Des nouvelles venues de Rome nous avertissent d’un projet du gouvernement italien qui consisterait à former une Ligue des Neutres (comme en 1870), dont le but serait, une fois la guerre faite, de maintenir le statu quo en Europe et d’empêcher le vainqueur (quel qu’il soit) de s’agrandir à l’excès. Ainsi la France victorieuse ne recevrait que Metz et non pas l’Alsace. Ce projet serait en corrélation avec l’ambassade du prince de Bülow. Il s’agirait aussi pour l’Italie de se prémunir contre l’avènement de la puissance slave (représentée par les Serbes) dans l’Adriatique. Tout cela, au total, très conforme à la politique italienne et même apparemment aux intérêts de l’Italie, dont la politique extérieure me semble, depuis le commencement de la guerre, être vigilante et entretenir des vues à longue portée. Les Italiens aiment mieux renoncer pour le moment à Trente et à Trieste que de travailler pour la France et pour la Serbie. On dirait qu’ils se sont instruits de nos leçons et qu’ils ne tiennent pas à voir se retourner contre eux le principe des nationalités dont ils sont issus…
Aujourd’hui l’Angleterre a définitivement proclamé son protectorat sur l’Egypte : elle ne sortira toujours pas les mains vides de la guerre. Par contre, la France ne laisse-telle pas passer en Syrie une heure qui ne sonnera plus ?
La guerre est arrivée à un point mort qu’on a grand mal à dépasser. L’activité et les réserves que nous avions en ligne au commencement de la guerre ont singulièrement fondu. E. de Resnes, qui, de son château ruiné, aujourd’hui de Beaumetz-les-Loges, en Artois, a vu beaucoup de choses, résume la situation en ces mots : « Il n’y a plus au feu que des pères de famille et leurs enfants. » Le gouvernement songe, paraît-il, à une levée supplémentaire jusqu’à 52 deux ans. Cependant tous ceux qui sont partis au mois d’août ne sont pas morts, blessés ou éclopés, heureusement. Le jeune Roujon, le fils de l’académicien, a pris part à soixante-sept batailles, engagements ou combats sans avoir reçu une égratignure. Même cas pour Pierre Champion, qui écrivait l’année dernière deux beaux livres sur Villon et à qui l’Académie vient de décerner le grand prix Gobert.
La guerre vue par un physiologiste : la théorie de René Quinton*, c’est que, de temps en temps, par l’effet d’une volonté supérieure de la nature, les mâles éprouvent le besoin de s’entre-détruire. Ce genre d’explications ne figure ni dans Le Livre jaune ni dans aucun livre bleu, blanc, gris ou orange. Mais le fait est qu’il courait depuis des années, de par le monde, depuis le Balkan jusqu’au Mexique, une rage de destruction et d’homicide extraordinaire… •
* René Quinton (1866-1925), l’un des fondateurs de L’Action française.
Cincinnatus sur Une initiative papale qui, curieusement, arrive…
“Nous ne sommes pas capables en France d’une révolution de velours, nous sommes incapables de faire…”