Si j’étais François Hollande, j’irais, dans les tout prochains jours, au journal télévisé de 20 heures et je prononcerais, après les premières notes de la Marseillaise, l’allocution suivante :
« Mes chers compatriotes,
Il est vrai que vous en apprenez de belles sur mon compte. Non seulement, je maltraite les femmes mais je hais les pauvres. Ils me dégoûtent. Je les appelle même les « sans-dents » en pouffant de rire à ma bonne petite blague. Vous croyez vraiment à ça ? Et êtes-vous restés adolescents au point de considérer que la classe politique se divise entre ceux qui aiment les pauvres et ceux qui veulent les empêcher d’aller chez le dentiste par tous les moyens ? Et comment prouver son amour des pauvres sinon en prenant la pose ? La pose du nouveau pape faisant monter les petits enfants dans sa papamobile. La pose de l’homme politique qui va dans les « quartiers » pour montrer qu’il est solidaire de ses habitants et qu’il souffre avec eux. L’amour en politique, c’est l’image de l’amour, et l’image ne doit pas tenir lieu d’action. Certes, celui qui exerce le pouvoir se doit à son prochain comme tout un chacun, mais il a affaire à la pluralité humaine, et donc la question ne cesse de se poser : qui, dans ce cas précis, est mon prochain ? Il ne vit pas dans un monde d’effusions, mais dans un monde de problèmes et de dilemmes, parfois tragiques, parfois inextricables. Est-ce tendre la main aux jeunes gens issus de milieux modestes que de supprimer les bourses au mérite à l’université et de les remplacer par des bourses sur critères exclusivement sociaux ou est-ce au contraire les pousser malignement à se prévaloir de leur origine et à demander réparation au lieu de faire l’effort nécessaire pour accéder à la culture et à un avenir meilleur ? La justice, qui est l’objet par l’excellence de la politique, requiert le discernement. Je m’interroge tous les jours pour savoir si le discernement me guide ou s’il me fait défaut. Mais visiblement vous vous en fichez. Les problèmes, ce n’est pas votre problème. Vous voulez de l’amour. Le monde, disait Chesterton, est plein d’idées chrétiennes devenues folles, et cette folie est en train de tuer la politique. J’aurais gardé un peu d’espoir dans cette tourmente si je n’avais vu, à gauche comme à droite, des Mélenchon et des Apparu s’adosser au livre de Valérie Trierweiler pour continuer d’instruire mon procès. Ils ne savent pas, les inconscients, que nous sommes, eux et moi, dans le même bateau et que ce bateau coule.
Dans la Tache, un roman qui se déroule en pleine affaire Clinton-Lewinsky, Philip Roth écrit qu’il rêve d’une banderole tendue d’un bout à l’autre de la Maison Blanche, et qui proclamerait : « Ici, demeure un être humain ». Je suis un être humain : tout aux délices de l’indiscrétion et à la volupté du sarcasme, vous n’avez pas l’air de vous en rendre compte. J’ai donc décidé de tirer ma révérence. Malgré Mediapart, je n’irai pas sur une autre planète. Mais je vous laisse, chers little big brothers et chères little big sisters. Amusez-vous bien.
Vive la République ! (mais elle est morte et ce n’est pas un nouveau numéro qui la ressuscitera). Vive la France ! (mais cette patrie littéraire n’est plus qu’un vague souvenir). A bas les réseaux sociaux ! (mais cette hydre infernale a gagné la guerre). » u
« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes » Bossuet.
Je suppose que vous avez obtenu le copyright de Libération 🙂