Fallait-il y aller ? Oui, bien évidemment. D’abord parce qu’en se déplaçant ensemble, Mme Merkel et M. Hollande ont réaffirmé, une fois de plus, la primauté des Etats sur l’Union européenne – contredisant ainsi les sirènes de la démagogie européiste. Ensuite, parce que laisser la main aux seuls Etats-Unis (M. Kerry a quand même précédé le duo franco-allemand à Kiev) eût été une faute impardonnable. En effet, même si ces derniers continuent de privilégier la voie diplomatique, ils envisagent désormais sérieusement la possibilité de livrer des armes à l’Ukraine. Certes, il s’agirait d’armes défensives, mais jusqu’à quand ?
Il fallait donc faire quelque chose pour éviter l’engrenage stupide et catastrophique vers lequel nous pousse l’aveuglement américain, lequel est, historiquement, à l’origine de l’essentiel du problème, la politique de la Russie sur son flanc occidental répondant à l’instrumentalisation de l’Ukraine par les Etats-Unis et à l’attitude agressive de l’OTAN depuis la fin de l’Union soviétique. Ainsi vient-on d’apprendre que l’Organisation a pris de nouvelles mesures dites de « réassurance » de ses pays membres contre l’attitude de la Russie (création de six nouveaux centres de commandement et d’un nouveau quartier général en Pologne et augmentation de treize à trente mille hommes de la force de réaction rapide « fer de lance ») : on est en plein délire belliciste.
C’est un fait : la Russie n’est pas morte avec l’Union soviétique et elle est moins que jamais décidée à accepter le diktat américain. Se déplacer à Moscou, c’était évidemment reconnaître à M. Poutine une stature que, par ailleurs, on lui dénie depuis des mois, celle de maître du jeu. Le voici donc dans la situation du faiseur de paix ou de guerre. Acceptera-t-il les propositions de Mme Merkel et de M. Hollande (cessez-le-feu, fermeture de la frontière, fédéralisation de l’Ukraine) ? Peut-être. D’autant que M. Hollande vient d’affirmer que la France n’est pas favorable à l’entrée de l’Ukraine dans l’Alliance atlantique. Comme le dit M. Guetta (France Inter, vendredi) : « Vladimir Poutine tient aujourd’hui l’occasion de sortir de cette crise […]. C’est d’autant moins négligeable pour lui qu’il pourrait se targuer d’avoir tenu l’Otan à distance et permis à l’Ukraine orientale d’obtenir son autonomie. » Sera-ce suffisant pour que M. Poutine ne pousse pas son avantage plus avant ? Car, malgré la propagande « occidentale », il est évident que la Russie est en position de force.
M. Orlov, ambassadeur de la fédération de Russie à Paris, n’est sans doute pas très éloigné de la vérité quand il déclare à BFM-TV que l’objectif des Etats-Unis « est de ne pas permettre le rapprochement entre l’Europe [comprendre « l’Union européenne »] et la Russie ». Un tel rapprochement, en quelque sorte l’avènement de la prophétie gaullienne (« l’Europe de l’Atlantique àl’Oural »), est tout à fait souhaitable. Il constituerait une avancée remarquable sur le plan géopolitique et serait un facteur de stabilité et sans doute de paix car fondée sur une puissance incontestable. Si le voyage de Moscou favorisait si peu que ce soit cette perspective, ce serait une très bonne nouvelle. •
Il serait temps que l’Occident accepte l’idée que la RUSSIE 2015 n’a plus rien à voir avec celle de 2002.
Ayant visité la Russie en 2002 et en 2013, j’ai constaté l’énorme différence, la 1ère fois à Saint Petersbourg, ville poubelle, voitures pourries, en 2013 EKATERINBOURG; voitures haut de gamme, aéroports aussi prestigieux qu’à l’Ouest
Belle rhétorique que voilà à la vérité,mais nullement convaincante ni constructive, car elle ne tient aucun compte de la réalité des forces en présence !
« Le véritable drame du XXème siècle,c’est la chute de l’Empire soviétique ! »,paroles prononcées par Poutine à l’occasion de l’inauguration d’un collège à Smolensk,le 21 juin 2013.
