Il faudra attendre encore longtemps avant de connaître l’histoire de cette guerre. Sur la bataille de la Marne, nous n’avons pour ainsi dire pas d e détails et nous ne savons qu’une chose, c’est que nos soldats l’ont gagnée. Au prix de quels sacrifices, on l’ignore, mais ils ont du être énormes à en juger la proclamation que le général Joffre avait adressée aux combattants : « Il s’agit du salut du pays… Il faudra se faire tuer sur place plutôt que de reculer… Aucune défaillance aujourd’hui ne peut être tolérée. » Cet ordre du jour est sublime : toute la France le sait par cœur. D’autre part, le haut commandement allemand avait donné le même mot d’ordre aux armées ennemies. Et ce sont les nôtres qui l’ont emporté. Tout cela est d’une grandeur qui passe ce qu’on a vu même, je crois, en 70, par la simplicité, le calme, le sang-froid dans l’héroïsme. Heureux ceux qui auront vécu ces batailles, remporté ces victoires. Et quelle élite cela nous prépare, pour quel peuple trempé » comme un acier !
La vie à Bordeaux est d’une insupportable platitude pour tout ce qui garde un peu de sang dans les veines. Le gouvernement est invisible et muet : il est sûr que la vie s’est retirée de là et le personnel en a lui-même conscience. J’ai aperçu aujourd’hui le président Poincaré au fond d’une automobile : il a vieilli de dix ans depuis la guerre. La fuite à Bordeaux a été une faute énorme dont les effets ne se répareront pas. Mais de quelles angoisses la fuite n’a-t-elle pas dû être précédée !
On ne songe qu’à regagner Paris : les journaux ni les journalistes n’ont plus rien à faire ici. Nous aurons eu raison de ne publier aucune édition de L’Action française à Bordeaux. D’ici huit à dix jours, le gouvernement restera seul, ne pouvant, par décence, à moins de se déjuger, revenir avant le mois d’octobre – s’il revient ! u
corcelles sur Quand, il y a 155 ans,…
“Je comprends mal la fureur de Barbey car si Flaubert – qui se prenait pour Mme…”