Aristide Briand (Pastel de Marcel-André Baschet – Paris, musée du Petit-Palais)
Un récit que l’on répand et qui prend plus de corps de jour en jour attribue un rôle considérable à l’Angleterre dans le gouvernement des affaires de la France.
D’abord il se confirme qu’il y a eu, pendant tout le mois d’août, des intrigues nouées entre les financiers et les pacifistes en vue d’amener une paix rapide avec l’Allemagne. Celle-ci se fût contentée de l’entrée de ses troupes à Paris et d’une indemnité, assez lourde sans doute, mais eût peut-être rendu Metz. Nous abandonnions la Belgique et nos alliés. C’était le plan de Joseph Caillaux. Il fut même question, à un moment donné, d’introduire Caillaux dans le ministère pour négocier avec l’Allemagne. Poincaré acceptait s’il ne proposait pas lui-même cette solution.
Selon les rumeurs que l’on entend, la combinaison aurait échoué pour différents motifs. Selon les uns, le généralissime, plutôt que de laisser entrer les Allemands à Paris sans combattre, aurait offert sa démission. Selon les autres, Joffre aurait obéi aux instructions du gouvernement en reculant jusqu’à la Marne sans combat et n’aurait pris l’offensive que sur l’ordre du gouvernement dont les dispositions avaient changé. Pour l’opinion publique, Joffre est un jour le sauveur de la patrie et, le lendemain, il est tout près de passer pour un traître. Cela est de tous les temps.
Ce qui paraît certain, c’est que l’intervention du gouvernement anglais s’est bien produite et s’est fait sentir à un moment donné. L’intervention russe aussi. On affirme que, lorsque l’ambassadeur d’Angleterre fut mis au courant du projet d’entente avec l’Allemagne, il tourna le dos avec mépris. Quant à Isvolski*, il menaça de repartir immédiatement pour la Russie. D’autre part, on assure que non seulement le général French mais encore Lord Kitchener lui-même auraient parlé sévèrement aux membres du gouvernement républicain.
Enfin c’est à Aristide Briand que l’on attribue l’attitude la plus ferme. C’est lui qui aurait parlé le plus vigoureusement contre la capitulation proposée par la finance et le radicalisme.
Quant au président Poincaré, il a, dans tous ces récits, le rôle le plus effacé et le plus piteux. Un témoin m’affirme qu’il a été sifflé en entrant l’autre jour à l’Elysée, à son passage à Paris. Où sont les acclamations, où sont les espérances de janvier 1913 ! u
* Alexandre Isvolski (1856-1919), ministre des Affaires étrangères russe de 1906 à 1909, date à laquelle il fut nommé ambassadeur à Paris. Il y demeura toute la guerre, puis après la révolution de 1917, en exil et fut délégué des partis contre-révolutionnaires.
Cincinnatus sur Une initiative papale qui, curieusement, arrive…
“Nous ne sommes pas capables en France d’une révolution de velours, nous sommes incapables de faire…”