Longue lettre de G…, parti avec sa batterie pour la grande bataille de Belgique. Je transcris ces impressions des premiers jours de la mobilisation dans le Nord.
« Mardi, troisième jour de la mobilisation. Reçu réservistes. Habillement. Bien des choses manquent : résultat des économies idiotes faites il y a quatre ans. Mais tout le monde a l’indispensable, un caleçon au lieu de deux, pas de bretelles. Il est vrai qu’ils s’en passent dans la vie civile. Au total, très bon esprit. Quant à la tenue, elle va se perfectionner.
Mercredi. – Réunion des capitaines par chefs d’escadrons. Tout le monde se plaint sauf moi.
Jeudi. – Je m’impatiente. Chevaux, harnachement, matériel à percevoir. Mes hommes aussi sentent que cela ne va pas vite…
Vendredi. – J’espère embarquer dimanche. Si j’ai encore huit jours avant la bataille, je suis sûr de faire de bon ouvrage. Je ne craindrai aucune batterie et mon chef d’escadron le sait. Pourvu seulement qu’on nous laisse saigner l’Allemagne !…
Mes hommes hier n’étaient pas contents. Le bruit court que 4.000 Allemands ont été tués, 5.000 faits prisonniers. Ils ont peur qu’il n’en reste plus. Ils promettent tous des chapelets d’oreilles de Prussiens : j’ai quelques Marocains qui sont pour quelque chose dans cet état d’esprit.
Jusqu’ici la mobilisation semble s’opérer très régulièrement. Encore quatre ou cinq jours et nous sommes sauvés… »
Brave ami ! Il laisse une femme et une petite fille de douze jours qu’il n’a fait qu’entrevoir et embrasser entre deux trains !…
Si les appelés sont bien partis et si l’état d’esprit général est très bon, c’est qu’en peu de jours on a remonté un dur courant. Le jeune X… me dit que, dans le village de Seine-et-Marne où il passe ses vacances, le premier mouvement, à l’annonce de la guerre, a été d’accuser le président Poincaré de tout le mal. Un journal de province, le Briard, je crois, menait depuis deux ans et plus grossièrement que les journaux radicaux et socialistes de Paris une campagne contre la Présidence. Le Briard ayant cessé de paraître, tout s’est calmé.
C’est en spéculant sur notre anarchie que l’Allemagne nous a déclaré la guerre. « Quelle désillusion ! » se serait écrié ces jours-ci un officier allemand prisonnier qui s’attendait à trouver la France à feu et à sang. Comme Capus l’observe dans Le Figaro, c’est la fable de notre La Fontaine : « Biaux chires loups, n’écoutez mie… » Les Allemands ont trop écouté nos discordes civiles et n’ont pas assez médité le mot de l’archiduc François-Ferdinand, celui dont l’assassinat a été le principe ou le prétexte de cette guerre : « Avec les Français, on ne comprend jamais tout à fait. »
VERDU sur Éloquence : Tanguy à la tribune,…
“Il est bon !!”