Soyez certains que beaucoup conserveront en mémoire cette déclaration-provocatrice(?),galéjade(?),intentionnelle(?),
fanfaronne(?),du personnage-plus particulièrement à Varsovie,à
Helsinki,à Tallinin,à Riga,à Vilnius,à Chisinau,à Bucarest,à Belgrade,à Sofia…et même à Minsk ou à Kiev, et ailleurs encore…,
l’invasion de la Crimée puis de l’est de l’Ukraine-par des soldats déguisés- a hélas renforcé de mauvais souvenirs chez ces braves gens qui se moquent éperdument de la Grande Russie ,jusqu’à la redouter!
On peut évidemment reprocher à Washington d’avoir su en profiter (notamment au travers de l’Otan),après avoir eux-mêmes été les dupes des soviets pendant tant d’années.Ce n’est sûrement pas une raison pour cultiver une idéologie-souvent émotive-fondamentalement anti-américaine.
De Gaulle,ulcéré que les USA aient, trop longtemps à son goût,
considéré Pétain comme le chef légal de la France,s’était essayé à mettre toutes sortes de « bâtons dans les roues »américaines,avec de vaines humiliations(comme sa 1ère visite d’Etat à Staline en janvier
1958),sans aucun profit tangible pour la France !C’était tout simplement ridicule.Faut-il vraiment l’imiter ?
En contre-partie de cette position ouvertement anti-américaine,faut-il s’efforcer d’inclure la Russie(d’ Europe ?) dans l’Union Européenne,déjà si difficile à gérer ? Jolie billevesée ! Il y a sûrement d’autre mesures plus intelligentes pour composer avec notre principal et vieil allié,tout en veillant à ne pas braquer inutilement Poutine !
D’autant que la république Française-si « sociétale »-et même parfois anti-française-de Hollande et ses amis a déjà réduit la France à une portion plus que congrue sur la scène internationale !
Cessons de rêver dans l’imaginaire-même bien dit-,et restons dans le réel.Il y a beaucoup mieux à faire à la maison !
La déclaration de Poutine à laquelle fait allusion Patrick Haizet ne signifie nullement que Poutine soit communiste. Du reste, parodiant Lucien Febvre, il disait également quelques secondes plus tard qu’il fallait être dénué de raison pour regretter la fin du communisme. Simplement, un simple coup d’oeil sur une carte montre que l’Empire russe, résultat de la conquête tsariste débutée au début du XVII° siècle a perdu 25% de sa surface et 35% de sa population avec la fin de l’URSS. On comprend que Poutine en ait quelque regret. De même, j’aimerais que l’on mette aussi les choses à leur place en ce qui concerne l’Ukraine et la prétendue « invasion » de la Crimée. La Crimée est peuplée à 93% par des russes. Non pas des russophiles, ni des russophones, mais des russes, le reste étant constitué de tatars de langue turque. Ce territoire a été rattaché à l’Ukraine par Khrouchtchev en 1953. A l’époque, cette modification des frontières n’avait de sens que sur le plan de la propagande car l’Ukraine n’avait d’indépendance que sur le papier. Il en fut tout différemment après 1991, lorsque l’effondrement de l’URSS détacha de la RSS de Russie d’immenses territoires. Dans cet ensemble ukrainien, le nouveau pouvoir de Kiev promit de respecter le particularisme criméen. Une assemblée fut élue à Sébastopol…., puis dissoute et les lois organisant l’autonomie de la Crimée furent suspendues dès 1996. Cependant tant que le pouvoir de Kiev acceptait le rôle d’Etat-tampon pour l’Ukraine, et donc ne cherchait pas à entrer dans l’OTAN, il y avait un modus vivendi qui prolongeait ce statu quo branlant. En revanche, lorsqu’à fin 2013 l’insurrection largement subventionnée par les USA en violation des accords passés avec Eltsine finit par renverser Ianoukovitch, et que le nouveau pouvoir ukrainien, comme première décision, interdit la langue russe dans l’administration, il n’y avait plus de tergiversation possible pour la Crimée. Certes, la Russie a aidé les criméens, mais il n’était même pas nécessaire d’envoyer des troupes. Toute l’armée ukrainienne de Crimée s’est ralliée en 2 jours. Combien de morts dans cette « invasion »? 1 ou 2!! Il en est exactement de même pour le Donbass et l’est de l’Ukraine, peuplée elle aussi de russophones, et qui ne veulent pas être rattachés à une Ukraine à l’identité incertaine.
