« ILS disaient » : la Turquie a vocation naturelle à entrer dans l’Union européenne.
ILS disaient : la Turquie a occupé une partie importante des Balkans ; ne disait-on pas jadis : « l’Empire ottoman est l’homme malade de l’Europe ».
ILS disaient : la Turquie est un membre indiscutable de l’OTAN et un allié loyal de l’Occident.
ILS disaient : le chef d’Etat turc, Erdogan, est un « islamiste modéré ». Il doit être donné en exemple aux islamistes tunisiens et égyptiens ; il prouve que l’islam est compatible avec la démocratie.
ILS disaient : la Turquie a des frontières communes avec l’Irak, la Syrie, ce qui permettra à l’Europe d’étendre jusqu’aux confins du Moyen-Orient son oeuvre de paix.
ILS disaient : la Turquie atteindra bientôt les 100 millions d’habitants, qui seront un formidable marché pour les produits de nos entreprises.
ILS s’appelaient Jacques Chirac, Alain Juppé, Dominique de Villepin, Dominique Strauss-Kahn, Pierre Moscovici, Laurent Fabius, François Hollande, … etc. Nicolas Sarkozy avait même supprimé le verrou du referendum prévu pour l’entrée de la Turquie dans l’Europe, alors même qu’il s’y était déclaré hostile…
ILS traitaient d’islamophobes ceux qui osaient contester qu’un pays de 100 millions de musulmans puisse pénétrer dans une Europe aux racines chrétiennes.
ILS traitaient d’imbéciles ceux qui rappelaient que faire de la Turquie un pays européen, c’était comme si la France avait été un pays africain parce qu’elle avait conquis l’Algérie.
ILS traitaient d’illetrés économiques ceux qui se méfiaient de l’ouverture des marches. Et d’ignorants, ceux qui demeuraient dubitatifs face à l’oxymore « islamiste modéré » ?
Depuis lors, la Turquie a emprisonné des centaines de journalistes et d’esprits rebelles. Erdogan a accentué l’islamisation du pays, en submergeant les derniers réduits cosmopolites des grandes villes comme Istanbul, par une immigration des paysans fort pieux d’Anatolie. La Turquie a rallié la coalition occidentale contre l’Etat islamique, alors qu’elle est, avec l’Arabie saoudite, son allié le plus important, laissant passer par sa frontière armes et hommes venus combattre de toute l’Europe, comme de nouvelles Brigades internationales. Erdogan laisse massacrer les Kurdes dans Kobané assiégée, comme en 1944 les Soviétiques étaient restés l’arme au pied devant Varsovie, pendant que les troupes allemandes décimaient les résistants polonais.
Erdogan tombe le masque : il est avant tout un Sunnite qui combat les chiites ; un patriote turc qui ne laissera jamais les Kurdes avoir leur Etat ; un islamiste qui lui aussi rêve de restaurer le califat islamique.
Depuis, ILS se taisent. ILS se font discrets. ILS rasent les murs. u
* Source : Le Figaro Magazine, 17 octobre 2014
On sait depuis quelques années que l’appareil de l’AKP envisage sérieusement une restauration du califat ottoman. Toute la politique étrangère des gouvernements Erdogan s’éclaire à la lanterne de ce projet.
Il n’est plus sûr du tout que la Turquie islamique veuille intégrer réellement l’Union européenne car elle en a déjà tous les avantages économiques sans en subir les contraintes juridiques et sociétales.
A noter que la Turquie a échoué dans sa tentation d’imperium sur les républiques turcophones libérées par l’effondrement de l’URSS. Elles sont devenues des satrapies steppiques mises en coupe réglée par les descendants de Tamerlan 🙂 qui préfèrent Moscou, Pékin à Istanbul.
Je vous signale à toutes fins utiles que le commentaire que j’ai fait sur la Turquie et son président n’a pas été publié. S’agit-il d’une erreur ou d’une nouvelle politique de censure ? Merci de votre réponse.
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Naturellement, il n’est pas question de censure.
Nous ne supprimons un commentaire – a posteriori – que s’il comporte des insultes ou des vulgarités.
Votre réponse me rassure, car dans ce pauvre pays la censure est rampante et sournoise. La bien-pensance règne presque sans partage et la langue de bois domine la politique, les médias et les débats publics.
Concernant la Turquie, j’ai toujours dit ici et ailleurs qu’il fallait s’opposer à tout prix à l’adhésion de ce pays à l’Europe. Il n’a rien à y faire et ce d’autant plus que son président est un islamiste fourbe et démagogue qui rêve d’un nouvel empire ottoman. Sauf qu’il n’a pas l’étoffe ni l’envergure de Mehmed II dit le conquérent. Il n’est en fait qu’un revendeur de figues séchées d’Izmir que le pouvoir a rendu mégalomane.