« A la guerre, le véritable vaincu c’est celui qui est tué ». Un homme, dont l’intelligence d’une souplesse suprême pouvait se placer à tous les points de vue, avait un jour nourri cette pensée, l’avait mise dans la bouche d’un de ses personnages, enclose dans un de ses mythes. Cet homme-là était Ernest Renan. Son petit-fils, Ernest Psichari*, s’est fait tuer sur ses canons, le 22 août, à Charleroi, et est mort de la belle mort du soldat en proclamant sa confiance dans la victoire…
Je n’avais jamais vu Ernest Psichari. Il m’avait envoyé son livre L’Appel aux armes, un livre qui fait penser à Servitudes et grandeurs militaires, avec un stoïcisme plus vibrant que celui de Vigny. J’avais dit ce que je pensais de ce livre. Il me semblait que ce petit-fils de Renan ne laissait plus assez de place à la raison en ce monde. Il me semblait que cet officier d’artillerie coloniale avait le grand don de persuasion morale, une conception apostolique de ses devoirs de soldat et de Français. Il m’avait répondu par une lettre noble et grave. Aujourd’hui nous apprenons par le R.P. Janvier** que le petit-fils de Renan, au moment où a éclaté la guerre, se disposait à entrer dans les ordres…
Ernest Psichari a rejoint Charles Péguy dans l’immortalité : leurs esprits étaient déjà si profondément fraternels !
Et voilà que, parmi ceux dont j’ai connu le visage, j’apprends que Noël Trouvé est mort. Je l’avais rencontré la veille de son départ pour le front. Réformé, marié, tout jeune père, il pouvait rester au foyer.
– Avec mes idées, dit-il à la déclaration, il faut que je parte.
Mot d’une simplicité et d’un raccourci magnifiques. Il partit. Ses dernières paroles furent toutes militaires, d’un homme d’action. Comme, avec ses compagnons, il essuyait le feu d’un ennemi invisible, il s’écria :
– Il faut pourtant leur tirer dessus.
Il partit en reconnaissance, et il n’avait pas fait trois pas qu’il tombait raide d’une balle au front.
Cela est beau comme le mot du commandant Héry, chargé de prendre un pont terriblement défendu et entraînant ses hommes en disant simplement :
-Il n’y a pas de Prussiens qui tiennent. Il faut passer.
Quelques secondes plus tard, il tombait mort à la tête de ses hommes… J’aurai connu les visages de ces héros. Je sais l’expression de simplicité et de bonté qui recouvre l’héroïsme. Je sais ce que c’est que des héros. ♦
* Ernest Psichari (1883-1914), officier, servit au Congo (Terres de soleil et de sommeil) puis en Mauritanie (Le voyage du centurion), s’était converti en 1913.
** Marie-Albert Janvier (1860-1939), dominicain, prédicateur de carême à Notre-Dame de Paris de 1903 à 1924. D’Action française, il se soumettra lors de la condamnation pontificale de 1926.
Noël Stassinet sur On attend une vigoureuse réaction du…
“Alors les grands penseurs de la gôôôche on se réveille ? On a une panne de…”