Les Italiens ont débarqué des troupes à Valona* : c’est le cadeau que le prince de Bülow leur a apporté avec son ambassade. Un cadeau plein d’embûches d’ailleurs. Qui sait où ce premier pas fait sur le sol albanais conduira les Italiens ?
Une personne qui vit dans le monde diplomatique me dit que le ministre de la Roumanie Labovary a peine à cacher la crainte qu’il a de voir l’Autriche conclure la paix avant que son pays ne soit entré en jeu. La crainte est la même chez Tittoni, quoique cet ancien mercanti di campagna excelle à se rendre impénétrable et, au cercle, se montre absorbé et possédé par la passion du bridge pour mieux fuir les questionneurs. Le danger pour l’Italie est de s’asseoir entre deux selles. M. Salandra, selon L’Avanti, n’aurait-il pas dit à un député lombard que l’armée italienne serait bientôt prête – et prête à marcher aussi bien contre l’Orient que contre l’Occident ?…
On me raconte que le généralissime a dû prendre des mesures sévères pour arrêter la dangereuse camaraderie qui, de tranchée à tranchée, s’établissait, sur certains points, entre nos troupes et l’ennemi. Il paraît qu’à un endroit soldats allemands et soldats français se sont faits photographier en groupe. Quelqu’un disait, après avoir entendu ce récit :
« C’est en Crimée, dans la guerre de tranchées de Sébastopol, que Russes et Français ont, en somme, jeté les bases de leur future alliance. Qui sait – l’histoire a de tels caprices – si les souvenirs des tranchées de 1914 ne feront pas germer, plus tard, une alliance franco-allemande ? » •
* Valona, aujourd’hui Vlorë.
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