Je crois avoir été l’un des premiers à expliquer que l’Euro était un désastre qui allait foutre en l’air l’Europe que j’aimais, c’est-à-dire celle de la diversité, pour la remplacer par celle du lit de Procuste imposée par Bruxelles, où des gens que personne n’a élu et qui ne sont responsables devant personne décident de la taille des concombres ou de la qualification maraichère de la tomate. Fruit ? légume ? Sujet de taille.
En 2011, pour les raisons que j’ai longuement expliquées dans « L’Etat est mort vive l’état » “(Grand E, petit e).
Je pensais que nous arriverions au moment décisif vers 2014 -2015, moment où les marchés de la dette en Europe se révolteraient contre ce système qui assurait la ruine de tout le monde.
Ce que je n’avais pas, mais pas du tout prévu, était que la BCE allait rompre tous les Traités, changer toutes les règles qui président à la gestion convenable d’une banque centrale, abandonner toute prudence au point de coller des taux d’intérêts négatifs et de financer les budgets des Etats en rachetant directement de la dette étatique. Dans ma naïveté, je pensais que les Allemands en général et la Bundesbank en particulier allaient s’y opposer. Que nenni !
Comme le disait le Maréchal de Mac Mahon : “Hier, nous étions au bord du gouffre, aujourd’hui nous avons fait un grand pas en avant “. Sous la direction de Draghi, le faussaire des comptes Italiens à la fin des années 90, la BCE se livre en fait à une opération d’acharnement thérapeutique sans exemple dans l’histoire depuis la mort de Franco pour essayer de prolonger le plus longtemps possible un mort vivant.
Ce qui m’a amené à me poser la question suivante : Pour qu’un système aussi débile que l’Euro s’installe et dure,e il faut que ce système ait des supporters puissants. Et donc dans ce petit papier, je vais essayer de les débusquer.
Les premiers soutiens se trouvent dans ceux qui en ont eu l’idée, c’est-à-dire cette classe technocratique Française si bien représentée par Trichet, Lamy ou Delors, qui après avoir ruiné la France, ont décidé de créer un ETAT Européen dont ils assureraient l’Administration, la France étant devenue trop petite pour leur immense talent. Et donc une structure de pouvoir a été montée, la BCE, remplie de gens non élus mais cooptés et le but principal de cette structure est de continuer à financer cette expérience non démocratique puisque les marchés ne veulent plus le faire.
Cette structure de pouvoir assure les fins de mois de l’autre structure de pouvoir en Europe de gens non élus, la Commission, peuplée de zombies du style Barroso ou Juncker, qui elle émet des « directives » qui ont prééminence juridique sur les Lois passées par les Parlements Nationaux, qui sont donc dessaisis » de jure et de facto » de la Souveraineté Nationale, ce qui est insensé.
Ces directives de la commission européenne, qui sont préparées dans le plus grand secret, prennent en effet le pas même sur la Loi Fondamentale de chaque pays, c’est-à-dire la Constitution.
Et ceux qui sont au pouvoir à Paris – qui ont nommé en douce ceux qui sont à Bruxelles ou à Francfort (voir le cas typique d’un incompétent notoire comme monsieur Moscovici) – adorent l’Euro puisque la BCE finance leur politique débile en achetant toutes les obligations émises.
La BCE affranchit donc les politiques de toute sanction en provenance des marchés, c’est-à-dire de la réalité. Nous avons donc un système, organisé par et pour ceux que j’appelle « les hommes de Davos », qui ont comme caractéristique principale de mépriser le Peuple, et de détester les Nations pour communier dans une espèce d’internationalisme mou, gras et verbeux, et bien-sûr ce système n’a rien de démocratique. On peut donc dire sans crainte d’être démenti qu’aujourd’hui la plupart des pays Européens ne vivent plus sous un régime démocratique puisqu’ils ne peuvent plus virer les gens qui rédigent les lois qu’ils vont devoir suivre. Et qu’on ne me parle pas du Parlement Européen puisque son ordre du jour est complètement sous le contrôle …de la Commission. Nos fiers élus Européens ne peuvent voter que sur les sujets où la Commission les a autorisés à voter et sur des textes préparés par cette même commission. Bien entendu, cette soumission de tous les instants est grassement rémunérée pour éviter les révoltes intempestives.
