On m’affirme de bonne source que le général Joffre aurait déjà pu chasser les Allemands du territoire mais qu’il aurait fallu sacrifier 60.000 hommes tandis que l’opération pourra se faire à bien moins de frais à la fin de la semaine. Donc c’est pour samedi : acceptons-en l’augure.
J’ai vu ce matin l’abbé Wetterlé (1). Petit, l’œil vif, il n’a à aucun degré l’aspect ecclésiastique dans son complet veston qu’il a revêtu sans doute pour échapper aux Allemands et qu’il a gardé pour se promener à Bordeaux avec le costume si étrange et si disgracieux des Pfarrer d’Allemagne, espèce de redingote qui l’eût fait ressembler à un clergyman.
L’abbé Wetterlé est tout à la joie d’être en France et d’avoir eu raison d’être resté fidèle à la France. J’ai vu des hommes qui avaient cette joie dans le regard, cette sûreté un peu orgueilleuse dans le port de la tête, cet optimisme et cette générosité dans la poignée de main : ce sont ceux qui arrivent au jour de leur mariage avec une fiancée tant désirée. L’abbé Wetterlé est véritablement nuptial, et, jusqu’à l’anticléricalisme, il voit en beau tout ce qui est français.
Toute la presse parisienne quitte Bordeaux : nous partons ce soir. On dit même que le gouvernement songe à retourner à Paris. u
1. Emile Wetterlé (1861-1931), député protestataire d’Alsace-Lorraine au Reichstag.
Cincinnatus sur Une initiative papale qui, curieusement, arrive…
“Nous ne sommes pas capables en France d’une révolution de velours, nous sommes incapables de faire…”