Paris n’est plus qu’une cité de femmes, mais où Lysistrata, loin de le retenir, exhorte « son homme » à se bien battre et à vaincre. Le seul péril, c’est que cet héroïsme féminin ne revête quelque jour une autre apparence et que Lysistrata ne s’arme d’un bidon de pétrole. On me dit que le maire d’une grosse agglomération suburbaine de 50.000 habitants voit croître le danger tous les jours et s’attend à être fusillé, ou plutôt écharpé, si les femmes et les enfants, d’ici peu, ne reçoivent pas de nourriture.
Fait un tour à Montmartre, le matin. Aspect sinistre des bastringues. La bohême galante a pris un aspect sordide. Dans les cafés, des filles hâves qui semblent n’avoir plus d’autre domicile pour être déjà là à l’heure où elles se couchent. La guerre a surtout désorganisé le plaisir et mortellement blessé le vice. On n’entend dire nulle part que les appelés aient passé en orgies leurs derniers jours…
Sur une boutique d’ « ameublements » du boulevard de Clichy, on lit en grosses lettre à la craie : « Je part pour la guerre. Vive la France. X… » Si je part est fautif, je part pour est louable. Ce mépris de l’orthographe, et cet instinct de la syntaxe, c’est tout le Français. Le marchand de meubles du boulevard de Clichy se battra comme il écrit : pas tout à fait dans les règles, mais avec quel sentiment du combat !
Illustration, Auguste Chabaud
Michel MICHEL sur Société ▬ Quand le consentement devient…
“Ce texte admirable montre comment l’idéologie du contrat s’applique de façon surréaliste dans des domaines où…”