Le film divise comme rarement les critiques depuis sa sortie, flamboyant retour du vieux réalisateur après un passage à vide pour les uns ou glorification grossière de l’impérialisme américain pour les autres.
Adaptation d’une biographie best-seller parue aux états-Unis en 2012, American Sniper relate la vie de Chris Kyle, tireur d’élite d’exception des Navy Seals, dont le tableau de chasse – plus de 250 victimes abattues en quatre missions irakiennes – a de quoi faire pâlir l’inspecteur Harry…
Le succès foudroyant du film outre-Atlantique ne fait qu’accentuer le malaise médiatico-intellectuel des plus français qui accompagne sa réception. Le visage d’un Clint Eastwood dangereusement réactionnaire s’y révèlerait, plus encore que dans Gran Torino il y a quelques années, œuvre majeure sur le communautarisme qui déclencha des concerts de grincements de dents chez les bobos.
Comme souvent avec Eastwood, American Sniper frappe par son homogénéité. Une scène d’ouverture à couper le souffle, où Kyle tient en joue un enfant bourré d’explosif, sert de prétexte au filage d’une vie de soldat aux allures d’académie, marbre lisse et héroïque que Bradley Cooper incarne sans épaufrures. Le chant se veut moral et patriotique : Kyle pourra justifier chacun de ses tirs meurtriers à Dieu, il n’a fait qu’accomplir son devoir.
Des vents d’ocre tournoient sur les champs de bataille où le réalisateur nous jette, abusant des gros plans sur les visages comme s’il nous empêchait de prendre le moindre recul. Cette absence de champ fait à la fois la force et la faiblesse du film : en rendant le point de vue du soldat, elle désamorce un procès en manichéisme synonyme de condamnation, puisqu’on ne saurait confondre la pensée d’un réalisateur avec celle de son héros. Mais en même temps, elle en réduit sensiblement l’intérêt… •
American sniper, de Clint Eastwood.
Source Politique magazine
J’ai vu le film hier soir. Je peux donc en parler en toute connaissance de cause, d’autant que j’ai aussi lu un article sur celui-ci où Clint Eastwood s’explique quant à sa position exacte par rapport aux différentes guerres menées par les Etats-Unis…
Il ne faut pas extrapoler, ni réduire la pensée de ce vieux Monsieur respectable qui n’a plus à faire ses preuves, par ailleurs.
Oui, le film est très réaliste! Les fauves sont des deux côtés… la guerre est la réalité la plus horrible qui soit. Il ne faut pas se leurrer : des hommes, elle en fait des machines à tuer.
Non, Clint Eastwood n’est pas un « réactionnaire » c’est un être lucide qui voit les choses comme elles sont. Il les nomme et nous les donne à voir, sans artifice. Ce qui peut-être dérangeant pour certains ; ceux qui refusent de voir les choses comme elles sont.
Mais, ne dit-on pas que « seule la Vérité rend libre. (St-Jean)
Il pose la question de la légitimité de la présence des américains dans cette guerre… et de fait, dans les autres aussi.
Nous savons bien qu’il ne s’agit pas de faire le procès du Peuple américain derrière tout çà, qui lui aussi est manipulé et subit… mais de la présence miachiavélique de l’empire & du gouvernement mondial… qui joue avec les soldats, sur la corde sensible du patriotisme. Car, en soi, être patriote et vouloir défendre son Pays est légitime ; ce n’est pas une tare ni une idéologie.
Clint Easwood n’aime pas la guerre, il le dit clairement.
D’autre part, dans le cadre d’une association, il propose aux soldats la pratique d’une méditation, la M.T. de Maharishi, au coeur du Yoga. Lui-même la pratique depuis plus de 40 ans. Il le dit : « je suis un inconditionnel de la MT que je pratique quotidiennement depuis plus de 40 ans.
