Les événements qui secouent le Burkina Faso (autrefois Haute-Volta) prouvent une fois de plus, après tant d’autres du même genre, que l’Afrique noire n’en finit pas de se chercher. Quand elles ne sont pas tributaires d’une décolonisation bâclée et peu soucieuse des réalités ethniques, voire géographiques, les « nations » africaines peinent à trouver une stabilité politique faisant consensus. On n’en finirait pas d’égrener la litanie des conflits, coups d’Etat, révolutions, etc. qui déstabilisent et ensanglantent le continent depuis un demi-siècle. Il serait pourtant vain et prétentieux d’adopter la posture paternaliste du donneur de leçons : les pays africains, notamment les pays dits « francophones », existent bel et bien et, selon une tradition que rien ne saurait remettre en cause, la France se doit de traiter avec les Etats.
Il y a quelques années, M. Guaino, par la voix de M. Sarkozy, délivrait à Dakar un message sans doute maladroit puisque mal compris. Il est de toute façon inutile et certainement contre-productif de reprocher aux gens d’être ce qu’ils sont. Les Africains sont dans l’Histoire, autant que nous, mais selon leur personnalité propre. Et c’est avec eux, tels qu’ils sont, que l’on doit traiter si l’on veut resserrer ou (re)nouer des liens solides – et profitables aux deux parties comme en témoignent par exemple les diverses interventions de nos troupes sur le sol africain.
La France dispose encore d’atouts-maîtres dans la région. D’abord sa langue, langue officielle de la quasi-totalité de ses ex-colonies, ce qui assure à cette « communauté » une assise linguistique et culturelle incontestée. Ensuite une implantation, encore bien réelle, dans des secteurs aussi variés que le commerce, l’économie, la médecine ou l’enseignement. Et encore, une présence demandée dans les domaines régaliens que sont la monnaie (zone franc C.F.A.) et la Défense (bases militaires françaises).
De toute façon, nous n’avons pas vraiment le choix. L’influence de la France en Europe ne cesse de diminuer à proportion de l’élargissement de l’Union et de l’accroissement progressif des pouvoirs supra-nationaux. Son effacement, par manque de moyens, de l’Asie et du Pacifique est notoire – tout comme son absence du continent américain. Ne lui reste véritablement que l’Afrique pour asseoir ses prétentions à demeurer une puissance internationale.
En 1958, la « Communauté française » s’est substituée à « l’Union française ». Mais les déclarations d’indépendance de 1960 ont vite eu raison de ce qui n’était qu’un prête-nom. Cependant, un « commonwealth à la française » aurait peut-être permis d’éviter une relation calamiteuse fondée sur un mélange détonant de « Françafrique » au tropisme semi-maffieux et d’idéologique approche « droits-de-l’hommiste ». Oui, il est grand temps de redonner vie à un projet véritablement communautaire qui s’inscrirait dans une vision stratégique à long terme. Et de retrouver ainsi l’ami africain. ♦
Mon cher Delanglade, si je suis globalement d’accord avec votre analyse, je n’en retiens pas la conclusion. Que nous rapporterait les retrouvailles avec « l’ami africain »? Aujourd’hui, nous compensons la facilité accordée à quelques entreprises françaises de pillier allègrement ce continent, par une politique plus que laxiste en matière d’immigration. Je ne suis absolument pas convaincu que le solde soit en notre faveur.
Nostalgie, nostalgie cher LJD. Et des rêves ? Rien que des rêves. Retrouver un ami ? Des amis ? Le passé ne reviendra pas. Il a été de bon ton de brocarder l’action de la France. En oubliant qu’avant 1990 nos Services Spéciaux se battaient contre le communisme international. Bloquer les Soviétiques en Afrique fut la mission essentielle que nous nous étions assignée. Et nous n’avions pas si mal réussi. Après la disparition de l’étoile rouge, nous nous sommes fait progressivement sortir de nos positions. Les ONG évangélistes nous ont remplacés (financées par qui ?). Les chefs d’Etat africains ne regardent plus vers Paris. J’ai regardé avec effarement comment nos unités ont pataugé en Centrafrique. Y avait il un pays qui nous était mieux connu ? Des années d’investissements carbonisés. Pas d’illusions rien ne reviendra. Si la France avait pesé encore un peu à Ouagadougou, on aurait discrètement dit à Blaise Compaoré que 25 ans au pouvoir, c’était beaucoup …
La dernière livraison de Bernard Lugan, parue chez Aymeric Chauprade, ne laisse pas de doute
http://www.realpolitik.tv/2014/11/parution-du-:numero-59-de-lafrique-reelle-novembre-2014/