En conclusion, et au delà des souvenirs de Patrick Haizet concernant une URSS qui n’existe plus, il faut bien comprendre que Moscou n’a nullement l’intention d’annexer l’Ukraine, ni la Pologne, ni la Lituanie ni tous ces Etats de l’est, mais ne peut accepter un encerclement agressif. Or si le messianisme soviétique est bien mort, le messianisme des USA, lui, est bien vivant. Paradoxalement, la Russie postcommuniste de Poutine est plus antipathique à ce messianisme parce qu’elle s’appuie sur la tradition et la mémoire nationale alors que le communisme, s’il s’opposait au projet américain, en partageait les fins universelles. En revanche, notre intérêt, à nous français et européens, n’est nullement de détruire la Russie, ni de déclencher une guerre en Europe.
Merci à LJD d’oser aborder un sujet aussi passionnel. Mais il est une nouvelle fois très optimiste. Monsieur Hollande était sur la photo en tapisserie, car la diplomatie française a disparu des écrans radar. Ce fut hier, chez les éditorialistes, un éclat de rire (nerveux) relevant qu’après son passage éclair à Moscou, il partit pour la Corrèze décider de la gestion des autoroutes ; son vrai niveau parce que Léonarda n’était pas là ?
La crise ukrainienne est emblématique de toutes les dérives qui nous asphyxient et tentent de faire disparaître notre pays. En reprenant la chronologie des évènements, il est désormais évident que nous n’avons pas appréhendé le rôle pernicieux des Etats-Unis qui sous-tend leurs quelques principes d’hégémonie à la surface du globe : un calvinisme sectaire avec sa prédestination, un messianisme qui se substitue au Droit, un combat cynique pour ce qu’ils estiment leurs intérêts. La liste est aussi sommaire que leur manichéisme, et l’usage permanent de la force brute. Ces irresponsables se permettent de jouer avec le mot de guerre, pas nous. A la disparition du bloc soviétique nous n’imaginions pas que la bannière étoilée n’envisageait pas de quitter «la vieille Europe». Tout fut immédiatement mis en œuvre pour encercler la Russie selon la doctrine Brezinski. Application camouflée par ce faux nez surnommé OTAN, qui permet d’installer états major et armements au plus près de la frontière russe, dans tous les pays de l’ancien glacis.
Les relais ? La propagande épaisse de tous les régimes totalitaires par les canaux des vassaux, laquais, et agents d’influence. A-t-on jamais vu un tel matraquage ?
A chacun de faire son classement, avec une mention particulière pour la trahison française (au tempo de Caroline Fourest ?), premier prix à partager avec une Pologne qui devient de plus en plus infréquentable (sans honte est elle en Europe ?).
Très cocasse que la réunion se fasse chez Loukachenko interdit de visa pour cause de droit-de-l’hommisme …
J’estime peu pertinentes des références à l’histoire très ancienne de la Russie. Surtout dans le seul but de nourrir les réquisitoires contre Poutine.
Avis partagé avec @setadire. Pour ne citer que la sphère de la santé, nous avions écouté une présentation de l’état sanitaire de la Russie en 2004. Particulièrement catastrophique. On peut observer l’impressionnant chemin accompli en 10 ans … C’est à une telle mesure que l’on voit le but recherché avec les sanctions économiques imposées par les tueurs de Washington. Il s’agit, par des moyens qui présentent les aspects de la légalité, de gêner un concurrent potentiel. Les procédés en disent long sur le cynisme américain et nous ferions bien d’en tirer les bonnes conclusions.
Monsieur Antiquus,
bien qu’il ne soit pas coutume de répondre à l’anonymat-pour toutes sortes de raisons que connaissez,j’espère-il n’est guère supportable pour quiconque de se voir opposer des interprétations personnelles et inexactes à des faits reconnus par tous.
