Les plus anciens se souviendront de la guerre d’Algérie. L’Algérie était constituée administrativement de départements français ; c’était la gendarmerie et la police qui traitaient les affaires d’attentats. Un gouvernement socialiste, celui de Guy Mollet, a décidé l’emploi de l’armée. François Hollande sera-t-il amené à demander, comme jadis ses prédécesseurs, à des autorités militaires de rétablir l’ordre et la sécurité dans des zones appelées de non-droit par une de ces litotes qui caractérisent la lâcheté politique ? Voilà pourtant cinquante ans qu’on ressasse aux militaires qu’ils ne sont, au mieux, que des outils techniques utilisés par les gouvernements et pour les opérations extérieures de la France. Les militaires, en premiers les plus hauts gradés, y ont cru de bonne foi. Les choses changeraient-elles ? Reverrait-on des scénarios déjà connus, sans doute différents, mais gros des mêmes drames ? Des militaires, en service commandé, pris, enlevés, égorgés en quelque coin que personne n’ose désigner ? Que se passe-t-il, alors ? Si les deux frères Kouachi avaient réussi à rejoindre quelque base arrière dans la grande couronne de Paris ? Introuvables ? Le GIGN s’est arrangé pour que ce ne fût pas le cas. Soit ! Et s’il y a des « bavures » ?
Bref, il y a un énorme problème de sécurité intérieure et aucune phrase martiale ne la résoudra. Qui ne se souviendrait avec un triste humour de François Mitterrand, ministre de l’Intérieur de la IVe République, déclarant en 1956 : « Jamais la République ne cédera devant le terrorisme ». Il n’était pas le seul. On sait ce qu’il en est advenu.
Deuxième point : les élections législatives grecques donnent une majorité à des partis qui récusent ce qu’on appelle pompeusement la gouvernance européenne. Alexis Tsipiras, chef du parti Syriza et nouveau Premier ministre est, certes, un homme de gauche et même de gauche radicale, mais, contrairement à ce que croit François Hollande, il n’entrera pas et ne pourra pas entrer dans la voie sociale-démocrate du compromis européen : le rejet est trop fort et son partenaire souverainiste, le parti AN.EL., l’en empêchera de toute façon. Le monde politique grec n’est pas à la hauteur de la situation. Le drame de la zone euro va repartir de plus belle. La décision prise par Mario Draghi d’arroser l’Europe d’euros, avant même les élections grecques , au prétexte de relancer l’économie, mais en vue de soutenir les dettes souveraines par un « assouplissement monétaire » (!) – quelle litote ! – de l’ordre de mille milliards d’euros, voire plus, ne changera rien à la nouvelle donne. La crise financière monétaire rebondira inéluctablement et la France, d’ailleurs engagée en Grèce, sera frappée de plein fouet avec son chômage galopant, d’autant plus que l’Allemagne sera contrainte de jouer son propre jeu de défense de ses intérêts.
Troisième point : la cote de popularité d’Hollande ne peut que retomber au plus bas. Aucun homme politique ne maîtrise plus la situation française, même pas Valls qui, pourtant, s’y croit. Le vote de la loi Macron n’est qu’une illusion, du verbiage. La société française est malade, d’abord, de sa classe politique et médiatique. Son mal est intellectuel, moral, spirituel, profondément politique avec des institutions qui ne représentent plus rien que des intérêts de partis et des carrières d’ambitieux. Aucun problème dans ce cadre et dans ces conditions ne peut être résolu. C’est une évidence.
Sécurité du territoire, finances et économie nationales, institutions politiques, sur ces trois points tout est dorénavant compromis. Ceux qui ont un peu de réflexion historique et politique savent que les conditions d’une crise majeure sont réunies. Puisse-t-elle déboucher sur un vrai sursaut national. •
Politique magazine – Editorial
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