La récurrence fortement médiatisée des interrogations, parfois empreintes d’angoisse, sur l’euro est un signe quasi clinique. On relèvera, comme emblématique, le « docu-fiction » diffusé mardi dernier par la chaîne France 5 intitulé « Bye bye l’euro ». On en retiendra le point d’orgue : M. Attali pontifiant sur l’apocalypse que déclencherait une sortie de l’euro, alors que lui-même avait, dans un élan de volontarisme idéologique négateur des réalités régaliennes les plus élémentaires, prophétisé avec d’autres un avenir radieux (« L’euro, une chance pour la France, une chance pour l’Europe », Le Monde 28/10/1997). Et on sera évidemment d’accord avec M. Ardinat (Boulevard Voltaire) qui dénonce une « émission militante […] une véritable opération de propagande européiste ».
Cependant, même s’il s’agit d’un « reportage anxiogène » qui reprend avec une mauvaise foi évidente « tous les clichés éculés sur la fin de l’euro », cette émission aura eu quelques mérites. D’abord, sa diffusion prouve bien que désormais, et de façon indéniable, l’euro constitue un problème reconnu en tant que tel. Ensuite, il a bien fallu faire une (petite) place à une voix discordante, en l’occurrence celle de M. Sapir qui, même minoritaire, a pu défendre son point de vue. Enfin, on aura compris, malgré les outrances, que renoncer à la monnaie unique ne saurait être une partie de plaisir.
Prenant l’exemple grec, M. Giscard d’Estaing, malgré tout assez compétent en matière financière et économique, vient d’affirmer que la Grèce doit sortir de l’euro (pour régler ses problèmes grâce àune monnaie désormais dévaluable) et d’expliquer comment elle doit le faire (de manière consensuelle et non conflictuelle). On comprend, en creux, que ce serait aussi l’intérêt des autres pays européens (qui pourraient peut-être alors envisager le recouvrement d’une partie de leurs créances – 55 milliards tout de même pour la seule France, sur un total proche de 250). Certes, la Grèce vient d’obtenir une sorte de sursis (quatre mois) bien fragile tout de même car encore susceptible d’être remis en cause dès cette semaine. Mais tout cela tient à si peu que le bon sens politique commande d’envisager calmement ce que pourraient être les modalités d’une exfiltration réussie.
D’autant que d’autres pays que la Grèce connaissent de très grosses difficultés. M. Sapir voit déjà dans l’Italie le prochain maillon faible, assez fort toutefois pour poser un problème insurmontable à la zone euro tout entière dès l’été 2015. Donc, l’apocalypse version Attali ? M. Chevènement (Le Figaro, 31/01/2015) est ici dans le vrai qui met en garde contre « un éclatement sauvage de la zone euro ». Ce scénario du pire serait forcément, en ce qui concerne la France, disons-le ici, le résultat d’une faute politique, celle d’un gouvernement refusant jusqu’au bout de renoncer à son aveuglement idéologique en faveur de la monnaie unique, alors que la sagesse commande de préparer un scénario fondé sur la « concertation entre pays européens et d’abord un accord entre la France et l’Allemagne ». •
En fin de compte, l’euro crée donc un état permanent de perplexité politique et d’incertitude monétaire, puisque sa survie méme est périodiquement remise en question. Personne ne doute de la pérennité du dollar, du yen, du yuan, du sterling ou du franc suisse. Pourquoi n’en est-il pas de même pour l’euro ? Ce serait une question à se poser … Et la réponse ne serait pas très difficile à trouver. Personne ne sait si l’euro survivra à ses vices de fabrication, combien de temps il durera, s’il faut y rester ou en sortir, ni quand ni comment. LJDL a raison de le nommer un boulet alors même qu’une monnaie ne vaut que par la confiance qu’elle inspire et par le service bon ou mauvais qu’elle rend aux Etats qui l’utilisent. Question : y a-t-il dans le monde une autre monnaie constituée sur des bases comparables à celles sur lesquelles l’euro a été fondé ? J’en doute …
Merci Cédric pour ce remarquable commentaire, en complément de l’excellent billet de LJD.
Le rôle de la monnaie est d’être un instrument, économique certes, mais avant tout politique. La BCE ne peut pas jouer ce rôle, pour d’évidentes raisons d’absence d’unité politique européenne.
Tout ayant été dit sur la « malfaisance » de l’Euro, faut-il en sortir et revenir à nos petites facilités d’avant, en laissant filer nos déficits par calculs politiciens?