Pour toutes sortes de raisons anciennes et actuelles, nous sommes heureux de publier ce texte de Péroncel-Hugoz, paru dans le quotidien en ligne marocain indépendant le 360.ma où il tient la chronique « coup de dent » renouvelée chaque jeudi soir. Ce journal qui est le premier media francophone du Maroc toutes catégories confondues, audiovisuel non compris. Merci à Péroncel-Hugoz d’avoir pensé à nous en faire le service. Nous en ferons bon usage ! Lafautearousseau.
Soumise au rigoureux conformisme du « Politically correct », la « pensée » mondialiste se veut bien sûr « républicaine » et il faudrait mettre ses tenants sur la braise afin qu’ils acceptent (peut-être mais pas certain…) d’examiner, pour la Libye déchirée, la possibilité d’une restauration monarchique.
La révolution anti-Kadhafi a commencé début 2011 à Benghazi, chef-lieu de Cyrénaïque, par la première exhibition publique, depuis le coup d’Etat militaire de 1969, des couleurs royales libyennes. Aussi, l’émir Si Mohamed El Sénoussi, 50 ans, petit-neveu du dernier monarque et en exil à Londres depuis 1988 (après avoir connu, enfant, les geôles kadhafiennes) a-t-il accompli son devoir, en tant que prétendant au trône, en réclamant d’abord le rétablissement de la Constitution de 1951, supprimée en totale illégalité par les putschistes. Après on verrait à organiser des élections, à réformer si nécessaire ladite Constitution, etc.
En tout cas, sous l’empire de ce texte, les Libyens avaient vécu tranquillement à l’abri du sceptre absolu mais débonnaire du roi Idriss 1er * (1889-1983, émir de Cyrénaïque en 1946 puis roi de Libye de 1951 à 1969), dans un Etat commençant à peine à profiter de son naphte. Jeune Afrique vantait alors le « gouvernement libyen où dominent des jeunes souhaitant moderniser leur pays. » **
La dynastie-confrérie sénoussie, originaire d’Oranie, opposée à la colonisation italienne en Libye (1911-1943), jouissait d’une double légitimité: politique, et aussi religieuse, car elle alla porter le message coranique jusqu’au cœur de l’Afrique noire -mission que Kadhafi , ironie de l’Histoire, reprendra à son compte…
Malgré les silences, sauf exception, de la presse occidentale et, autant qu’on sache, l’aide peu abondante des dix-sept dynasties musulmanes régnantes (en comptant les sept principautés formant les Emirats- Arabes-Unis), le tour de l’altesse sénoussie devrait venir si un grain de bon sens arrive à s’insinuer, sur le rivage des Syrtes, entre seigneurs de la guerre, chefs de bandes, islamistes professionnels et ex-flics kadhafistes. Des influences internationales, notamment arabes, pourraient jouer. L’émir Si Mohamed devrait, de son côté, se montrer physiquement plus audacieux, par exemple, en tombant du ciel à Benghazi où se trouvent ses plus fidèles partisans. Son point faible, c’est le traditionnellement maigre attachement dynastique de Tripoli -un peu comme Barcelone, en Espagne, n’a jamais cessé de bouder Sa Majesté catholique, mais sans pour autant l’empêcher de régner … u
* Les Marocains, attachés à Mohamed V, n’apprécièrent guère qu’Idriss vînt visiter le sultan illégitime Mohamed Ben Arafa …
** Article repris par l’hebdomadaire le 25 août 2003
Sur la terreur policière du régime républicain instauré en Libye en 1969, lire « Au pays des hommes. Une enfance en Libye » par Hicham Matar, Denoel, Paris, 2007 et 2O11; on peut également consulter le chapitre » Kadhafi contre Septime-Sévére « , dans mon livre « Villes du Sud », Payot, Genève, 1990, chapitre dédié, il y a 25 ans déjà, « aux victimes de Kadhafi » .
Source : Péroncel-Hugoz
Vétéran des grands reporters du Monde, Péroncel-Hugoz s’est taillé de longue date une réputation en renvoyant les « idées reçues » à leurs expéditeurs, selon les leçons de ses maîtres, Hubert Beuve-Méry et Michel Jobert, à ses risques et périls, car il fut expulsé manu militari d’Égypte pour avoir écrit que l’armée de Sadate était infiltrée par des extrémistes, en attendant d’être refoulé par les dictatures du Soudan, de Syrie ou d’Algérie qu’il avait critiquées.
Auteur d’une dizaine d’essais sur les pays du Sud, du Radeau de Mahomet ( 1983) à 2000 ans d’histoires marocaines (2014), il a également édité comme directeur de collection, à Paris, puis à Casablanca, une soixantaine de textes sur cette même partie du monde, tels que des extraits d’un travail du futur roi Mohammed VI sur les relations Maroc-Europe ou, plus récemment, un essai politique qui a fait froncer bien des sourcils au Maghreb : Arabes, si vous parliez … par le président tunisien Moncef Marzouki.
Péroncel-Hugoz prépare maintenant une réédition de l’âme marocaine, fruit, dans les années 1940-1950 des amours du philosophe orientaliste arabisant François Bonjean avec une simple fille des Oudaïas. Il déchiquette à belles dents, sur Le360, chaque semaine, les actualités marocaines et étrangères.
J’ai bien peur qu’une « restauration » libyenne soit une construction intellectuelle pour meubler les longues soirées d’hiver.
Sans faire un cours à la Lugan, il faut bien comprendre que la Libye est un assemblage de tribus bédouines non amalgamées en nation (à l’opposé de la Jordanie) et que si les Sénoussis ont eu une certaine autorité en Cyrénaïque jadis, elle fut emportée sans coup férir par le premier lieutenannt venu !
Le prince exilé a fait un communiqué de mise à disposition au moment de la guerre et on ne l’a plus beaucoup entendu depuis lors. De plus c’est un « petit-neveu »…
Emir est un titre de chef de guerre. Il n’a pas du tout ce profil, ne manque de rien apparemment, et comment dire… ça ne va pas le faire !
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