La monarchie avait inventé une multitude d’impôts, mais c’était une plaisanterie à côté de l’arsenal fiscal actuel.
Dernière trouvaille de nos chasseurs de primes de Bercy : un impôt supplémentaire de 20 % sur les résidences secondaires « en zone de tension » (les grandes agglomérations). Personne ne sait si cette géniale initiative ira à son terme, une précédente tentative, en 2012, s’étant piteusement ensablée face à une levée de boucliers des élus. Mais ce ballon d’essai est emblématique d’une démarche désespérée pour trouver de l’argent par n’importe quel moyen afin de boucher le trou abyssal de nos finances publiques. Nullement en cherchant à réaliser des économies sur le fonctionnement de l’État ou des collectivités territoriales mais en aggravant encore une pression fiscale qui, en deux ans et demi, s’est déjà alourdie de 70 milliards d’euros.
Jadis, sur les bancs de nos écoles publiques, laïques et républicaines, des instituteurs à blouses grises apprenaient à des enfants uniformément vêtus de tabliers noirs que la Révolution française avait, notamment, été provoquée par l’excès d’impôts. Ils égrenaient la capitation, la gabelle, le centième, la taille, le vingtième. Ils décrivaient – avec quelques exagérations – la condition pitoyable des paysans exsangues et expliquaient doctement que la charge était devenue insupportable. D’où la révolution. CQFD.
Le jour de la « libération fiscale »
Des historiens tout à fait sérieux, dont le remarquable Pierre Goubert, ont démontré que la somme de ces impôts de l’Ancien Régime était, somme toute, proportionnellement beaucoup plus légère que la fiscalité moderne. Tout le monde n’était pas logé à la même enseigne : les « pays d’états » (Bretagne, Bourgogne, Provence, Languedoc) possédaient des assemblées qui négociaient âprement le montant de la taille avec les intendants du roi. Ce que ne pouvaient pas faire les « pays d’élection », déjà soumis à la centralisation monarchique. Aujourd’hui, personne ne peut échapper à la broyeuse.
Un paysan consacrait entre vingt et trente jours de travail au paiement de l’impôt. De nos jours, certains instituts d’inspiration libérale (Institut Molinari, Contribuables associés) fêtent chaque année, en juillet, le jour de la « libération fiscale », c’est-à-dire la journée à partir de laquelle le citoyen-contribuable pourra enfin travailler pour son propre compte, ayant rempli, les six mois précédents, ses obligations fiscales et sociales diverses.
Comparaison n’est pas tout à fait raison : les impôts de l’Ancien Régime pouvaient affecter les besoins vitaux des populations, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Les Français bénéficient de surcroît de nos jours d’un filet de protection sociale qui explique en partie la pression fiscale. Mais en partie seulement. Et avant de puiser de nouveau dans la boîte à idées maléfiques de l’impôt et de lâcher sa meute affamée de collecteurs de fonds, le gouvernement serait bien inspiré de changer de logiciel. ♦
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