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Depuis plusieurs mois, et jusqu’au 15 novembre, se déroule avec jusqu’ici un très maigre écho médiatique une exposition de niveau international à la Banque Al-Maghrib, avenue Mohammed-V, à Rabat. Pour accentuer la confidentialité, il faut entrer par la porte de derrière. Un samedi matin, je m’y suis trouvé seul avec l’orientologue François Pouillon, fils de feu le célèbre architecte. Le gardien et la caissière paraissaient étonnés. Le dossier de presse n’était pas disponible: « Revenez lundi ! »… Bref, nous nous sommes débrouillés comme des grands, muets d’admiration devant cette débauche inouïe de glorieuses signatures.
Jugez-en : Majorelle, Edy-Legrand, Marquet, Cruz-Herrera, Portaels, Lévy-Dhurmer, Pontoy, Mantel, Henry Rousseau, Benjamin-Constant, Dufy, etc. Et même un Dinet d’adolescentes dénudées où la pudeur musulmane en prend un petit coup… Mais Dinet étant devenu par choix le haj Nasreddine, tout lui est pardonné, notamment dans l’Algérie voisine… Et puis, de toute façon, c’est de l’Art ! Cette magnifique collection est spacieusement présentée avec des cartouches très lisibles, dans des volumes modernes bien éclairés, lovés au creux de cet édifice bancaire Art déco d’outre-mer qui, en lui-même, est déjà un trésor. Bravo donc à cette sévère banque d’état, qui sait pratiquer le mécénat avec une modestie presque excessive.
Cette visite m’a mis du baume au cœur après la rébuffade essuyée quelques jours auparavant à Rabat au tout récent Musée d’Art moderne et contemporain, de l’ancêtre Ali R’bati (1861-1939) au bien vivant Mohamed Tabal (il vient d’être décoré par le roi). D’emblée, j’avais été ébloui, séduit par cette architecture tout en dentelures légères due au cabinet Karim Chakor ; un dessin qui a fait crier certains au « néo-Lyautey » et que, pour ma part, je qualifierai plutôt de « style national marocain ». Enfin un temple de l’Art, construit au XXIe siècle, et qui ne ressemble ni à de monstrueuses canettes de bière cabossées ni à ces géantes oreilles métalliques avec lesquelles les Anglo-américains écoutent le reste de la planète !
Et sur les cimaises, quelle richesse, quelle variété, que de bonnes surprises ! Epoustouflant. Et puis soudain une interrogation, une anxiété : « ils » n’ont tout de même pas oublié de consacrer une salle aux orientalistes et assimilés, ces peintres du Vieux Continent qui, durant 150 ans, ont tant reçu du Maroc, de Delacroix à Matisse, mais lui ont aussi tant donné !
Quelques vieux istiqlaliens xénophobes ont-ils eu leur mot à dire dans l’organisation de ce musée? Pas croyable ! Personne ne serait venu leur mettre sous les yeux le préambule de la Constitution de 2011 qui intègre officiellement « l’affluent méditerranéen » à la marocanité ?
Sur le moment, franchement, j’étais abasourdi. Je me disais: c’est un peu comme si un musée français excluait l’Italien Modigliani ou l’Espagnol Picasso. Pire: c’est comme si une exposition européenne sur les arts andalous ignorait les Arabo-berbères d’Ibérie. Ça en ferait du bruit… Pour ma part, mon premier mouvement, en quittant le musée de Rabat, fut de me taire. Et puis ma consoeur, Bouthaina Azami m’a libéré en posant « la » question à l’artiste et connaisseur Abdelkébir Rabi, et sa réponse m’a fait un bien fou: « L’identité d’un artiste n’est pas seulement géographique, elle peut et doit être assimilée à son expérience émotionnelle et affective et, de ce fait même, au pays qu’il sublime et où son art s’est accompli ».
Merci Rabi ! Vous méritez qu’on vous ressorte ce « dit » prêté au prophète de l’Islam: « Un seul juste dans le pèlerinage rachète tous les pélerins!» Dont acte… ♦
Lectures
• « Diptyk . L’Art vu du Maroc ». N° 25 d’octobre- novembre 2014, 20 000 Casablanca www.diptykblog.com
• « Mohamed ben Ali R’bati: un peintre à Tanger en 1900 ». Collectif. Ed. Malika, Fondation Slaoui, Casablanca, 2000
• Abdelkader Mana, « Les Gnaouas et Mohamed Tabal ». Ed. Lak international, Mohammedia, 1998. Préface de Georges Lapassade
• François Pouillon, « Les deux vies d’Etienne Dinet, peintre en Islam ». Le Nadir, Balland, Paris, 1997
Par Péroncel-Hugoz
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Henri sur Journal de l’année 14 de Jacques…
“D’abord nous remercions chaleureusement le Prince Jean de ses vœux pour notre pays et de répondre…”