Comme je l’ai souvent écrit, les Institutions Européennes, à la fin des années 90, ont été l’objet d’un coup d’état, qui a enlevé tout pouvoir de décision aux élus des Nations pour le transférer à un théâtre d’ombres à Bruxelles.
Premiers supporters de l’Euro donc, la classe politique au pouvoir actuellement puisque la BCE les libère de la fameuse tyrannie des marchés
Deuxième élément de soutien qui assure la survie de l’Euro, la classe de «ceux qui sont payés par nos impôt», en salaires ou en subventions diverses et variées. Si la France venait à sortir de l’Euro, le bénéficiaire français de cette manne étatique verrait son pouvoir d’achat amputé de la baisse du Franc Français contre le DM. A la place d’être payé 4000 euros par mois, notre fonctionnaire toucherait 4000 nouveaux, nouveaux francs qui assez rapidement vaudraient 3000 DM. Et donc tous ces braves gens se battent pour que la France reste dans l’Euro, puisque cela leur assure un pouvoir d’achat qu’ils n’ont en rien mérité. Un exemple entre mille : d’après le journal « Marianne », le « Président qui déteste les riches » aura plus de 40000 euro par mois de droits à la retraite à faire valoir quand il cessera ses activités, payés par nos impôts, ce qui m’amène à faire deux remarques.
La première : dans mon article monsieur Ayrault et son chauffeur, j’imaginais que l’ancien Premier Ministre allait toucher des qu’il serait à la retraite environ 200.000 E par an, ce qui correspondait d’après mes calculs à la rentabilité d’un capital d’au moins 30 millions d’Euro. J’étais très, très loin du compte.
La deuxième c’est que vous ne voudriez pas que cette belle retraite, si durement gagnée, ne soit payée en francs ? La protection du pouvoir d’achat de nos élites est un devoir national.
Et classe politique et hauts fonctionnaires trouvent bien-sûr un soutien actif chez les média, qui ne survivent que grâce aux transfusions financières opérées généreusement par l’Etat Français vers le compte d’exploitation de nos défenseurs acharnés de la Liberté d’expression.
La Liberté d’expression garantie par des subventions étatiques, voila une idée que même l’URSS n’avait pas eue. La France est en effet, à ma connaissance, le seul pays démocratique au monde où la presse est subventionnée au vu et au su de tout un chacun… par le gouvernement.
Et le rôle de cette presse est très simple : il faut qu’elle explique sans arrêt au petit peuple, ignorant par définition mais dont ON veut le bien, que les « experts » (Attali, Minc, Duhamel BHL rejoints par tous les Oints du Seigneur..) sont absolument certains que si l’Euro venait à disparaitre, ce serait une catastrophe inimaginable, nous retournerions immédiatement à l’âge de pierre et la guerre entre la France et l’Allemagne reprendrait immédiatement.
Donc, le rôle des media n’est en rien de présenter un dossier argumenté sur les avantages, les inconvénients ou les modalités d’une éventuelle sortie de l’Euro mais tout simplement de faire peur. Et je dois dire qu’ils accomplissent cette mission avec brio et succès.Mais comme Attali, Minc, BHL, Duhamel et tous les seconds couteaux qui sévissent à leurs cotés se trompent sur tout et depuis toujours, le peuple commence à avoir des doutes.
J’engage le lecteur à écouter par exemple sur ce site ce que disait Attali de l’Euro à la fin des années 90….On ne sait s’il faut en rire ou en pleurer. Heureusement, ce grand homme a décidé de devenir Sri Attali, le grand sage Indou qui veut nous apprendre à trouver la paix intérieure malgré la dureté de la vie. Devant un tel culot, on ne peut que s’incliner, avec respect, en espérant que pour une fois c’est lui qui a écrit l’ouvrage et que ce sera son dernier.
Mais la partie la plus facile à effrayer dans la population est bien sur constituée par les rentiers qui ont pensé s’assurer une retraite en souscrivant à une assurance vie qu’ils ont investie massivement en obligations de l’Etat Français. Eux, ils sont terrifiés par l’éventualité d’une disparition de l’Euro, et ils ont raison.