Ainsi ces hommes profondément meurtris et abusés par la propagande du système, peuvent se libérer peu à peu du stress profondément traumatique consécutif à leurs combats et commencer à retrouver une vie personnelle digne. – Tout ce que je dis est vérifiable sur le site de David Lynch. –
Quand on a saisi que Clint Eastwood réalise la biographie filmée d’un authentique tireur d’élite qui a dégommé je ne sais plus combien de terroristes en Irak et qui a été assassiné, aux États-Unis, en février 2013 (c’est-à-dire il y a fort peu de temps) par un ancien Marine tourneboulé et dépressif, on comprend pourquoi le réalisateur ne fait grâce au spectateur d’aucune séquence.
Je suppose que l’image du héros national Chris Kyle, plutôt bien interprété par un certain Bradley Cooper (avec qui il a une réelle ressemblance physique, d’après les photos) devait être sculptée de façon marmoréenne et qu’aucun de ses exploits et aventures ne pouvait être élidé. D’où la répétitivité des séquences qui correspondent à ses quatre séjours au Proche-Orient qui auraient tout de même pu être largement condensées, fût-ce au détriment de la précision maniaque.
Autant le film s’étire démesurément, autant il commence bien, situe clairement ses personnages, fait quelques clins d’œil à Full Metal Jacket (entraînement des guerriers, bâtiments éventrés, flamboiement ici et là d’un arbre qui brûle, tireur dissimulé et efficace), pose clairement les enjeux, les dilemmes et les états d’âme d’un soldat qui doit, en quelques secondes décider de la vie et de la mort. Cette femme, ce gosse, qui s’avancent… de pauvres gens terrorisés qui viennent chercher du secours ou des kamikazes fous d’Allah ? Je tire (et je tue) ou non ?
Le problème de la guerre, aujourd’hui, c’est qu’il n’y a plus de guerre, qu’il n’y a plus deux armées qui se font face à face. Ou plutôt qu’en face d’une armée qui pourrait gagner la bataille en affrontant et en défaisant l’autre parce qu’elle est plus nombreuse, mieux armée, mieux commandée, qu’elle est formée de braves gars courageux dont tous ne sont pas obtus, qui ont un équipement d’une incroyable sophistication, qui sont appuyés, au sol et dans l’air par toute la force de la première puissance du monde il y a en face des miliciens fanatisés largement plus disposés à mourir que nous ne sommes prêts à les tuer. Comment gagner lorsque toute une population accepte de lancer comme autant de bombes humaines des enfants fanatisés sur l’envahisseur ?
Ce qui fait un bout de polémique, dans le film de Clint Eastwood, c’est précisément que Chris Kyle et la plupart de ses compagnons d’arme n’ont pas nos délicatesses éthiques en magasin : ils mènent une guerre effarante où, de la moindre terrasse, de la moindre porte, de la moindre échancrure dans la dentelle des immeubles dévastés peut surgir la mort et le désastre. Ça rend fou, cela et nos sociétés amollies et compassionnelles n’ont plus le ressort nécessaire pour regarder en face les massacres. C’est comme ça, c’est sûrement un progrès, mais un progrès qui pourrait nous coûter cher.
Ah, oui, le film, alors… ? Si on a aimé Démineurs de Kathryn Bigelow, qui multiplie effets spéciaux, explosions diverses et corps hachés menu de la même façon, on pourra apprécier American sniper ; mais l’un et l’autre film manquent tout de même beaucoup de dimension historique…
Et finalement, ce qui m’a le plus touché, dans le film d’Eastwood, ce sont les images d’archives où l’on voit les voitures qui conduisent au cimetière la dépouille mortelle de Chris Kyle, saluée, au long de son périple routier par des milliers de gens déployant fièrement la bannière étoilée.
Lorsque le convoi d’un soldat français tué en un des pays improbables où il a été criminellement envoyé par des potentats irresponsables, traverse le pont Alexandre III pour recevoir aux Invalides les honneurs militaires, je dois reconnaître que nous sommes beaucoup moins nombreux à venir lui rendre hommage.
Remarquable, le commntaire de Pierre Builly. Quelle excellente critique ! Le commentaire de Patricia a aussi son intérêt.. Merci !