Péroncel-Hugoz consacre ce coup de chapeau – rédigé au Maroc où il réside – à Henry Bonnier, « éminence grise » de la pensée monarchique universelle, prix de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre, qui consacre son trentième livre au Maroc d’hier… Et surtout d’aujourd’hui. Lafautearousseau
Je ne connais Henry Bonnier que par ses livres, nombreux et variés, il est vrai, ou par ceux, idem, qu’il a suscités éditorialement de la part de personnages politico-historiques aussi différents que Mohamed-Réza Chah, Gorbatchev, le comte de Paris, le président turc Ozal et, bien-sûr, le roi Hassan II, avec « Le Défi », ce maître-livre pour tous ceux qui veulent appréhender le Maroc du XXe siècle. Je suis au courant, bien sûr, aussi, du rôle d’« éminence grise » que M. Bonnier JOUE, avec toute la discrétion efficace convenant à ce sobriquet, dans le mouvement, évidemment informel, monarchiste international; dans l’illustration intellectuelle de cette famille politico-spirituelle.
Certes, le futur Hassan II, en vacances dans le Midi français pendant que son père, le sultan Mohamed ben Youssef, prenait les eaux à Vichy, eut l’occasion de connaître le jeune Henry à Apt (Vaucluse) mais c’est son dévouement désintéressé d’adulte envers l’idée royale qui lui valut, et jusqu’à nos jours, la confiance du Palais chérifien. Bonnier pourrait sans doute reprendre à son compte la fameuse phrase de Lyautey que, du reste, il cite : « J’ai réussi au Maroc parce que je suis monarchiste et que je m’y suis trouvé en pays monarchique. Il y avait le sultan, dont je n’ai jamais cessé de respecter et de soutenir l’autorité. J’étais religieux et le Maroc est un pays religieux.» Sur cette lancée, l’auteur explique très bien pourquoi aucune dynastie, aucun gouvernement ne peut durer, nulle part, sans une part de « sacré », de « mystère », de « silence ». Le général de Gaulle pensait exactement la même chose. Sans leur faire l’honneur de les citer nommément, Bonnier vise indirectement cette douzaine de plumes marocaines ou françaises qui, depuis 2000, ont périodiquement lancé des torpilles contre le règne actuel, pratiquant chacune à leur tour un savant et pervers amalgame entre le vrai et le faux, méthode bien connue des systèmes marxistes afin de troubler les esprits mal informés, de désacraliser ce qui doit le rester, de dénigrer le travail accompli.
Certes, il reste encore beaucoup de bidonvilles en Chérifie, certes la question saharienne n’est pas réglée – mais à côté que de progrès pour une bien meilleure écoute des souhaits populaires, quelle détente du climat politique national, que d’avancées spectaculaires en matière par exemple de communications terrestres ou maritimes, damant le pion sur ces points à la richissime voisine algérienne !… Ses cent séjours au Maroc, sa culture encyclopédique, l’importance qu’il a toujours attachée aux grandes religions révélées, son intimité politico intellectuelle avec des figures marocaines comme Mahjoubi Aherdane ou feu notre confrère Moulay Ahmed Alaoui, ont permis à Henry Bonnier d’accéder à une vision de haut vol, et en même temps détaillée, d’un demi-siècle, à la fois tumultueux et fructueux, d’Histoire du Maroc. Cela donne « Une passion marocaine », essai d’une longueur modérée (257 pages) sans verbiage et sans délayage.
Chaque mot compte, que ce soit sur Hassan El Dakhil (« L’Entrant »), le premier Alaouite établi au Maroc, sur le ministre déchu Driss Basri (là Bonnier manque un peu de charité), sur l’opposant réhabilité Abraham Serfaty (là Bonnier louange abusivement, selon moi, ce stalinien impénitent…), sur le combat inlassable, loin d’être toujours reconnu, des monarques chérifiens depuis Moulay Youssef jusqu’au Sire actuel, un combat titanesque pour au Maroc marier Authenticité et Efficacité, Modernité et Fidélité. Presque la quadrature du cercle et pourtant aucun de ces princes régnants n’a jeté la cognée, ne s’est laissé décourager par la violence ou la mauvaise foi des attaques, des critiques, même celles venant d’un membre de la lignée alaouite… Bonnier est de ces privilégiés de l’esprit qui ont saisi de longue date que le contraire de « conservateur » n’est pas « progressiste » mais « destructeur » et que c’est « rétrograde » qui s’oppose à « progressiste ». Les royautés exemplaires, pérennes, solides de Tokyo à Londres via Rabat, Copenhague ou La Haye ont toujours été des systèmes « conservateurs-progressistes » nimbés de foi sacralisatrice.
Oui parfois c’est vrai, Henri Bonnier, ce serviteur universel de la grande idée monarchique, donne parfois l’impression de verser dans la courtisanerie voire le sentimentalisme, mais il se reprend vite… Ce n’était sans doute qu’une ruse pour faire mieux apprécier du lecteur sa philosophie de l’Histoire, sa description des Grandes Nations comme le Japon, l’Angleterre, le Maroc, le Siam, l’Arabie ou l’Espagne qui ont su préserver en elles leur flamme royaliste; c’est ce qui fait leur saveur sans pareille, qu’aucune république ne peut offrir. •
En avant-première pour les lecteurs de cette chronique, quelques citations du livre de Bonnier qui ne sortira en librairie que fin janvier.
FLORILEGE
« Pas de civilisation possible sans religion ! »
« Il n’est d’Histoire que de l’âme. Le progrès n’est qu’une technique ».
« Parmi les Etats les plus anciens du monde : Chine, France, Maroc, ce dernier est le seul à ne pas s’être trahi ».
« Grandeur et noblesse faites d’humilité et de servitudes. Ainsi va le rite musulman malékite qui façonne depuis plus de mille ans le cœur et l’âme des Marocains ».
« L’actuel roi du Maroc ne gouverne ni ne préside mais « impulse » les décisions (…). Le jeu est subtil, faisant appel tant au spirituel qu’au temporel ».
« Mohamed VI fait preuve d’une véritable gourmandise envers la lecture. Il dévore plusieurs ouvrages à la fois (…). Essais de stratégie, documents d’actualité, biographies, romans, poésie ».
– HENRY BONNIER, « Une Passion marocaine », Le Rocher, Monaco et Paris, 2015.
Le 30ème livre d’un penseur royaliste européen mais connaissant bien la relation fusionnelle entre le Peuple marocain et la Maison alaouite .
– SOULEIMAN BENCHEIKH, « Le dilemme du Roi », Casa-Express, Rabat et Paris, 2014.
Essai prometteur d’un jeune journaliste marocain réfléchissant sur la fragile balance entre Tradition et Modernité que doit maintenir quotidiennement la Royauté chérifienne pour la tranquillité du pays.
Le360 – Péroncel-Hugoz
ROBIN Vincent sur Mathieu Bock-Côté : « Devant le…
“Dans cet article, « procès de la démocratie », on frôle l' »esprit de jouissance » que dénonçait Pétain chez…”