-ce n’est sûrement pas vous qui allez m’enseigner l’Histoire-même ancestrale- de la Russie,avec sa brutalité,sa lubricité,son goût immodéré pour la déportation des peuples,l’alcool,l’emprisonnement ou le crime.Mais aussi avec sa culture,la puissance du charme slave -qui tient souvent lieu de détermination pour ceux ou celles qui savent s’en servir,leur ardente foi chrétienne lardée de démonstrations plutôt ostentatoires….-Là,vous tombez mal,si vous prétendez jouer le rôle du redresseur de torts de service- ! (Au titre du monde chrétien,vous savez certainement que le pape François travaille avec succès au rapprochement prochain des Eglises catholique et orthodoxe:un tel aboutissement sera-t-il de nature à nous débarrasser des veuleries et des impostures du genre de Charlie Hebdo ?).
-nous savons tous que Poutine est Russe,et que les Américains s’en méfient comme tel,parce que de surcroît il a été membre du redoutable NKGB.
Ni vous ni moi ne sommes capables d’en tirer des conclusions définitives pout étayer un auto-raisonnement déjà douteux.
– vous ne connaissez pratiquement rien des Américains,de leur pensée,de leur langue et de ce que vous appelez « leur projet ».Ils ont leurs défauts et leurs qualités,comme tout le monde,dont la principale de ces dernières est pour moi leur patriotisme.Il ne vous appartient sûrement pas de le tourner en dérision,surtout par ignorance.
-Louis XV a su habilement pratiquer un vrai renversement des alliances,qui a hélas coûté la vie à son petit-fils,les peuples ne raisonnant pas aussi vite que leurs chefs.
-finalement,les intérêts et l’avenir de la France ne résident sûrement pas dans l’aboutissement de ceux de la Grande Russie !
(Elle est déjà trop grande comme cela,et vous pourriez plus facilement le vérifier en vous rendant à Oulan-Bator,en Mongolie (Extérieure),mais ce n’est assurément pas « la porte d’à-côté »-! Mais c’est un lieu d’observation idéal en ce qui concerne les relations sino-russes).
Il faut en finir avec la question de l’anonymat des commentaires que Patrick Haizet ressort périodiquement quand il s’échauffe. Bonne ou mauvaise, cette pratique est courante sur tous les blogs qui admettent des commentaires. C’est un usage général. Bien heureux que sur LFAR les commentaires soient libres. Peut-être trop. Si Patrick Haizet n’accepte pas l’emploi des pseudonymes, il a tout loisir de s’abstenir d’intervenir. S’il le fait, il n’a qu’à se plier à l’usage ou aller ailleurs où l’anonymat serait proscrit. Il est vrai qu’il n’en existe pas de ce type …
Après tout, c’est à LFAR de fixer les règles des commentaires. Pas à Patrick Haizet. Charbonnier est maître chez soi, que je sache.
Il ne s’agit pas de débattre de ce qu’est – en soi – la Russie. Mais de se demander primo si elle nous menace directement (France et Europe de l’Ouest) ou non; secundo si nous avons intérêt à nous associer au bellicisme et à l’interventionnisme des Etats-Unis au cœur du continent européen. Le reste est de l’histoire, de la géographie, ou de l’ethnologie pures.
Les Etats-Unis ont déjà installé un vaste chaos au Proche et Moyen-Orient et nous en payons, chez nous, la redoutable addition. Faut-il les laisser renouveler cet exploit sur le sol européen, qui est le nôtre, non le leur, bien qu’ils y maintiennent une présence militaire importante ? La réponse est non et le risque bien réel que l’Europe se retrouve en état de tension d’une extrême gravité, voire de guerre, explique les efforts d’Angela Merkel et accessoirement de François Hollande; motive leur prudence et leur activité diplomatique des derniers jours. Pour une fois, en l’occurrence, ils ne méritent pas la critique …
Je lis le dernier livre de Roland Dumas, mémoires et confidences. Une période que j’ai vue de très près professionnellement..
Page 242.
Signature à Moscou 12 septembre 1990, du traité définitif de réunification de l’Allemagne … Crainte des Soviétiques de voir les forces de l’OTAN à leur porte … Je soutiens que cette question a été abordé dans le traité. Il avait bien été précisé que « les forces de l’OTAN ne se déploieraient pas les long des anciennes frontières de l’URSS ».. Or cette clause ne figure plus dans le traité … Je me demande à quel moment a eu lieu la manipulation, pour ne pas dire mystification …