Mais hélas, la BCE, comme je l’ai indiqué plus haut a comme objectif premier non pas leur bien être (quelle idée !), mais la survie des structures de pouvoir mises en place dans les 15 dernières années en Europe au profit de gens non élus tels monsieur Juncker ou Draghi. Pour cela, elle a introduit récemment des taux d’intérêts négatifs, selon la vieille idée Keynésienne que pour avoir une économie saine, il faut d’abord procéder à l’euthanasie du rentier. Comme je l’ai indiqué dans un article récent, le but parfaitement officiel de la BCE est donc de ruiner les rentiers Européens en général et le rentier Français en particulier. Or il se trouve que les détenteurs d’assurance vie constituent en France les gros bataillons des partisans de la survie de l’Euro et la BCE vient de leur déclarer la guerre, pour protéger nos élites contre leur propre incompétence.
Le choix devant lequel se trouve le rentier Français est donc assez simple.
Soit il préfère un infarctus, la sortie de l’Euro, et cela n’est pas toujours fatal, soit il préfère un cancer généralisé. Dans le second cas, on met certes plus longtemps à trépasser, mais la fin de vie n’est pas très agréable.
Et donc nos assurés vont se retrouver ruinés quoiqu’il se passe.
Leur soutien à l’Euro va faiblir au fur et à mesure qu’ils vont prendre conscience de cette dure réalité, ce qui va ouvrir un boulevard à ceux qui veulent le supprimer (suivez mon regard…)
J’en tire deux conclusions :
La première est que les lecteurs qui ont une assurance vie doivent de toute urgence en changer la composition et vendre toutes les obligations Françaises qu’ils pourraient avoir pour les remplacer par des obligations Américaines ou des actions « Schumpéteriennes » cotées à Paris. (NDLR sont appelées “actions schumpéteriennes des actions de sociétés sans lien avec l’Etat, qui vendent un produit tangible, pour simplifier/ ex: Air Liquide)
La deuxième est que l’agonie de l’Euro a commencé, mais que nous avons en face de nous des forces immenses qui gèrent nos institutions en fonction du vieux principe socialiste « Périsse le Peuple plutôt que nos idées » et donc que cette agonie va être plus longue et douloureuse pour tout le monde que je ne le pensais en 2011.
Je suis désolé d’avoir été trop optimiste à l’époque, et je m’en excuse.
Et c’est en effet au pied du mur que l’on voit le mieux le mur. •
Charles Gave est président de l’Institut des Libertés, un think tank libéral. Il est économiste et financier. Son dernier ouvrage L’Etat est mort, vive l’état aux Editions François Bourin 2009 prévoyait la chute de la Grèce et de l’Espagne. Il est le fondateur et président de Gavekal Research et Gavekal Securities et membre du conseil d’administration de SCOR.
La BCE ne fait qu’imiter la Fed et la Banque du Japon!
pour modifier l’assurance vie rapide
La crise actuelle est-elle d’abord une crise de la dette ou une crise de l’euro? A mon avis c’est plutôt une crise de la dette, que l’euro a aggravé à cause de la disparité économique des pays qui l’ont utilisé. Sortir de l’euro est-il la solution? Il faut être prudent. Tout montre que les dirigeants de l’Union européenne sont prêts à prendre des mesures inconnues jusqu’a présent pour préserver l’euro. Même à permettre à la BCE de racheter de la dette souveraine au grand dam de Charles Gave. Mais ce faisant la BCE, se conduit comme toutes les banques centrales. Il n’est que temps. Faute de quoi nous rentrerions effectivement dans le mur.
En effet, sortir de l’euro sans concertation avec les autre pays européens, de façon désordonnée, serait bien pire que le mal. La véritable solution passe avant tout par le rétablissement d’un protectionnisme avec le retour des frontières. Permettre aux états d’emprunter directement à la BCE sans avoir à passer par les banques privées. Interdire les paradis fiscaux et les mécanismes boursiers spéculatifs. Bien entendu rien de tout cela ne sera fait. Alors comme à l’habitude on s’attaque aux effets en ignorant les causes.