Nous ne pouvons pas être toujours et en tous points d’accord avec Camille Pascal (l’une des plumes de Nicolas Sarkozy). Là, nous le sommes. Son article est perspicace, plutôt subtil; ses remarques sonnent juste. Elles éclairent d’un jour exact le mini-psychodrame somme toute futile à propos duquel l’on a beaucoup parlé et écrit ces jours-ci. On a les soucis que l’on peut. Signe des temps !
Traversée du temps. “Toute la vie”, l’hymne 2015 des Restos du Coeur, dérange. Guerre des générations ou incapacité de celle des soixante-huitards à lâcher prise?…
Il fut un temps où en France tout finissait par des chansons. C’était il y a longtemps, bien avant la Révolution et à une époque où l’on voulait ainsi démontrer que les Français, peuple joyeux, ne prenaient en réalité jamais rien au sérieux.
À une époque où le peuple français est devenu le plus gros consommateur au monde de psychotropes et d’antidépresseurs, les choses se sont inversées. Tout est grave, tout est sérieux, rien n’est léger, et les polémiques commencent donc par des chansons.
Les Enfoirés — se désignent sous ce nom les artistes qui acceptent de chanter pour aider les Restos du Coeur — ont écrit une chanson qui fait désormais scandale. Certains parlent même d’un véritable “phénomène de société”. Une telle polémique étonne car ce qui frappe d’abord, c’est l’indigence des paroles et la pauvreté de la musique. On a connu Jean-Jacques Goldman mieux inspiré, mais le talent, il est vrai, contrairement au vin de Bordeaux, ne se bonifie pas toujours avec l’âge…
Quoi qu’il en soit, cette chansonnette se présente comme un dialogue entre deux générations. D’un côté, les jeunes — entendez par là “les jeunes cons” — et les vieux de l’autre. C’est-à-dire tous ces artistes plus ou moins sexagénaires qui occupent le devant de la scène française depuis bientôt quarante ans et ont su habilement enfourcher tous les chevaux de bataille qui se présentaient à eux pour consolider, voire relancer leur carrière. Tout y est passé, la faim dans le monde, la faim dans le quart-monde, le sida, la guerre, la condamnation de tous les méchants dont ils ont fait des chansons graves destinées à provoquer une “prise de conscience” dans l’opinion.
Dans le cas qui nous intéresse, le “choeur” des jeunes reproche à la “bande” des vieux d’avoir joui dans l’insouciance d’un monde dont ils ont profité sans se préoccuper des générations futures. En un mot, de s’être conduits comme ce qu’ils proclament eux-mêmes être, des “enfoirés”.
À ces reproches, les “artistes” parvenus à l’orée du troisième âge répondent que les jeunes n’ont pas à se plaindre car ils ont toute la vie devant eux. D’où le titre de cette complainte devenue incontournable : Toute la vie.
Chacun, y compris l’inénarrable JoeyStarr, y est allé de son commentaire pour dénoncer le racisme antijeune dont cette chanson était le révélateur. Pourtant elle n’est pas, à mon sens, le révélateur d’une guerre des générations mais bien, ce qui est plus grave, de l’impossibilité d’une génération — celle des soixante-huitards — à lâcher prise.
Elle en est à ce point incapable qu’elle s’est crue autorisée à mettre des mots à elle dans la bouche d’une jeunesse qui ne lui demandait rien, car cette chanson tient en réalité du numéro de ventriloque, les “jeunes” chantant les paroles écrites par des vieux…
Même fatigués, les Enfoirés veulent toujours parler pour la jeunesse, quitte à chanter contre elle… •
Source Valeurs actuelles
Pierre Builly sur Mathieu Bock-Côté : « Devant le…
“Le « traité de Versailles, écrasant le vaincu », dites-vous ? Comment ça ? Il aurait fallu démembrer…”