ». Trois mois plus tard, le 21 juillet, sur les bords de la Charente, il remporte la victoire de Taillebourg.
La bataille de Taillebourg, qui a inspiré le célèbre tableau de Delacroix de la galerie des Batailles à Versailles, est aussi représentée dans un vitrail de la chapelle royale Saint Louis à Dreux.
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Cette cornmémoration est très importante. Dans la prise de conscience de nos solidarités nationales, le rôle de la mémoire collective est considérable. Qu’on pense à la résonance qu’a connue la commémoration à Arromanches des 60 ans du débarquement de Normandie à laquelle j’ai assisté, invité par le général de Boissieu, alors chancelier de l’ordre de la Libération. Si la France a pu demeurer un pays de liberté, c’est parce que ces grandes batailles, au moment où il le fallait, ont pu être livrées et gagnées.
Des batailles, il y en a toujours à livrer pour défendre ce à quoi on croit : notre liberté de conscience, la défense des plus faibles, mais aussi celle des honnêtes gens de notre pays – ce que, dans mon action, j’ai toujours cherché à faire. Pendant dix ans, je l’ai fait à travers Gens de France. Aujourd’hui, dans un contexte différent, en m’appuyant sur une autre structure, le fonds de dotation Prince Jean, c’est toujours le même combat que je mène, dans la fidélité à l’esprit de Bouvines, et en sollicitant la protection du plus saint des rois.
Source : La nouvelle revue universelle, 7 rue Constance, 75018 PARIS
Beau texte et intéressant. Le Prince à raison de montrer la Famille de France comme une continuité, de relier ces temps anciens, les évènements familiaux de l’époque dans cette même famille, l’action des rois dont il parle, à la Famille de France d’aujourd’hui, à sa présence, à sa propre action. C’est beau et c’est utile parce que, même s’ils ne regnent pas, ils sont, comme je l’ai lu ici, un recours pérenne pour la France. Apparemment, ce n’est pas pour demain.., Mais la situation se dégrade à un point el et si vite, que des surprises sont possibles. À leur époque, Clémenceau, Pétain, De Gaulle, sont apparus comme des recours. Où sont les recours d’aujourd’hui ? Ceux de ma génération n’en voient pas et les partis sont tous pourris, pleins de magouilles, mène au FN. Alors, de vrai recours, il n’y a que le Prince. Vive le Prince !