Cantal Delsol. Photo © Patrick Iafrate
Valeurs d’avenir. Chantal Delsol est philosophe, membre de l’Institut. Pour elle, « la lassitude du chaos pousse vers l’ordre, fût-il tyrannique ».
Le roman de Michel Houellebecq, Soumission, est un roman. Enfin heureusement. Cela veut dire que cela pourrait ne pas arriver. Comme disait Berdiaev, la question n’est pas de se demander si les utopies peuvent se produire, mais plutôt d’empêcher qu’elles se produisent… tant elles sont terrifiantes.
C’est un roman, rassurons-nous. Une fable. Mais si proche de nous. Si authentiquement possible…
Car tout commence par un dilemme de vote face au Front national. Rien que de très habituel. La suite aussi. Tous les partis se liguent (cela s’appelle un front républicain, il suffit d’ouvrir les journaux ces temps-ci) pour empêcher le Front national d’obtenir le siège. Et comme d’habitude, ils sont prêts à faire voter pour n’importe quel âne, ou pour n’importe quel fou, afin que le FN ne parvienne pas au pouvoir. Ici, il s’agit d’un musulman, modéré dit-on, mais enfin qui ne cache même pas ses intentions dictatoriales. Tous les partis s’entendent et votent pour lui comme un seul homme.
Evidemment, la première question qui se pose est celle de savoir pourquoi les Français préfèrent au FN un parti musulman qui va exclure toutes les femmes du monde du travail et en faire des épouses de harem, interdire les postes importants à qui n’est pas musulman, mettre en place des mesures moralisatrices qui devraient nous faire dresser les cheveux sur la tête, bref, instaurer un califat.
Certainement, le FN, aussi chaotique et fruste soit-il, ne nous aurait pas entraînés dans de telles démesures. Alors, comment expliquer ce choix suicidaire ? L’un et l’autre de ces deux partis apparaissent comme réactionnaires. Mais le parti musulman est réactionnaire par retard historique, ce qu’on lui pardonne, tandis que le FN est réactionnaire par retour en arrière volontaire, ce qui traduit le cynisme — c’est le pire. Ainsi préfère-t-on la conversion obligatoire et généralisée à une religion moyenâgeuse plutôt que des discours sur les méfaits de l’immigration. C’est un roman, répétons-le : mais tellement réaliste.
Et voici la suite, tout aussi édifiante : la description de la soumission. Le titre donné au roman, Soumission, est la traduction même d’islam. Les médias se sont bien gardés de rappeler que lorsque Israël signifie en langue vernaculaire “celui qui a été fort contre Dieu” (il s’agit de Jacob), islam, à l’inverse, signifie étymologiquement “soumission”.
Et nous assistons dans le roman à la soumission, terriblement éloquente, de toute notre société soi-disant libre et libérée, démocrate et républicaine. Tout le monde abdique. Les femmes quittent leur emploi et entrent à plusieurs au service du même homme dans le cadre de la polygamie. Les hommes se convertissent à l’islam afin de pouvoir conserver leurs activités. Personne ne résiste ni ne discute. Tout se passe dans une sorte de brouillard feutré, celui même dans lequel baignait la société du Discours de la servitude volontaire de La Boétie.
Ce qui sous-entend ceci : les grands discours sur la liberté démocratique représentaient des postures, des coups de menton avantageux mais sans sincérité. Les grands défenseurs de la liberté, drapés dans des capes et armés de manifestes, n’avaient rien d’autre que les capes et les manifestes — pour le reste, c’étaient des esclaves, des nouilles. Mais cela ne nous étonne pas. La société des bobos ne survit que dans l’artifice et s’effondre dès que survient la vérité.
Quelque chose d’autre encore transparaît derrière ces lignes. Quelque chose de terrifiant. Il s’agit de la fatigue. On y sent concrètement, je dirais même à couper au couteau, la grande usure de l’Occident : la fatigue du vide, qui porte à courir vers n’importe quelle plénitude, fût-elle très amère et destructrice de liberté. La fatigue de l’athéisme, qui jette vers la première religion qui passe ; la fatigue du chaos, qui jette vers l’ordre, même tyrannique. L’existence humaine est si difficile, disait Simone Weil, si pleine de questions sans réponses, que lorsque apparaît l’idole nantie de certitudes, ils sont nombreux à venir se coucher à ses pieds.
D’autant que l’idole verte apporte tous les avantages, toutes les réussites que la difficile liberté s’était vu refuser. La France, maintenue par les pétrodollars, n’a plus de problèmes financiers. L’Éducation nationale, qui envoie la plupart des enfants en apprentissage dès le début du secondaire, se porte bien. Devenu forte puissance européenne, le pays est en passe de prendre les rênes d’une Europe musulmane — déjà, la Belgique nous a rejoints, et l’Allemagne suit.
La soumission est si reposante et si gratifiante. •
Valeurs actuelles Chantal Delsol
J’ai noté dans un autre commentaire à propos de Fabrice Hadjadj, qu’il avait été invité par la Fédération Royaliste Provençale, à Marseille, pour une réunion conférence avec Jean-François Mattei, il y a déjà plusieurs années …
Chantal Delsol est dans le même cas, puisqu’elle est venue à Marseille, il y a aussi quelques années, participer à un dîner-conférence également organisé par La Fédération Royaliste Provençale où elle avait pris la parole, à la suite de Jean-François Mattei et Jean-Baptiste Donnier … Je me souviens d’ailleurs que l’exposé – sous un angle de vue juridique – de Jean-Baptiste Donnier, professeur de Droit, l’avait vivement intéressée … Jean-François Mattei et Chantal Delsol étaient plus que des confrères. Ils étaient des amis.
En matière de relations, de contacts diversifiés et de grande qualité, d’ouverture de notre courant de pensée, sans jamais rien en renier, il me paraît assez évident qu’en tous temps, les royalistes provençaux – comme d’autres – ont fait du bon travail. C’était déjà le cas à l’époque – maintenant lointaine – des rassemblements royalistes de Montmajour et des Baux de Provence, sous la présidence de Pierre Chauvet et je dois dire que cette tradition s’est poursuivie sous la présidence de Jean Gugliotta.
On ne s’en est peut-être pas tellement aperçu dans la galaxie royaliste. Mais ceux qui, plus tard, étudieront l’histoire de l’Action française des cinquante dernières années ne manqueront pas de s’en rendre compte. C’est déjà le cas des jeunes universitaires et chercheurs qui, parfois, viennent interroger les plus anciens d’entre nous sur l’action qu’ils ont menée et, le cas échéant, qu’ils mènent encore …
Je signale que CHANTAL DELSOL participera le vendredi 20/03 à 18h, à Marseille (Villa Méditerranée-Esplanade J4) à la table ronde organisée par l’ASSOCIATION DES AMIS DE JF MATTEI, à l’occasion de la sortie post-mortem de l’ouvrage « L’HOMME DEVASTE » (Editions Grasset). Une soirée à ne pas rater.
Merci de cette information que nous ne manquerons pas de relayer. Et, bien-sûr, nous participerons à la table ronde du 20 mars, à Marseille.