Quant à nous, nous tenons les critiques cinématographiques de Jean-Christophe Buisson comme de celles, rares, auxquelles on peut se fier sans risque. Celle-ci, tout en finesse, intelligence et goût est parue dans le Figaro magazine du 6 février 2015. Les cinéphiles suivront son conseil …
Tout citoyen français curieux, informé et intelligent tient l’affaire Clearstream pour une chose aussi complexe que les guerres dans les Balkans, la lecture de La Phénoménologie de l’esprit ou l’équation de Schrödinger. Autant dire que l’idée qu’elle puisse servir de trame narrative à un film prête à sourire, voire à ricaner grassement. A tort. L’Enquête est un excellent film doublé d’un éclairage lumineux sur un scandale politico-financier brumeux et saumâtre.
La bonne idée était de gravir la montagne par sa pente la plus escarpée, mais aussi la plus facile à emprunter : Denis Robert. Ce journaliste casse-bonbons, prétentieux, courageux et exalté qui a dû se prendre plus d’une fois pour ses confrères du Washington Post Bob Woodward et Carl Bernstein mettant au jour le Watergate, fut celui par qui la révélation du scandale arriva. Arrachant des informations à des policiers, des juges, des traders repentis ou des journalistes bienveillants, se mettant à dos des multinationales, des sociétés d’armement, le Luxembourg, des huissiers, des banques, des politiciens, la DST, sa femme, ses enfants et des journalistes moins bienveillants, il fit de sa vie une croisade contre les paradis fiscaux, les circuits de finance internationale opaques, la dissimulation de capitaux.
Intérêt majeur du film : mêler les dimensions privée et professionnelle de cette lutte entre un David identifié et un Goliath quasi invisible. Combat déséquilibré, perdu d’avance, mais qui n’en fit pas moins bouger les choses. Défilent des mots et des noms qui ont hanté les deux dernières décennies : frégates de Taïwan, Edouard Balladur, secret-défense, Renaud Van Ruymbeke, lmad Lahoud, le général Rondot, Thomson, Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy… Il y a des morts étranges, des suicides suspects, des accusations mensongères, des thèses conspiration-nistes. On navigue agréablement entre le polar judiciaire, l’enquête journalistique et le film d’espionnage. Gilles Lellouche est époustouflant, la mise en scène et le montage, impeccables. On ferait presque de grands bonds de félicité, n’était-ce une musique démonstrative et omniprésente. Notre seul bémol – c’est le cas de le dire. •
(En salles depuis le Il février)
Post-filmum : bravo aux scénaristes de ne pas avoir oublié qu’il fut un temps où c’était Le Figaro qui soutenait Denis Robert, lâché et presque lynché par Le Monde d’Edwy Plenel…
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