Le voyage de Rosetta et l’ « atterrissage » de Philae constituent, malgré quelques ratés, un exploit technologique et scientifique certain. M. Guetta en est tout enthousiasmé: [cela] « nous montre ce que nous pourrions être et faire ensemble, avec un peu plus de temps, de volontarisme et de vision » (France Inter, jeudi 13). Il y a certes un fond de vérité dans ces propos : oui, une certaine Europe, intelligente et novatrice, ne demande qu’à exister davantage. On ne peut que regretter, dès lors, que les « pères fondateurs » de ce qui est devenu l’Union européenne aient enclenché un processus à rebours de tout bon sens. Au mépris de toutes les réalités, et d’abord des réalités nationales, ils ont privilégié l’économie puis la monnaie, proposant l’horizon d’un grand marché libéral et mondialisé.
Or, malgré eux et malgré même la plupart de ses actuels dirigeants politiques, l’Europe actuelle reste fermement ancrée dans ses composantes nationales. L’Allemagne réunifiée vient ainsi de fêter les vingt-cinq ans de la chute du mur de Berlin sans que MM. Hollande ou Cameron daignent se déplacer. Eux-mêmes, mais chacun de son côté, commémorent seuls la fin de la Grande Guerre qui, pour l’Allemagne ne représente forcément pas la même chose. Quant à la Russie, elle manifeste ouvertement, comme l’illustre si bien les affaires de Crimée et d’Ukraine, son désir de rejouer un rôle de premier plan sur la scène mondiale.
M. Hollande a tort, qui salue l’exploit de Rosetta et Philae comme « une victoire de l’Europe », laissant supposer qu’il est l’aboutissement d’une politique commune aux pays de l’Union. Or, l’Union n’est pas l’Europe, elle n’en est qu’une approximation dévoyée. En fait, existent plutôt et de façon plus ou moins développée des Europe(s), notamment cette « Europe » de la recherche spatiale, alliance fructueuse des intelligences en vue d’un objectif spécifique, mais alliance de chercheurs « nationaux ».
M. Guetta a tort, qui affirme se sentir conforté dans son « nationalisme européen ». Outre qu’il est paradoxal d’entendre le camarade Guetta reprendre à son compte une expression déjà et plutôt utilisée par des gens qui sentent le soufre, il est piquant de l’entendre l’employer deux jours seulement après que M. Hollande eut cru bon de fustiger tous les nationalismes dans son discours du 11 novembre à Notre-Dame-de-Lorette. De toute façon, M. Guetta peut bien rêver : n’existent ni nation européenne ni peuple européen.
En revanche, l’exploit de Rosetta et Philae est porteur d’une leçon politique. Lorsqu’ils s’unissent dans un but précis, sur la base d’accords inter-gouvernementaux, les grands pays européens, politiquement fourvoyés dans l’Union, obtiennent des résultats remarquables. Cette Europe des vieilles nations est d’évidence le chemin à suivre. Qu’on la laisse vivre ! ♦
L’ESA est une agence spatiale européenne qui n’est pas subordonnée à la Commission européenne (et c’est heureux).
Néanmoins, il y a collaboration.
Le Conseil de l’ESA et le Conseil de l’Union européenne se réunissent régulièrement dans le cadre du Traité de Lisbonne et constituent le Conseil Espace.
La Suisse, la Norvège et le Canada sont du voyage.
L’Union européenne es-qualité contribue à 21% du budget de l’agence spatiale et l’inclination naturelle d’une bureaucratie est hégémonique. Les ingénieurs de l’ESA sauront-ils résister à l’étouffement ? rien ne permet d’en juger au moment.
Une présentation agréable de l’agence à consulter :
http://esamultimedia.esa.int/docs/corporate/ESA_Corporate_Mars_2013_FR.pdf
Quant à M. Guetta, je le croyais disc-jockey, comme quoi le noctambulisme mène à tout.
Oui cher LJD, le silence éternel de ces espaces infinis nous effraie. Fondement d’une fascination. La récupération de cet exploit scientifique par quelques politicards foireux est hélas la loi du genre. Mais ce n’est pas le sujet.
Vous nous entrainez plutôt à nous souvenir de l’honneur de l’esprit humain. Un exploit comparable est la récupération des enregistreurs de vol du AF 447 parti de Rio, disparu le 1er Juin 2009, au printemps 2011 par 3.900 m de fond, en plein océan.
Vers 1817, le frère du Roi martyr commanda ce fameux tableau où l’on voit Louis XVI devant une grande carte, se faisant expliquer par le capitaine de vaisseau De La Pérouse ce que sera le périple qu’il entreprenait. On imagine le courage et la détermination pour défier un tel inconnu. Mais un aspect aussi important de l’aventure est la curiosité du monarque pour la recherche et l’innovation, si l’on considère le riche contenu de l’expédition. L’œuvre prouvait les grands intérêts scientifiques et les initiatives humanitaires du roi martyr. On rencontre souvent des commentaires un peu dédaigneux où l’on oppose l’attrait pour la science et la technologie à une communion avec la royauté sacrée. Démenti. Ce que les Hommes font ultérieurement de leurs découvertes est un autre débat … Le jour de son assassinat, le Roi conduit au supplice demanda «A-t-on des nouvelles de monsieur De La Pérouse ? ».