Tous ceux qui reviennent de là-bas (dire que nous considérons comme un très beau résultat et même comme un succès que la bataille ait lieu non sur la Marne mais sur l’Aisne !), tous ceux qui reviennent des lieux terribles où règne la mort, disent que tous ceux qui tombent prononcent le même mot : « Maman ! ».
Pour celui qui découvre les ensembles de l’Histoire, une grande voix dominant le champ de bataille répond à ce cri des jeunes soldats qui meurent par cette clameur d’Apocalypse : « Ce sont les erreurs de vos pères que vous payez. »
Je crois de moins en moins que la postérité puisse admirer l’histoire du peuple français, qui, après avoir travaillé deux cents ans à détruire l’Allemagne, l’a reformée de ses propres mains, et qui a vécu quarante ans à côté d’une formidable puissance militaire sans se protéger contre l’agression. Il y a six mois, l’Allemagne ayant porté son armée de première ligne à 900.000 hommes et prélevé sur sa population une contribution de guerre d’un milliard de marks, il y avait une immense majorité de Français qui croyaient que c’était pour rien, pour le plaisir, que l’Allemagne s’armait jusqu’aux dents. Quand on disait aux habitants de la vallée de l’Aisne et de la vallée de l’Oise que l’envahisseur guettait leurs villes, ils riaient comme d’une bonne plaisanterie. L’Angleterre de Léon Daudet leur faisait l’effet d’un livre très exagéré, écrit par un illuminé… C’est ainsi que Lille, Maubeuge, La Fère, Reims etc., n’ont pas eu les fortifications qui eussent arrêté l’ennemi. C’est ainsi que l’insuffisance de notre grosse artillerie nous retient en ce moment devant les tranchées allemandes dans l’Aisne. Et pourtant, comme le dit le critique militaire du Berliner Tageblatt, « le dernier mot dans cette guerre appartient à l’artillerie ».
D’après le même, nos artilleurs sont excellents, notre tir parfait, notre canon de 75 hors de pair, mais l’artillerie lourde nous manque. Ce n’est pourtant pas faute qu’on l’ait dit, qu’on l’ait écrit…
Je ne crois pas non plus que la postérité admire la politique de l’Angleterre élective et parlementaire depuis 1870. Après avoir laissé se faire l’Empire allemand, elle l’a laissé grandir, elle l’a laissé devenir puissance maritime, puis elle s’est engagée dans une diplomatie qui devait la conduire un jour ou l’autre à un conflit avec l’Allemagne sans avoir une armée de terre suffisante, après avoir renoncé à l’effort qui, sur mer, par le principe du two powers standard, lui assurait la maîtrise absolue (1).
L’Histoire n’admirera ni la France républicaine ni l’Angleterre libérale. Et ces deux démocraties passeront pour des modèles d’imprévoyance et d’aveuglement. Telles qu’elles sont, avec leurs immenses ressources et le génie de leurs populations, il est scandaleux que la France et l’Angleterre soient tenus en échec par ceux que tout le monde appelle les « Barbares » germaniques. u
1. La taille de la force navale anglaise devait être égale à la somme des forces navales de ses deux rivaux immédiats.
Cincinnatus sur Une initiative papale qui, curieusement, arrive…
“Nous ne sommes pas capables en France d’une révolution de velours, nous sommes incapables de faire…”